Hic est locus ubimors gaudet succurrere vitae. Ici est le lieu où la mort est heureuse d’aider la vie. Cette phrase, bien visible dans le hall du Laboratoire d’anatomie humaine de l’UQTR, appelle une pensée pour les personnes de la communauté qui ont accepté d’offrir leur corps à la science. « Les morts nous aident à accroître les connaissances sur la vie, à améliorer les soins de santé et à former de meilleurs professionnels », exprime Gilles Bronchti, directeur du Département d’anatomie de l’UQTR, en parlant de la signification de la phrase d’un ton très posé, empreint de respect.
Il poursuit : « La connaissance du corps humain, de l’anatomie appliquée à différentes pratiques en santé, est très importante afin d’établir une assise solide aux connaissances cliniques. On peut toujours enseigner l’anatomie d’une manière théorique, avec des schémas et des modèles anatomiques en trois dimensions, mais cela ne permet pas de saisir la structure du corps humain et sa variabilité. Lors de son exploration visuelle et tactile, on peut, entre autres, constater sa souplesse ou le mouvement d’une articulation. En complément de la formation théorique, cela aide à acquérir une meilleure compréhension de l’anatomie ».
Le professeur Bronchti, également responsable du Laboratoire d’anatomie humaine, cite l’exemple des étudiants inscrits à la maîtrise en orthophonie de l’UQTR. Provenant en majorité de disciplines comme la psychologie ou la linguistique, ces étudiants n’ont pas nécessairement eu l’occasion de suivre un cours de biologie humaine à l’université. Des démonstrations sont donc intégrées dans les cours préalables à la maîtrise en orthophonie, afin de leur permettre d’acquérir une connaissance biologique avancée des structures de l’appareil phonatoire humain (cage thoracique, diaphragme, cordes vocales, etc.) et de son fonctionnement.
Grâce à leur passage au Laboratoire d’anatomie humaine, les étudiants en orthophonie, tout comme leurs confrères issus d’une dizaine de programmes de la santé offerts à l’UQTR, arrivent mieux préparés pour leur formation clinique. Il va sans dire qu’une telle infrastructure d’enseignement et de recherche devient cruciale pour l’UQTR, où les sciences de la santé constituent un axe majeur de développement.
Expansion du Laboratoire d’anatomie humaine
C’est le lancement du doctorat de premier cycle en chiropratique, en septembre 1993, qui motive la décision de mettre en place un tel espace au sein du Département de chimie-biologie. Sous l’élan du professeur Régis Olry, le Laboratoire d’anatomie humaine de l’UQTR est créé à contre-courant, alors que d’autres universités ferment le leur ou en réduisent les effectifs pour se tourner vers l’enseignement de cette discipline à l’aide de l’informatique.
Depuis sa création, l’expansion des infrastructures s’est opérée en deux principales phases. D’abord, en 2005, l’arrivée des étudiants du nouveau programme de doctorat de premier cycle en médecine podiatrique, intégrés dans le cours d’anatomie avec les futurs chiropraticiens, nécessite un premier élargissement de la salle de dissection. Mais c’est en 2011 que le Laboratoire d’anatomie humaine connaît un agrandissement majeur, grâce à une subvention de 820 000 $ accordée par les deux paliers gouvernementaux dans le cadre du Programme d’infrastructure du savoir.
S’adapter aux besoins des professionnels
Le développement du Laboratoire d’anatomie humaine de l’UQTR est étroitement lié à l’une de ses particularités, c’est-à-dire de s’être adapté aux besoins spécifiques d’un large éventail de professions de la santé, allant notamment du neuropsychologue au physiatre, du biologiste médical au chiropraticien, du chirurgien ORL à l’orthophoniste. Il s’agit là d’une approche actuelle et efficiente, notamment pour de nombreux professionnels qui viennent chercher les connaissances en anatomie clinique spécifiques à la pratique dans leur domaine.
Dans cette perspective, la décision, en 2004, de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal (UdeM) de former des médecins en Mauricie joue un rôle important pour le Laboratoire d’anatomie humaine de l’UQTR. « La qualité des installations, des formations et de l’encadrement nous ont permis de nous faire reconnaître auprès des représentants et des instances de l’Université de Montréal, afin que les étudiants de la Faculté de médecine puissent utiliser nos infrastructures pour parfaire leurs connaissances anatomiques durant les années précliniques », affirme Raynald Gareau, professeur au Département d’anatomie de l’UQTR et collaborateur depuis les premiers instants au projet du Campus de l’UdeM en Mauricie.
La fructueuse collaboration entre les deux établissements permet au Laboratoire d’anatomie humaine de l’UQTR d’être agréé par la Faculté de médecine de l’UdeM en 2009, ce qui ouvre les portes aux médecins résidents venus y suivre des stages de formation professionnelle avancée en chirurgie plastique, physiatrie, chirurgie vasculaire, gynéco-obstétrique, ORL, etc.
Donner une impulsion à la recherche en anatomie
En 2012, la création du Département d’anatomie au sein de l’UQTR, en plus de favoriser l’épanouissement de l’enseignement, aura certainement pour effet de donner une impulsion à la recherche dans ce domaine. « Des projets de recherche ont démarré depuis quelques années déjà, surtout dans le cadre d’échanges avec des médecins du Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Ceux-ci nous posent des questions cliniques pour lesquelles nous utilisons les corps pour trouver des réponses anatomiques », explique Gilles Bronchti. Ainsi, des projets sont menés en collaboration avec des cliniciens de diverses spécialités : physiatrie, anesthésiologie, radiologie, chirurgie plastique, chirurgie vasculaire et orthopédie, par exemple.
Ce nouvel essor de la recherche permettant d’approfondir les connaissances en anatomie clinique est grandement lié à l’évolution des appareils d’imagerie par résonnance magnétique, de radiologie et d’ultrasonographie, qui sont de plus en plus performants. « Les cliniciens aperçoivent désormais de petites structures qu’ils ne distinguaient pas auparavant, et ils ont besoin de l’anatomie pour valider leur identification », précise le professeur Detlev Grabs en pointant une autre avancée : l’embaumement Thiel, qu’il a introduit à son arrivée à l’UQTR en 2008, ouvre de multiples possibilités en recherche.
« Les corps embaumés avec la méthode Thiel nous donnent l’opportunité d’aider les médecins à améliorer certaines approches médicales. Par exemple, un de nos projets avec les anesthésiologistes de l’UdeM a permis, après avoir observé l’anatomie de la région concernée, de développer une approche d’anesthésie locale pour les nerfs pectoraux en utilisant l’injection guidée par ultrasons, notamment lors de chirurgies liées au cancer du sein », indique Detlev Grabs.
Le chercheur évoque un autre projet consistant à mettre au point une technique d’injection sélective de vaisseaux avec du latex radio-opaque, ce qui rend clairement visible le réseau artériel de la région anatomique étudiée. Cette technique permet d’observer, d’abord à l’aide de rayons X et ensuite avec une dissection, certaines régions présentant des problèmes de guérison à la suite d’une chirurgie vasculaire. « Dans cette perspective, le développement de nouvelles approches chirurgicales pour résoudre ce type de problèmes représente un axe de recherche très prometteur », avance le professeur Grabs.
Améliorer la santé de la population
Que ce soit en enseignement ou en recherche, tout ce qui se fait au Laboratoire d’anatomie humaine de l’UQTR s’apprécie à la mesure d’une grande réalisation, que Gilles Bronchti résume ici : « À notre échelle, je crois qu’on améliore la santé de la population grâce à des professionnels de la santé mieux formés, qui se basent sur des connaissances à jour en anatomie et qui sont ainsi mieux outillés pour surmonter les défis que pose la médecine. Et il s’agit à la fois d’une motivation et d’une fierté pour notre équipe. »