La Covid-19 et ses conséquences quotidiennes ont plusieurs impacts sur la santé mentale de la population, mais une catégorie de personnes pourrait être particulièrement vulnérable au stress engendré par la pandémie : il s’agit des femmes enceintes. « Selon une étude que nous avons menée auprès de 1754 femmes enceintes québécoises, il apparaît une hausse importante de l’anxiété et des symptômes dépressifs, qui peuvent s’avérer assez sévères pour correspondre à un diagnostic de dépression majeure ou de troubles anxieux », affirme Nicolas Berthelot, psychologue et professeur au Département des sciences infirmières de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), qui mène la recherche avec sa collègue Roxanne Lemieux.
Dans un contexte normal, plusieurs femmes enceintes vivent des émotions négatives, comme l’insécurité et l’anxiété, à travers le lot d’émotions positives qu’apporte la grossesse. Toutefois, dans le contexte de la pandémie, ces émotions négatives s’en trouvent exacerbées : « De fait, avant la pandémie, environ 6 % des femmes enceintes participant à nos études répondaient aux critères d’un trouble anxieux ou dépressif, alors que cette proportion est de 11 % actuellement, soit près du double », souligne le chercheur de l’UQTR, qui a publié les résultats dans un article intitulé Uptrend in distress and psychiatric symptomatology in pregnant women during the coronavirus disease 2019 pandemic.
Selon lui, « un problème de santé publique silencieux se produit présentement avec les futures mères. Les stresseurs majeurs, par exemple des crises sanitaires ou des désastres naturels, peuvent engendrer une détresse importante et, à terme, avoir des impacts négatifs sur la grossesse en soi, sur le développement du fœtus et, éventuellement, sur l’enfant. En ce sens, notre étude avait pour objectif de déterminer jusqu’à quel point le contexte pandémique aggrave la détresse psychologique prénatale, plus particulièrement les symptômes dépressifs, anxieux, post-traumatiques et dissociatifs ».
Pour arriver à ces constats, les chercheurs ont comparé deux cohortes de femmes enceintes. La première inclut 496 femmes qui faisaient l’objet d’un suivi dans le cadre d’une autre étude débutée avant la pandémie. Avec l’arrivée de la Covid-19, les chercheurs ont évalué 1 258 femmes enceintes pendant la pandémie en utilisant les mêmes mesures, ce qui leur permet de comparer les deux groupes et, ainsi, de constater les impacts de la crise sanitaire.
« Les femmes enceintes évaluées durant le pic de la Covid-19 au Québec, soit en avril dernier, ont démontré davantage de détresse psychologique que celles évaluées avant la pandémie, surtout quant aux symptômes de dépression et d’anxiété. Nos résultats démontrent entre autres que ce phénomène ne se limite pas aux groupes de femmes les plus vulnérables, mais affecte également les futures mères qui présentaient peu de facteurs de risque », précise le professeur Berthelot.
Au moment de l’étude, les femmes enceintes faisaient face à beaucoup d’incertitude et les suivis de grossesse étaient grandement bouleversés, au point où les partenaires ne pouvaient plus assister aux échographies. Actuellement, les sources d’incertitude sont différentes : la crainte d’une deuxième vague, le retour à l’école des enfants et les risques de contagion accrus avec le déconfinement, pour en nommer quelques-unes. Les chercheurs évaluent d’ailleurs actuellement l’évolution de la détresse psychologique au sein du même échantillon entre le mois d’avril et le mois d’août.
Nicolas Berthelot ajoute : « Considérant les conséquences nuisibles de la détresse prénatale sur les mères et leur enfant à naître, et l’observation d’une augmentation des symptômes liés à des problèmes de santé mentale dans le contexte de la pandémie, il devient important de mettre en place des mesures de soutien et des interventions cliniques pour aider les femmes enceintes qui vivent ces émotions difficiles. »
Retrouver l’équilibre et diminuer la détresse
En vue d’aider les futures mamans à passer plus sereinement à travers cette période difficile, les chercheurs proposent, dans le cadre du Projet STEP (Soutenir la Transition et l’Engagement dans la Parentalité), une série de stratégies pour retrouver l’équilibre et diminuer la détresse. « C’est normal de se sentir plus angoissée ou déprimée dans le contexte de la Covid-19, qui apporte son lot d’incertitudes. Il ne faut surtout pas se critiquer de vivre ces émotions et avoir l’impression de ne pas être à la hauteur », affirme le chercheur.
Nicolas Berthelot et son équipe proposent donc certaines stratégies pour faire face au stress, comme se confier à une personne de confiance pour briser l’isolement, porter son attention sur les problèmes et y trouver des solutions réalistes, faire des activités pour se distraire, concentrer son attention sur le moment présent, ou encore envisager une autre façon de voir sa situation en lien avec la pandémie. Ils ont également mis en place un programme d’intervention qui sera offert en ligne aux femmes enceintes à partir de l’automne à travers l’ensemble de la province.
Pour de plus amples informations, consultez le document Stratégies pour faire face au stress et aux émotions désagréables.
Pour de l’information sur le programme d’intervention STEP, contactez l’équipe de recherche au projet.step@uqtr.ca.