« Le postulat de l’existence des traces sur une scène de crime ou d’infraction n’est pas suffisant. Les trouver et les reconnaître en tant que données pertinentes ou indices constituent le défi de l’investigateur scientifique. La criminalistique, qui recourt à un ensemble de techniques issues du progrès scientifique, permet alors d’examiner les circonstances entourant la présence de la trace », explique Frank Crispino, directeur du Laboratoire de recherche en criminalistique et professeur au Département de chimie, biochimie et physique de l’UQTR.
Pour y arriver, il importe d’acquérir, d’une part, les méthodes et les bases théoriques de la profession de chimiste et, d’autre part, la culture propre à la criminalistique. Le cursus en criminalistique se différencie donc d’une formation traditionnelle en chimie puisqu’il inclut, notamment, des connaissances en sciences judiciaires, en photographie scientifique, en identification d’objets, en analyse de documents et en explosif. Ainsi, le chimiste en criminalistique formé à l’UQTR connaît le jargon, les procédures et les règles qui encadrent différents domaines : système légal, police, règles de déontologie, assurance de la qualité, organisation de la justice, etc. Il peut, dès lors, bien saisir l’importance de la contextualisation des conclusions tirées des analyses en laboratoire, c’est-à-dire l’interprétation scientifique du résultat dans le contexte d’une enquête.
La scène d’incident
Si la scène de crime est l’exemple qui vient en tête d’emblée, les méthodes criminalistiques peuvent aussi s’appliquer dans divers domaines où l’on fait appel aux analyses scientifiques pour constater et comprendre des phénomènes particuliers : accidents de travail, incendies, collisions, contaminations alimentaires, défaillances industrielles, contrefaçon de monnaie ou de documents, etc. « Des enquêtes, il s’en fait un peu partout. On parle alors, plus généralement, de scène d’incident », lance Benoit Daoust, responsable du profil de criminalistique au Département de chimie, biochimie et physique de l’UQTR.
Le professeur Daoust poursuit : « L’expertise unique de nos diplômés leur permet d’œuvrer au sein de nombreuses organisations liées, par exemple, aux enquêtes sur des réclamations d’assurances, à la sécurité et aux plans de prévention des désastres et de gestion des risques. »
On le constate : la criminalistique s’affirme comme discipline incontournable dans la mesure où elle influence les enquêtes criminelles, certes, mais également différents autres domaines. Le forensicien peut ainsi participer à la prévention des atteintes aux personnes et aux biens, ou encore à l’élaboration du renseignement de sécurité à partir des traces scientifiques collectées, par exemple pour comprendre des structures criminelles, pour analyser des patterns ou encore pour expliquer des crimes sériels. Son rôle permet alors de soutenir des actions stratégiques et opérationnelles dans le but de mieux comprendre la criminalité et d’assurer une meilleure sécurité de la population en optimisant l’allocation de ressources, policières ou autres, sur des phénomènes identifiés.
Impact sur la preuve
Sur le plan de la justice, la criminalistique contribue, entre autres, à déterminer les causes et les circonstances d’activités diverses. « En ce sens, le but de la criminalistique n’est pas de supplanter le travail du policier ou de l’enquêteur, mais bien d’alimenter, par de nouvelles connaissances et une expertise poussée en sciences, le travail judiciaire, précise le professeur Crispino. Car il s’agit bien d’amalgamer deux cultures, deux mondes, deux modes de pensée : la culture scientifique avec ses codes, ses méthodes et ses doutes, et la culture judiciaire qui doit se prononcer hors de tout doute, même raisonnable. »
Dans cette perspective, la chimie devient alors un outil visant la compréhension de ce qui se produit en amont de la scène de crime ou d’un incident. « La criminalistique s’appuie sur les sciences fondamentales, mais sa quête d’informations se fait à la faveur des liens possibles entre les indices, leur individualisation et, au final, la reconstitution des événements et leur interprétation », conclut Frank Crispino.