Bien des parents redoutent de voir un jour leur enfant rentrer à la maison sous les effets du cannabis. Advenant une telle situation, comment devraient-ils réagir ? Chantal Plourde, professeure au Département de psychoéducation de l’UQTR, pose un regard critique sur un sujet qui demeure encore sensible dans les foyers québécois.
L’éventuelle légalisation du cannabis au Canada remet à l’ordre du jour ce sujet que bien des parents cherchent à éviter. Or, selon la professeure Plourde, il est préférable d’aller de l’avant avec ce thème plutôt que de fuir la discussion avec sa progéniture.
« Comme parent, le contexte de légalisation du cannabis nous offre une occasion de dialoguer avec nos enfants. La consommation de cannabis est encore très taboue, mais l’éducation passe par le dialogue. Il serait intéressant que les parents prennent le temps de demander à leurs jeunes ce qu’ils pensent de la légalisation », indique-t-elle.
Pour Mme Plourde, la responsabilité éducative des parents est d’abord de former les jeunes à prendre de bonnes décisions. Cet aspect lui paraît important, puisque bien des adolescents sont tentés par l’expérience des drogues.
« Beaucoup de jeunes consomment du cannabis, alors il ne faut pas se mettre la tête dans le sable et se dire que notre jeune ne va pas en consommer. Il y a de bonnes chances qu’il y touche. Si ça se passe bien, tant mieux, mais si ça ne se passe pas bien, il ne faut pas qu’il se sente mal d’appeler ses parents. Sinon, il pourrait se retrouver dans une situation où il est vulnérable », commente-t-elle.
Être disponible et calme
La professeure recommande aux parents de rappeler à leur adolescent qu’ils sont là pour lui. De cette manière, si le jeune se sent mal après avoir consommé, il n’hésitera pas à les appeler pour qu’ils viennent le chercher. Elle ajoute que dans une pareille situation, les parents ne devraient pas juger leur enfant ni le réprimander.
« Ce n’est pas une bonne idée d’intercepter son enfant et de vouloir discuter avec lui quand il est intoxiqué. Il vaut mieux attendre à plus tard pour avoir une bonne discussion. Crier, hurler et paniquer n’est certainement pas la bonne façon d’aborder le sujet. Il faut garder à l’esprit que beaucoup de jeunes ont peur de la réaction de leurs parents », avance-t-elle
« Comme parent, ça peut être difficile de garder son calme à cause de la charge émotive. Il faut quand même prendre sur soi et se dire qu’au moins, notre jeune est chez lui, en sécurité », ajoute la professeure.
Le culte de la peur
La légalisation du cannabis est loin de faire l’unanimité. Certains considèrent d’ailleurs que les drogues douces constituent une menace pour la société, en particulier pour les jeunes.
« Les parents ont peur du cannabis, parce que c’est une substance qui a longtemps été illégale. L’alcool, en comparaison, ne crée pas de remous, même si les dommages qui y sont associés sont plus importants que ceux causés par le cannabis. Sauf que l’alcool est légal, et cela donne un sentiment de sécurité aux gens », remarque Mme Plourde.
Un autre facteur qui contribue à alimenter la panique des parents est la façon dont ils se rendent compte que leur jeune consomme. Elle note que dans bien des cas, ils l’apprennent en fouillant dans les poches de leur enfant, ou en recevant un appel de l’école. Souvent, ce genre de situation donne lieu à des crises. Pour cette raison, la professeure estime qu’il faut mieux outiller les parents, notamment avec des messages cohérents et logiques.
Afin de trouver de l’information crédible, Mme Plourde conseille de se tourner vers des ressources professionnelles, comme le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ), les organismes communautaires en prévention ou les intervenants des écoles secondaires.
Mettre les choses en perspective
Les recherches les plus récentes ont démontré que chez les jeunes de moins de 25 ans, un usage excessif de cannabis peut avoir un effet néfaste sur le cerveau. Or, au cours des dernières années, le taux de consommation des 15-17 ans se situait entre 30% et 40%. Pour l’ensemble du secondaire, on parle d’environ 15%. Si ces chiffres peuvent sembler alarmants, la professeure prévient qu’il faut relativiser.
« La grande majorité des jeunes qui font usage du cannabis n’auront pas de dommages cérébraux causés par leur usage. Les dommages surviennent chez une petite portion de jeunes vulnérables, qui consomment beaucoup. On sait que 5% des jeunes développent un problème, et qu’un autre 5% est à risque, donc il y a 10% de jeunes sur lesquels il faut porter une plus grande attention », souligne-t-elle.
De façon similaire, Mme Plourde assure que ce ne sont pas tous les jeunes consommateurs qui viennent à développer une dépendance. En réalité, la consommation de cannabis, pour la grande majorité des jeunes, demeure récréative, occasionnelle et reliée au plaisir.
La bonne approche
Quoi qu’on en pense, la proportion de jeunes consommateurs de cannabis demeure importante. D’après Mme Plourde, plusieurs facteurs expliquent le goût des jeunes pour les drogues douces, à commencer par la facilité d’accès.
« Actuellement, c’est probablement plus facile pour un jeune de se procurer du cannabis que de se procurer de l’alcool. Le cannabis est disponible, sa composition est parfois douteuse et très forte en THC », observe-t-elle.
Au final, la professeure considère que la meilleure nouvelle avec la légalisation se trouve dans les sommes importantes qui seront investies en prévention. Elle espère cependant que les activités de sensibilisation et d’encadrement à venir s’appuieront sur de l’information véridique, et non sur des messages sensationnalistes.