Par les temps qui courent, certaines personnes se sentent enfermées et stressées en raison de l’isolement causé par la pandémie de coronavirus. Or, leur ennui ne se compare en rien à l’angoisse des femmes pour qui le domicile est déjà une prison en temps normal. En ces temps de crise, les mesures de distanciation sociale s’accompagnent d’un sinistre rappel : la violence conjugale sévit toujours dans des foyers près de chez nous.
Selon Suzanne Léveillée, professeure au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), les mesures actuelles de confinement risquent de jeter de l’huile sur le feu dans les relations amoureuses teintées par la violence.
« En période de stress intense, les comportements excessifs et de contrôle risquent d’augmenter. Le confinement à la maison est une période propice au contrôle, voire à l’augmentation des conflits familiaux. La détresse des femmes et des enfants sera probablement en hausse, et comme on le sait, ce type de problème est souvent vécu dans le secret », lance-t-elle.
« La violence conjugale fonctionne selon une dynamique qu’on pourrait qualifier de difficultés de rapprochement-séparation. Il y a une forme de sensibilité, de fragilité chez les hommes (et les femmes, dans une moindre mesure) qui la commettent. Le contrôle se mobilise dans le rapprochement amoureux et dans l’attachement à l’autre. Bien que l’éloignement crée de l’angoisse chez la personne violente, le rapprochement peut avoir le même effet. Lorsque les personnes sont confinées ensemble, les conflits peuvent en effet s’exacerber, puisque la personne violente peut percevoir la présence de l’autre comme étant intrusive », ajoute la professeure.
De plus, Mme Léveillée indique que le stress vécu pourrait susciter des réactions de colère plus intense chez les personnes violentes, autant sur leurs enfants que sur leur conjointe. Ces personnes ont en effet des difficultés à s’approprier leurs frustrations, et ont tendance à la déplacer sur autrui.
Des formes insidieuses
Dans l’imaginaire collectif, la violence conjugale se reconnaît par les traces qu’elle laisse. Une femme couverte de bleus ou de brûlures de cigarettes constitue ainsi l’archétype de la victime. Mme Léveillée rappelle cependant que cette violence ne se limite pas aux marques corporelles.
« Quand on pense à la violence conjugale, on pense toujours aux blessures que le conjoint peut infliger à la victime. Or, la violence conjugale n’est pas uniquement physique ; le contrôle par le dénigrement et les menaces verbales risque de créer autant de détresse », affirme-t-elle.
« En fait, la violence conjugale peut se présenter sous des formes variées. Il peut par exemple y avoir un dénigrement de l’autre, le maintien d’un climat de peur, du harcèlement, ou encore des menaces. Le contrôle est donc un facteur de risque important, et même si la personne n’est pas blessée physiquement, c’est quand même de la violence conjugale. De plus, il y a habituellement des patterns répétitifs. Évidemment, une seule occurrence d’une situation grave demeure de la violence conjugale, mais il s’agit rarement d’événements isolés », renchérit la professeure.
Bien que le portrait dressé par Mme Léveillée soit déjà alarmant, un facteur supplémentaire peut venir aggraver encore les choses. La professeure évoque que lorsqu’il s’agit de contrôle ou de dénigrement, l’entourage de la victime a plus de difficultés à percevoir la situation problématique. Elle révèle aussi que les victimes ont parfois du mal à saisir la portée de ce qu’elles vivent, ce qui fait en sorte qu’elles restent plus longtemps dans la relation. Elle se désole enfin pour les enfants témoins de violence conjugale, qui sont des victimes silencieuses de cette dynamique malsaine.
Trouver l’aide là où elle se trouve
Si la violence conjugale constitue un cercle vicieux duquel il est difficile de se sortir, il existe des personnes prêtes à porter assistance aux victimes pour que celles-ci brisent le cycle. La professeure précise cependant qu’avant de demander de l’aide, les victimes doivent prendre conscience de leur réalité — ce qui n’est pas chose facile.
« Les questions à se poser afin d’identifier son vécu sont : est-ce que je me sens dévalorisée ? Est-ce que j’ai peur, pour moi ou pour mes enfants ? Est-ce que je n’ose plus donner mon avis à mon conjoint ? Si tel est le cas, il est possible d’appeler sa famille et ses amis afin de briser l’isolement, ou même pour demander d’être hébergé. Le soutien social est très important dans les cas de violence conjugale ; il ne faut pas vivre en secret et dans la peur », réitère-t-elle.
Mme Léveillée soutient également que lorsque l’entourage des victimes ne sait pas quoi faire ou quoi dire, le soutien formel d’organismes d’aide pour femmes devient grandement nécessaire.
« Il faut encourager les personnes qui vivent de la détresse à téléphoner dans les maisons d’hébergement (qui sont encore ouvertes malgré la pandémie), afin d’obtenir les conseils des intervenants. Ce genre de consultation permet à la personne qui craint pour sa sécurité de mettre des mots sur sa situation, et c’est déjà un premier pas », conclut la professeure.
Les maisons d’hébergement de Trois Rivières et de Shawinigan restent ouvertes malgré la pandémie. Les femmes et les enfants victimes de violence conjugale peuvent ainsi trouver de l’aide à la Maison De Connivence et à la Maison Le FAR de Trois-Rivières, ainsi qu’à La Séjournelle de Shawinigan.
Maisons d’hébergement en Mauricie
- Maison De Connivence
Trois-Rivières – 819 379-1011 - Maison Le FAR
Trois-Rivières – 819 378-2990 - La Séjournelle
Shawinigan – 819 537-8348
Organismes en Mauricie
- CALACS (Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel)
Trois-Rivières – 819 373-1232 - CALACS (Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel Entraid’Action)
Shawinigan – 819 538-4554 - Emphase (Entraide Mauricie-Centre-du-Québec pour les hommes agressés sexuellement dans l’enfance)
Trois-Rivières – 819 519-4273
Urgence
- Police – 911