En cette période de confinement, de nombreux parents se retrouvent cloîtrés à la maison avec leurs adolescents. Bien que la situation ne soit facile pour personne, les préoccupations personnelles de chacun peuvent rendre la compréhension mutuelle difficile, surtout d’un point de vue générationnel. Afin de donner un coup de main à ces familles, le professeur Carl Lacharité, du Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), a plusieurs conseils à donner aux parents.
D’entrée de jeu, M. Lacharité insiste sur l’importance pour les parents de saisir comment l’isolement affecte leurs adolescents du point de vue de la socialisation.
« L’isolement dont on parle n’est pas seulement physique ; il est aussi, et surtout, relationnel. Pour les jeunes, cet aspect peut être particulièrement difficile, voire souffrant. On peut constater des manifestations d’anxiété, d’agitation ou de retrait affectif (apathie) », affirme-t-il.
« Sur le plan de la socialisation, la situation actuelle montre bien les limites psychosociales des médias sociaux que les adolescents apprécient tant. Ces échanges virtuels peuvent avoir un faible potentiel de socialisation en l’absence d’interactions réelles avec d’autres », renchérit le professeur.
Depuis le début de la crise, plusieurs commentateurs ont suggéré des manières de distraire les enfants, et de leur expliquer la situation actuelle. Or, lorsque vient le temps de s’adresser aux adolescents, les parents se retrouvent plutôt démunis. À cet égard, M. Lacharité souligne que certaines approches existent pour y parvenir.
« À partir de 8-9 ans, les jeunes développent graduellement une conscience du monde qui les entoure. Ils n’ont pas seulement besoin qu’on leur parle de ce monde (comme avec les enfants plus jeunes). Ils ont aussi besoin d’occasions où ils peuvent explorer directement ce monde », indique-t-il.
« Face à la pandémie, il est utile de partir de leurs préoccupations et de les inviter à poser des actions qui leur permettent de se faire leur propre idée de la situation. Dans ce cas, Internet est évidemment un outil très utile pour qu’ils posent des questions et obtiennent des réponses. On peut aussi les inviter à contacter d’autres personnes (d’autres jeunes, mais aussi des spécialistes disponibles) pour explorer avec elles des aspects qui les intéressent. Les jeunes peuvent en quelque sorte jouer au journaliste-enquêteur en prenant contact avec leur entourage pour voir comment la pandémie affecte leur vie, et quelles solutions ils mettent en place », ajoute le chercheur au Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille (CEIDEF) de l’UQTR.
Quoi faire comme parent
Si un accès indirect au monde extérieur a le potentiel d’apaiser un peu les angoisses des adolescents, leur quotidien, lui, continue de se dérouler entre quatre murs. En ce sens, la présence des parents demeure essentielle à leur bien-être.
« Les parents devraient prendre du temps pour dialoguer avec eux, les écouter, et leur offrir diverses options pour s’exprimer sur ce qu’ils vivent. Pas seulement en répondant aux questions que leurs parents leur posent, mais aussi à travers d’autres médias tels que le dessin, la danse, la musique, etc. Il peut aussi être judicieux de changer de contexte pour discuter : ne pas toujours rester au même endroit, faire une promenade, ou profiter de l’occasion en faisant la cuisine, par exemple. Il importe d’explorer ce que le jeune a l’impression de perdre plutôt que d’explorer ce qu’il vit dans l’isolement », propose M. Lacharité.
En cas de difficultés, le professeur rappelle que certaines ressources sont toujours accessibles, malgré la pandémie de coronavirus.
« Comme le réseau public de la santé et des services sociaux est lourdement sollicité pour répondre à la demande liée à la COVID-19, et que le réseau de l’éducation est en dormance, le réseau des organismes communautaires auprès des familles commence à se mobiliser pour offrir des activités en mode virtuel. Il y a aussi les lignes téléphoniques pour les parents qui poursuivent leurs services », note-t-il.
Et pour la suite des choses ?
Pour l’instant, un retour à la normale ne semble pas envisageable pour les prochaines semaines. Or, la poussière retombera inévitablement un jour, et les jeunes vivront alors une autre transition. Le professeur de psychologie se veut toutefois rassurant face à la réaction probable des adolescents.
« En général, la plupart des jeunes s’adaptent rapidement aux changements de conditions dans leur vie, et arrivent à profiter des nouvelles ressources qui émergent. On peut donc penser que la majorité d’entre eux vivront une transition paisible dans la mesure où eux et leurs proches n’auront pas été touchés par la COVID-19. Ainsi, ce n’est pas seulement de l’isolement dont il faudra tenir compte, mais aussi des répercussions concrètes de la pandémie sur leur petit monde. Cela viendra évidemment alourdir de manière plus ou moins intense leur transition », conclut M. Lacharité.
Ressources d’aide
Gouvernement du Québec – Stress, anxiété et déprime associés à la maladie à coronavirus COVID-19