En raison de la pandémie liée à la COVID-19, de nombreuses villes de la planète sont devenues plus silencieuses. Le confinement et l’activité économique à la baisse ont réduit considérablement les bruits causés par les humains, laissant plus de place aux sons émis par les animaux. Pour étudier cette situation acoustique urbaine extrêmement rare, des chercheurs ont lancé tout récemment un grand projet de recherche à travers le monde, auquel s’est joint le professeur Raphaël Proulx du Département des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
« Il y a une vie écologique sonore dans les villes, avec la présence notamment d’écureuils, d’oiseaux ou d’amphibiens. Quand le niveau de pollution sonore d’origine humaine est élevé, on entend moins ces animaux. Les sons de la vie écologique se perdent dans le bruit ambiant. La situation actuelle de confinement et de ralentissement économique permet de découvrir une richesse écologique sonore à laquelle nous n’aurions pas accès autrement », explique le professeur Proulx, codirecteur du Centre de recherche sur les interactions bassins versants – écosystèmes aquatiques (RIVE) de l’UQTR.
Enregistrer l’écoacoustique urbaine
L’étude à laquelle participe le chercheur – intitulé Cités silencieuses (Silent Cities) – consiste à recueillir, partout sur le globe, des enregistrements sonores des milieux urbains pendant et après la période de confinement et de pandémie. Démarré à la mi-mars par des scientifiques de la France et du Royaume-Uni, ce projet est basé sur la participation volontaire de chercheurs, mais aussi de toute personne en mesure d’effectuer les enregistrements requis.
« À part moi, un autre représentant de l’UQTR s’est inscrit comme participant à cette étude. Il s’agit de l’un de mes collègues, le postdoctorant Christopher Watson. Nous sommes parmi les premiers à avoir confirmé notre adhésion à ce projet, car nos inscriptions portent les numéros neuf et dix sur la liste des contributeurs. Comme cette étude vient tout juste de débuter, le nombre de participants ira en progressant », rapporte Raphaël Proulx.
Les deux représentants de l’UQTR ont placé chacun un enregistreur automatique programmable à l’extérieur de leur résidence, afin d’obtenir les données acoustiques recherchées. Leurs appareils – qui captent l’ensemble des sons dans l’environnement immédiat – vont enregistrer en continu l’ambiance acoustique pendant une minute toutes les 10 minutes.
« La cueillette des données se déroulera pendant au moins trois mois, car l’étude doit couvrir les phases de confinement et de retour graduel à la normale », précise le professeur Proulx.
Les données recueillies par les participants à ce projet international seront stockées par l’Open Science Foundation dans une base de données publique (avec l’accord des participants). Elles pourront ensuite être analysées.
Des renseignements précieux
Plusieurs objectifs scientifiques sont poursuivis dans cette étude. Les chercheurs veulent notamment enrichir leurs connaissances sur la diversité écoacoustique masquée habituellement par les bruits causés par les activités humaines. Ils souhaitent aussi étudier la relation entre la biophonie (l’activité acoustique des animaux) et l’anthrophonie (l’activité acoustique associée aux activités humaines).
« Pour les scientifiques, la pandémie offre une possibilité inédite de réaliser des travaux qui n’auraient pu être effectués en temps normal. De plus, comme la COVID-19 n’affecte que l’humain, les autres organismes vivants continuent à évoluer normalement. Il nous est donc possible de les étudier », ajoute Raphaël Proulx, qui s’intéresse depuis plusieurs années à l’écologie des paysages acoustiques.
Notons que les initiateurs du projet Cités silencieuses ont pris soin de mentionner aux participants la nécessité de respecter les consignes en vigueur en période de pandémie, pendant leurs travaux d’installation et de manipulation des enregistreurs.
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