Depuis une dizaine d’années, Kate Middleton, duchesse de Cambridge et épouse du prince William, a été vue au moins une vingtaine de fois portant des vêtements de la marque Zara. Et chaque fois, les pièces qu’elle portait se sont vendues comme des petits pains chauds, en quelques heures seulement. Kate pourrait passer pour une célébrité payée par Zara, mais il n’en est rien. Malgré sa notoriété, aucun lien marketing n’existe entre la ravissante duchesse et la marque espagnole de vêtements; c’est plutôt un phénomène de mimétisme des femmes et mères du monde entier qui perçoivent que cette roturière n’a pas oublié ses origines.
Quoi qu’il en soit, la famille royale britannique est l’objet de nombreuses attentions. Et pour cause. Ce sont près de 800 entreprises qui détiennent le titre de « fournisseur officiel de la famille royale britannique », délivré uniquement par la reine Élisabeth II, son époux, le prince Philip, ou leur fils, le prince Charles, après 5 ans de service ininterrompu de qualité.
Floris, parfumerie fondée en 1730, est l’un de ses fournisseurs et sa présence dans 26 pays a un effet de levier, spécifiquement au Japon, une autre monarchie, qui suit avec attention et intérêt les faits, gestes et comportements de la couronne britannique[1]. Fortnum and Mason fournit le thé et quelques chocolats et confiseries, Barbour est le marchand officiel des manteaux imperméables en toile cirée, Jaguar, le constructeur automobile, Henry Pool est le tailleur de la couronne[2] et Tricker, le fabricant de chaussures. La liste complète des maisons qui bénéficient du Royal Warrant est disponible en suivant ce lien : https://www.royalwarrant.org/
La cour du Grand-duché du Luxembourg a aussi ses fournisseurs, mais la renommée de ces derniers reste plus locale, si ce n’est peut-être l’entreprise allemande de céramique Villeroy & Boch[3].
Même réflexion pour la Cour de Belgique[4], dont seules peut-être les marques Godiva et Leonidas pour la confiserie-chocolaterie résonnent agréablement aux palais des gourmands.
Quant à la couronne danoise, les manufacturiers Bang & Olufsen, fabricants de systèmes de son et de télévisions haute fidélité, les brasseries Carlsberg et Tuborg ou encore – mon entreprise préférée – LEGO, font partie des marques « adoubées »[5].
Ce certificat, véritable sceau, permet de réduire ce que l’on appelle le risque perçu, et modifie aussi de façon positive – si l’on admire la famille royale, bien évidemment – le produit ou son fournisseur. Certains considèrent que ce marketing royal – et qui ne coûte absolument rien aux fournisseurs – a un effet important sur la notoriété de la marque, qui fait alors partie de l’ensemble évoqué dans la tête du consommateur, alors enclin à considérer cette marque lors d’un achat.
Innover pour la Royauté
Mais au-delà du prestige, ces manufacturiers royaux ont reçu des mandats spécifiques et exigeants, et cela leur a insufflé un véritable effort d’innovation. En France, Baccarat ou Christofle ne proposeraient sans doute pas les arts de la table tels qu’on les connaît encore aujourd’hui.
Quant au chocolat, s’il se buvait principalement à l’époque du XVIe siècle, il est ensuite devenu une friandise sucrée solide. Le Roi Soleil a demandé à son pharmacien de transformer le chocolat en solide, qui était jadis utilisé comme médicament, pour en faire une friandise, abondamment consommée aujourd’hui.
Le tsar de Russie Nicolas II, amateur de champagne, a d’ailleurs demandé à la maison Roederer de lui fabriquer une bouteille en cristal transparente pour vérifier d’un coup d’œil que son contenu était exempt de poison ou de bombe. Sous l’effet de la pression due à la fermentation, la bouteille explosait, jusqu’à ce que l’on développe un fond épais[6]. Napoléon était aussi amateur de champagne et la légende dit qu’il en buvait tout autant pour fêter une victoire que pour oublier une défaite !
La couronne britannique a breveté neuf maisons pour l’ensemble de ses produits, de Lanson en 1900 à Pol Roger en 2004. Certaines de ces maisons – Moët & Chandon, Louis Roederer, G. H. Mumm et Veuve Clicquot-Ponsardin – sont aussi reconnues comme fournisseur de la cour royale d’Autriche-Hongrie.
« Honni soit qui mal y pense », rappelle la maxime de la monarchie anglaise. Cela s’applique à merveille à tout fournisseur qui transgresse les règles de discrétion. Rigby & Peller, corsetier royal, est tombé en disgrâce après avoir révélé des informations intimes sur les locataires de Buckingham Palace[7].
Ainsi, les monarchies, par leur statut de représentants de Dieu sur Terre, mais aussi par leur mécénat, ont donc pu agir comme de véritables innovateurs. Les courtisans les ont suivis, puis la bourgeoisie et, bien plus tard, une partie du peuple qui en a les moyens.
Alors qu’ils encouragent des marques traditionnelles plusieurs fois centenaires et permettent de faire perdurer un savoir-faire, ou qu’ils endossent des marques plus populaires, certaines reconnues comme de la « fast fashion », les têtes couronnées jouent, dans un cas comme dans l’autre, leur rôle d’influenceurs. Le marketing se pare ainsi d’un statut royal, mais il ne serait pas entièrement utopique de considérer que les monarchies soient – en partie – à l’origine de cette noble discipline.
Références
[1] https://www.la-croix.com/Economie/GB-jackpot-commercial-fournisseurs-Majeste-reine-2016-06-04-1300766301
[2] https://www.lexpress.fr/styles/familles-royales/les-fournisseurs-officiels-d-elisabeth-ii-ne-connaissent-pas-la-crise_1799320.html
[3] http://www.monarchie.lu/fr/fournisseurs/index.html
[4] http://www.dghb.be/fr/index.php
[5] http://www.hoflev.dk/en/list.asp#TopRow
[6] https://www.challenges.fr/magazine/la-vie-de-chateau-les-fournisseurs-des-maisons-royales_341592
[7] https://www.challenges.fr/lifestyle/barbour-jaguar-ces-marques-distinguees-les-windsor_650696