Manquer de sommeil, engloutir un repas congelé, sauter un entrainement… Ce ne sont pas les compromis qui manquent dans la vie d’un universitaire. Pourtant, adopter de meilleures habitudes serait souvent bien plus profitable pour la santé des étudiants, et même leur réussite académique.
Depuis quelques années, l’adoption de meilleures habitudes de vie est devenue un leitmotiv dans les établissements scolaires du Québec. Spécialiste de l’éducation à la santé, la professeure Marie-Claude Rivard, du Département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), s’intéresse justement à ce sujet.
« Quand j’ai commencé à enseigner à l’UQTR, j’ai accompagné quelques écoles primaires dans la mise en place de l’Approche école en santé, et plus tard, j’ai collaboré avec le ministère de l’Éducation pour évaluer l’implantation du virage santé dans les écoles du Québec. Appuyées de la littérature, mes recherches m’ont amenée à mettre de l’avant l’importance des environnements. Si la cour d’école et le transport ne sont pas aménagés pour que les jeunes soient actifs, si le temps de récréation n’est pas suffisant, si l’offre alimentaire n’est pas saine et accessible financièrement, ou encore si la programmation et l’infrastructure d’activités physiques ne sont pas diversifiées et stimulantes, on ne facilite pas l’adoption de comportements de santé des jeunes », indique-t-elle.
La situation à l’UQTR
Riche de cette expérience, Mme Rivard s’est ensuite penchée sur la situation du campus de l’UQTR. En collaboration avec certains membres du Groupe interdisciplinaire de recherche appliquée en santé (GIRAS), elle a entrepris de sonder le personnel et les étudiants de l’Université.
« L’UQTR est un milieu de vie comportant une importante communauté universitaire composée d’étudiants, mais aussi d’employés auxquels il faut s’intéresser dans nos recherches. Nous avons donc réalisé une première phase d’étude en 2016-2017 dans le cadre du projet de maîtrise d’Alexandre Busque (dir. : É. Lachance, codir. : M.-C. Rivard). Nous avons réalisé une vaste enquête par questionnaire auprès de 2 473 répondants (484 employés et 1 989 étudiants). Cette enquête a permis de décrire l’état de la situation par rapport aux comportements de santé », explique la professeure.
Des résultats préoccupants
Les résultats obtenus par l’équipe de Mme Rivard sont pour le moins préoccupants. En se basant sur la norme canadienne pour l’activité physique chez les adultes âgés de 18 à 64 ans (150 minutes par semaine d’activité physique aérobie d’intensité modérée à élevée par séances d’au moins 10 minutes), les chercheurs ont pu déterminer que seulement 45 % des étudiants faisaient suffisamment d’activité physique, soit huit points de pourcentage en deçà de la moyenne canadienne (53 %). Chez les employés, la tendance atteint 50 %, ce qui est quand même sous la moyenne nationale.
Du côté des indicateurs d’une saine alimentation, l’équipe de Mme Rivard a calculé que seulement 19 % des étudiants atteignaient la consommation quotidienne recommandée de légumes et de fruits (selon le Guide alimentaire canadien disponible en 2016-2017). Chez les employés, ce nombre ne dépassait pas les 20 %. Enfin, les chercheurs ont remarqué que les étudiants et les employés de l’UQTR étaient plus stressés que la moyenne canadienne. Constatant ces problématiques, ils ont voulu mieux comprendre les facteurs qui expliquaient ces résultats.
« Nous avons entamé une deuxième phase dans le cadre cette fois du projet doctoral de Sylvie Ngopya Djiki (dir. : M.-C. Rivard, codir. : F. Trudeau). Nous avons organisé des groupes de discussion auprès d’étudiants et ils étaient unanimes : la principale barrière était le manque de temps. En raison de leur horaire, ils étaient souvent obligés de réduire le temps consacré à l’activité physique et à la préparation de plats cuisinés à la maison. Sinon, le manque de promotion pour l’offre alimentaire et sportive à l’UQTR, le coût de l’abonnement au Centre de l’activité physique et sportive (CAPS) et des repas santé à la cafétéria, ainsi que l’accès difficile au campus en transport actif à partir de certains secteurs de la ville étaient des barrières récurrentes », énumère Mme Rivard.
« À la lumière de ces constats, nous proposons le développement d’interventions concrètes (ex. pauses actives, ateliers culinaires) et virtuelles (ex. la technologie du computor tailoring) visant à promouvoir l’activité physique et la saine alimentation, et ce, tout au long de l’année scolaire », ajoute-t-elle.
Des avantages non négligeables
Bien que ce fait soit connu dans les écrits scientifiques, la professeure ne peut s’empêcher de rappeler que l’adoption de meilleures habitudes de vie peut contribuer à la réussite des étudiants.
« Le fait d’observer de bons comportements de santé a une incidence sur la réussite, parce que quelqu’un qui est actif et qui mange bien est notamment plus concentré, et donc plus disposé à apprendre. Le capital santé est l’affaire de tous : on a une responsabilité individuelle, parce qu’il faut se prendre en main, mais il y a aussi une responsabilité collective de rendre les environnements favorables. Il faut que bouger et bien manger soit accessible à tous », souligne Mme Rivard.
Se donner les moyens d’agir
Si être mieux informé sur les défis liés à la santé est une chose, améliorer la situation sur le campus en est une autre. Selon la professeure Rivard, quatre vecteurs peuvent permettre à l’UQTR d’innover en la matière.
« D’abord, il faut que l’UQTR se dote d’ancrages systématiques par le biais d’orientations et politiques institutionnelles. L’Université pourrait ainsi démontrer sa préoccupation par rapport à la santé en se dotant d’une vision commune qui permettrait à tout le monde de travailler dans la même direction. Ensuite, il faut un engagement des acteurs clés. En ce sens, l’UQTR pourrait désigner des porteurs de dossiers santé possédant un savoir-faire qui assumeraient un leadership au sein de comités institutionnels, par exemple. Aussi, comme troisième vecteur, il faut mettre en place des actions concrètes et mobilisatrices. Plus on incite les gens à adopter des comportements santé sur une base régulière, plus on crée l’habitude. Enfin dans une perspective d’amélioration continue, il faut évaluer les actions selon des modalités de suivi et de cible. C’est absolument nécessaire pour que les actions aient du sens, en plus de démontrer une volonté de bien faire les choses », conclut-elle.