Qui n’aime pas faire une petite balade dans la ville? Seulement, comme la ville fut avant tout aménagée pour la voiture, la marche peut rapidement y prendre une tournure désagréable : le bruit, le trafic, le sentiment d’insécurité et les infrastructures inadaptées aux multiples usagers (piétons, cyclistes) risquent ainsi d’en bloquer plus d’un. « Pour remédier à cette situation, les administrations municipales se tournent de plus en plus vers le concept de promenade urbaine comme lieu aménagé pour se balader, mais aussi comme espace ludique de loisir et de détente au sein de la ville », constate la professeure Sylvie Miaux du Département d’études en loisir, culture et tourisme de l’UQTR.
Depuis longtemps, la chercheuse s’intéresse au transport actif comme objet d’étude et plus particulièrement à la marche, à ce qui la facilite ou la contraint. Chose certaine, selon elle, « les caractéristiques de l’environnement proche sont déterminantes dans le fait de marcher. Les piétons recherchent un environnement sécuritaire, convivial et attractif ».
La promenade urbaine
Dans un contexte où le loisir de proximité est de plus en plus valorisé, la promenade urbaine opère un véritable changement au cœur des villes et de leur espace public, permettant alors aux citadins de jouir de leur temps libre sans trop s’éloigner du domicile. Ce type d’aménagement se répand à travers le monde sous différentes formes : rue piétonne, parcours riverain, parc linéaire, etc.
La chercheuse précise : « La promenade urbaine dépasse la seule fonction de déplacement pour proposer un espace de loisir propice au développement d’expériences multiples profitant aux habitants ainsi qu’aux touristes. Dès lors, elle devient un espace de cohabitation pour différents types d’usages. » Qu’on pense à la High Line de New York ou à la Rambla de Barcelone, deux exemples éloquents de mise en valeur de l’environnement urbain où se côtoient végétation, œuvres d’art et espaces de détente et de loisir.
Plus près de chez nous, la professeure Miaux cite la promenade Samuel-De-Champlain à Québec, aménagée le long des rives du fleuve Saint-Laurent : « Ici, on tente de réconcilier l’urbanité avec le fleuve à travers la réhabilitation d’anciennes friches industrielles en espace de loisir et de tourisme, tout en donnant une plus-value à l’image de la ville. »
Mise en scène de l’espace
Ce type d’aménagement demande un bon travail de conception pour donner envie aux gens de s’y déplacer. Plus qu’un simple parc avec quelques bancs, les concepteurs et les urbanistes opèrent une véritable mise en scène de l’espace : ils doivent voir à l’agencement des différents éléments urbains (œuvres d’art, mobilier, équipements sportifs, végétation, infrastructures diverses) sur un périmètre délimité, en vue de proposer aux différents types d’usagers une expérience alliant sécurité (sentiers balisés, éclairés) et liberté (laisser place à l’improvisation).
« À Québec, les concepteurs devaient créer une trame narrative autour de l’eau en proposant des points de vue sur le fleuve et une façon de se l’approprier. On y retrouve également des traces de l’histoire sur la relation entre le fleuve et la ville grâce à un circuit d’interprétation et des œuvres d’art public », résume la chercheuse de l’UQTR, ajoutant que si la présence du boulevard Champlain est une nuisance sur le plan sonore, les concepteurs doivent composer avec une réalité (aménagements existants, réglementation municipale, etc.) qui les limite.
Analyse de l’expérience
Grâce à ses travaux de recherche sur la promenade urbaine, la professeure Miaux souhaite, d’une part, analyser les effets de ce type d’aménagement sur l’expérience vécue par les usagers. « À travers l’analyse des interactions entre les individus et les lieux, il s’agit de saisir la portée de la promenade urbaine et de savoir si elle permet, entre autres, le développement d’espaces conviviaux favorables à l’épanouissement d’expériences riches et variées combinant déplacement et loisir », explique-t-elle.
Pour y arriver, elle utilise la méthode du « récit de la marche en temps réel », qui consiste à filmer et enregistrer le parcours effectué par un répondant qui le connaît (marcheur au quotidien) ou qui le découvre (touriste). « Il s’agit de repérer les éléments déterminants de l’itinéraire, donnant ainsi de l’information sur les qualités et les dysfonctionnements de l’environnement dans lequel la personne se déplace », indique Sylvie Miaux.
Son étude se déroule sur trois lieux : la promenade Samuel-De-Champlain à Québec, le parcours riverain à Saragosse en Espagne, et les quais de Bordeaux en France. Elle ajoute : « L’aménagement de ces lieux, sous forme de promenade urbaine, s’inscrit dans une reconquête des abords du fleuve et est appréhendé du point de vue de la richesse des expériences des usagers, l’accent ayant été mis sur l’esthétique, l’éveil des sens et l’aspect ludique. »
D’autre part, si elle aime connaître le point de vue des usagers, Sylvie Miaux regarde aussi en amont : ce qui guide le choix et la conception d’un projet. Dans cette perspective, la chercheuse mène une analyse de contenu des documents rédigés par les concepteurs des projets retenus, tout en refaisant avec eux le même exercice de « récit de la marche en temps réel ». Cette analyse du point de vue tant de l’usager que du concepteur lui permettra de déterminer si le projet atteint son objectif.
Soutenir le développement des promenades urbaines
« Les constats permettront de soutenir les municipalités qui désirent se lancer dans de tels projets de promenade urbaine comme forme d’aménagement urbain, visant à atteindre un équilibre entre le bien-être de la population, le respect et la préservation de l’environnement, tout en étant économiquement viable », conclut Sylvie Miaux.