L’industrialisation de l’alimentation a eu un impact remarquable sur les habitudes alimentaires de la population : alors que les aliments transformés n’existaient même pas il y a un siècle à peine, ils représentent actuellement plus de 70 % des ventes de nourriture à l’échelle mondiale. En plus de contenir des quantités souvent astronomiques de sucre, de gras et de sel, plusieurs de ces aliments industriels renferment également des émulsifiants comme le polysorbate 80 et la carboxymethylcellulose. Ces molécules synthétiques sont particulièrement appréciées par les fabricants industriels, car elles possèdent la propriété de lier à la fois le gras et l’eau (comme un détergent), ce qui leur permet de donner une texture onctueuse et homogène aux aliments transformés.
Des études récentes indiquent cependant que la capacité de ces émulsifiants à dissoudre les graisses pourrait perturber certaines barrières protectrices dont la fonction requiert justement d’être insoluble dans l’eau. La couche de mucus qui recouvre la surface de l’intestin, par exemple, doit demeurer intacte pour éviter que les centaines de milliards de bactéries intestinales (le microbiome) entrent en contact avec la circulation sanguine et provoquent une activation incontrôlée du système immunitaire pouvant mener à une réaction inflammatoire. Une étude récente suggère que cette barrière pourrait effectivement être affectée par la présence d’émulsifiants, car l’ajout de faibles quantités de polysorbate 80 ou de carboxymethylcellulose à l’alimentation provoque une inflammation au niveau de l’intestin, conséquence d’une infiltration de bactéries à travers la barrière de mucus.
Des études subséquentes suggèrent que cette inflammation médiée par les émulsifiants pourrait contribuer au développement du cancer colorectal qui est la seconde cause de mortalité par cancer au Canada. Les chercheurs ont en effet montré que la consommation régulière de produits alimentaires contenant du carboxyméthylcellulose ou du polysorbate 80 accélérait significativement le développement de ce cancer, possiblement en perturbant drastiquement la composition du microbiome, ce qui se traduit par l’activation de plusieurs processus cellulaires qui favorisent la croissance des cellules cancéreuses. Cet impact des émulsifiants sur la flore intestinale semble particulièrement dévastateur, car le simple fait de transférer le contenu microbien des intestins des animaux exposés aux émulsifiants à des animaux non exposés était suffisant pour recréer l’activation de ces processus procancéreux.
Les additifs alimentaires ne semblent donc pas aussi inoffensifs qu’on peut le penser, ce qui est franchement inquiétant étant donné leur présence dans une très grande quantité de produits alimentaires industriels.
Le meilleur moyen de se prémunir contre l’impact négatif des émulsifiants est de réduire au minimum la consommation d’aliments industriels transformés et plutôt favoriser les vrais aliments non transformés industriellement, en particulier ceux d’origine végétale. Non seulement les plantes contiennent des vitamines, minéraux et différents composés phytochimiques protecteurs, mais elles sont aussi une source de fibres alimentaires indispensables au maintien d’un microbiome équilibré. Augmenter l’apport en aliments riches en fibres comme les fruits, légumes, légumineuses et grains entiers, tout en éliminant autant que possible les additifs synthétiques comme les émulsifiants, est donc indispensable à la prévention du cancer colorectal.