Tout le monde aime profiter de la saison estivale pour aller dans les multiples festivals de la province, voyager ou bien aller voir son équipe sportive favorite. Cependant, cette année, presque la totalité de ces activités sont annulées ou reportées. Il est donc important comprendre les impacts engendrés par la pandémie de la Covid-19 sur le milieu culturel et ses artisans, tout en s’interrogeant sur les lendemains de la crise. Aude Porcedda, professeure au Département d’études en loisir, culture et tourisme de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), a accepté de de partager ses réflexions sur le sujet.
Les impacts majeurs
Plusieurs domaines sont présentement largement touchés par la pandémie, et le milieu culturel ne fait pas exception. Pour ce milieu, les effets de la crise sont visibles à l’échelle économique, technologique, logistique, managérial et social.
L’impact le plus évident se trouve sur le plan économique. En raison de l’annulation de tous les événements culturels pour la saison à venir, un énorme gouffre économique va se créer pour les organismes. « Cette annulation des événements causant le manque de revenus réduit la marge de manœuvre des responsables œuvrant dans le secteur culturel à trois solutions : congédier les employés, maintenir les liens d’emplois avec l’aide des organismes gouvernementaux, ou fournir des informations pour aller chercher du soutien financier, technique et psychologique », explique la professeure. Selon elle, de nombreux organismes, surtout ceux de petite ou de moyenne taille, ne pourront pas se relever de ce gouffre financier.
Du côté technologique, il y a bien sûr une grande expansion des méthodes de diffusion numérique. On peut voir que les organismes qui s’étaient déjà tournés vers le numérique ont un avantage, car ils peuvent continuer leurs activités. Malheureusement, certains des milieux avaient encore de la réticence à s’engager dans cette voie, souvent en raison d’un manque de ressources. Dans le contexte actuel, on peut voir clairement la nécessité, pour les milieux culturels, d’être présents sur ces nouvelles plateformes de diffusion pour assurer leur visibilité et il est probable que les outils développés présentement continueront d’exister après la crise.
Ensuite vient l’aspect de la logistique. Comme on le sait, l’organisation d’événements se fait sur plus d’une année. Ainsi, le calendrier 2021 est déjà rempli de dates réservées. Plusieurs événements se retrouveront en situation de concurrence. Dans la majorité des cas, les événements de plus grande envergure auront la priorité, ainsi que les artistes plus connus. Les artistes émergents pourraient éprouver plus de difficultés à faire leur place et à poursuivre leurs activités de manière normale. D’un autre côté, le manque de disponibilité au sein du calendrier pourrait également forcer certains événements à fusionner avec d’autres activités.
La dimension managériale et, plus particulièrement, la qualité de travail et de vie des artistes est certainement la plus touchée. Plus qu’on ne peut l’imaginer, comme en atteste l’enquête menée par Culture Mauricie. Même si ce secteur a l’habitude de fonctionner par des prises de risque et de la souplesse, l’interdiction de rassembler des personnes dans un même endroit a littéralement mis à terre l’ensemble de l’écosystème culturel. Du cirque du Soleil aux petites salles de diffusion, tous sont menacés. La détresse se situe à tous les niveaux et auprès de tous les acteurs, qu’ils soient des artistes indépendants ou des entrepreneurs culturels autochtones, québécois ou internationaux.
Finalement, la crise a aussi des répercussions sociales sur les citoyens qui ont des difficultés à vivre le confinement. « On constate que lorsqu’il n’y a plus rien, la culture est un remède pour rester en contact même en situation de confinement : chant sur les balcons, reproduction d’œuvres d’art, etc. Le secteur culturel montre à la fois toute sa vulnérabilité, mais aussi toute sa force, car elle peut se reproduire sans la structure traditionnelle », comme le souligne la professeure Porcedda.
Continuer à s’alimenter en besoins culturels
Bien évidemment, avec un confinement, il semble a priori assez difficile d’assouvir ses besoins en culture. Cependant, plusieurs organismes s’efforcent de fournir le nécessaire. Ceux qui le peuvent, en télétravail, développent le côté numérique de leur entreprise, planifient et organisent les projets pour les années à venir, offrent des activités sur le web, allant même jusqu’aux spectacles virtuels. De cette façon, plusieurs artistes se tournent vers le « streaming » et font des spectacles de leur salon, qu’ils publient sur les réseaux sociaux.
Pour se nourrir de culture au Québec, plusieurs options sont offertes sur les sites de La fabrique culturelle, Télé-Québec, et les Musées du Québec. Les artistes ont également une multitude de nouveau matériel sur leurs réseaux sociaux.
La culture : un besoin essentiel
Selon la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, les besoins culturels sont intégrés dans les besoins essentiels de la vie humaine. « La culture est le lien entre les individus. Elle s’exprime, certes dans les arts et les spectacles, mais aussi dans les règles du quotidien (à la maison avec le travail, l’école et le loisir), les normes (le confinement), les interdits (la violence conjugale et sur les enfants), les savoirs (complot versus la science), les savoir-être (porter un masque et ne pas vider les magasins) et les mythes (l’économie sauve le monde) qui se transmettent de génération en génération et se reproduisent en chaque individu », soutient Mme Porcedda.
« Les décisions liées à l’éradication de la COVID-19 sont venues modifier nos valeurs, nos comportements et nos activités. Qu’arrivera-t-il ensuite à notre culture ? Pour affirmer qu’un changement se généralise, cela suppose que les personnes adopteront cette nouvelle culture si les références de base ne fonctionnent plus. Elles dicteront alors la nouvelle vision en fonction des intérêts des individus et des groupes. Certaines choses vont rester et nous pouvons déjà les entrevoir (l’éducation, la santé, le local, télétravail, l’hygiène, etc.), alors que d’autres ne dureront que le temps de la crise (le confinement, la thésaurisation des marchandises, les relations internationales, etc.) », conclut-elle.