La grossesse est un état qui, généralement, apporte son lot d’émotions positives pour les futures mères, même si l’insécurité, la dépression et l’anxiété peuvent parfois tempérer leur enthousiasme. Toutefois, certaines femmes vivent ces émotions négatives avec une prévalence plus forte du fait qu’elles ont vécu de la maltraitance, voire des agressions sexuelles dans le passé.
« Les femmes enceintes ayant subi des traumatismes sexuels présentent un risque accru de détresse au cours de la grossesse, pouvant générer des sentiments négatifs à l’égard de la maternité, ainsi que de possibles difficultés dans l’établissement de la relation avec l’enfant après sa naissance », affirme Roxanne Lemieux, psychologue et professeure au Département des sciences infirmières de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Partant de ces constats, celle qui œuvre comme codirectrice du projet STEP (Soutenir la transition et l’engagement dans la parentalité) se pose la question : comment peut-on intégrer des actions concrètes dans la pratique des professionnels de la santé en vue d’adapter les soins périnataux aux besoins des femmes ayant vécu ce type de traumatismes ?
Documenter l’expérience périnatale
Pour répondre à la question, la chercheuse de l’UQTR souhaite rencontrer des mères ayant subi des agressions sexuelles afin de documenter leurs expériences, par exemple quant aux soins reçus durant la période périnatale et lors de l’accouchement, aux actions à entreprendre pour qu’elles se sentent davantage en sécurité, etc. L’objectif de la démarche consiste à adapter les soins pour rendre l’expérience de la grossesse et de l’accouchement plus sereine.
« Les femmes ayant vécu des agressions sexuelles peuvent se sentir plus vulnérables, leur appréhension de la douleur est plus grande face à l’accouchement, elles peuvent revivre le traumatisme à travers l’expérience de la périnatalité, par exemple lors des examens gynécologiques, en se retrouvant nue devant un étranger lors de l’accouchement, en revivant des douleurs », explique Roxanne Lemieux, qui mène le projet en collaboration avec les professeurs Nicolas Berthelot et Marie-Josée Martel du Département de sciences infirmières de l’UQTR, ainsi que Christine Drouin-Maziade, agente de recherche et psychologue clinicienne.
À travers sa recherche, financée par le ministère de la Justice du Québec, elle souhaite également interpeller les professionnels de la santé pour connaître leur point de vue et les pratiques déjà en place. « À terme, l’objectif consiste à les amener à reconnaître des signes énonciateurs d’un traumatisme au plan sexuel pour qu’ils adaptent leur pratique, qu’ils soient plus à l’écoute », précise la professeure Lemieux.
Mettre en place des interventions périnatales
Comme elle le remarque, actuellement l’intervention auprès des mères vivant de la détresse se déroule souvent après l’arrivée de l’enfant. « La grossesse demeure la période idéale pour mettre en place des pratiques visant à diminuer la détresse associée aux déclencheurs des traumatismes sexuels présents lors de l’accouchement et à favoriser l’adaptation à la parentalité. L’intégration de telles pratiques aux programmes postnataux déjà en place permettrait donc de prévenir l’émergence de difficultés dans la relation parent-enfant, en plus de favoriser la santé physique et mentale des futures mères et de soutenir le développement psychosocial de leur enfant. Et pour aider les enfants à bien se développer, il faut aussi aider les parents », conclut Roxanne Lemieux.