Le lac Saint-Pierre, classé Réserve mondiale de la biosphère, souffre de graves problèmes de santé. Les experts estiment qu’une des causes serait attribuable aux importantes superficies de terres cultivées dans le littoral du lac. Est-ce possible de concilier agriculture riveraine et protection de ce joyau naturel? Voilà l’essentiel du défi qui a été confié aux chercheurs du nouveau Pôle d’expertise multidisciplinaire en gestion durable du littoral du lac Saint-Pierre.
Le gouvernement du Québec a fait l’annonce de la mise en place de ce pôle d’expertises le 19 juillet dernier. Il a consenti une enveloppe budgétaire de 4,66 M$ sur une période de quatre ans. Trois établissements universitaires (McGill, Laval et l’Université du Québec à Trois-Rivières) vont contribuer à élaborer des stratégies d’intervention dans la zone littorale du lac Saint-Pierre qui favoriseront la mise en place d’une agriculture durable, adaptée et respectueuse de l’écosystème du lac. Ces solutions soutiendront notamment la restauration de milieux prioritaires sur cet immense bassin versant.
Mandat des chercheurs de l’UQTR
C’est le Centre de recherche sur les interactions bassins versants – Écosystèmes aquatiques (RIVE) qui assurera le leadership de ce mandat de recherche à l’UQTR. L’équipe consacrée au projet est sous la codirection de Julie Ruiz et Raphaël Proulx, professeurs au Département des sciences de l’environnement et respectivement titulaires de Chaires de recherche en écologie/aménagement du paysage et en intégrité écologique.
Les chercheurs assignés au Pôle travailleront en étroite collaboration avec les intervenants du milieu. Deux objectifs majeurs ont été identifiés:
- Développer des cultures et pratiques agricoles adaptées qui ont des incidences positives sur le lac Saint-Pierre;
- Évaluer la performance et les impacts des projets de restauration;
- Faire des propositions concrètes, appuyées par la recherche, aux ministères concernés.
Agriculture et plan d’eau au Québec
Mentionnons d’entrée de jeu que la pratique de l’agriculture est interdite dans le littoral des plans d’eau au Québec. Or, le littoral du lac Saint-Pierre fait figure d’exception, alors qu’on y retrouve près de 5 000 hectares de terres en culture.
L’agriculture dans la zone inondable du lac Saint-Pierre se pratique pourtant depuis plus d’un siècle, mais c’est l’intensification récente des pratiques qui est pointée du doigt.
« L’objectif du Pôle n’est donc pas d’interdire la pratique de l’agriculture au lac Saint-Pierre, mais plutôt d’adapter les pratiques agricoles afin de les rendre plus acceptables aux plans de la qualité de l’eau et protection de la faune, tout en respectant les impératifs socioéconomiques du milieu », explique le professeur Raphaël Proulx.
Dans ce contexte, les chercheurs du RIVE s’intéresseront notamment aux populations fauniques (poissons, oiseaux, crapauds et grenouilles), à la qualité de l’eau (contaminants, fertilisants, coloration, matières en suspension, coliformes, production primaire et secondaire), à la conservation des habitats (bandes riveraines, plaine inondable, marais et marécages), aux changement climatiques et hydrologiques (formation des glaces, embâcles, débits du fleuve, drainage des terres, durée et amplitude des inondations), ainsi qu’à mieux comprendre les déterminants psychosociaux qui agissent sur l’adoption de nouvelles pratiques agricoles. Le navire de recherche de l’UQTR Lampsilis pourrait également être mis à contribution.
Impacts des projets de restauration
Les pistes de solution sont nombreuses, mais doivent faire l’objet d’une évaluation scientifique rigoureuse. Le rachat de terres en zones fauniques prioritaires, l’augmentation de la capacité épuratoire des bandes riveraines, l’aménagement de marais filtrants, le travail réduit et la protection des sols en champs, l’implantation de cultures alternatives, la stimulation de l’innovation sociale et les incitatifs économiques sont quelques-unes des solutions qui seront envisagées. « À terme, le Pôle devra en arriver avec un consensus scientifique autours de l’aménagement durable du littoral du lac Saint-Pierre. C’est pour cette raison que le Pôle se veut un partenariat interuniversitaire, mais également avec les acteurs et intervenants du milieu », précise le professeur Proulx
Tous les experts s’accordent pour dire qu’il est « Minuit moins une » pour le lac Saint-Pierre. Au cours des quatre prochaines années, ce sont plus d’une dizaines de professeurs et étudiants aux cycles supérieurs du RIVE qui seront associés aux travaux du Pôle. Voilà un immense défi qui permettra de révéler les connaissances approfondies des chercheurs de l’UQTR sur l’environnement et l’écosystème de cet énorme bassin d’eau douce.
Pour en apprendre davantage
Réserve de la biosphère du Lac-Saint-Pierre
Centre de recherche sur les interactions bassins versants – Écosystèmes aquatiques