Des algues pour combattre la crise environnementale, vraiment ? Si l’on pense à un rouleau de sushi, ou encore aux spécimens échoués sur les plages, c’est vrai que c’est difficile à croire. Et pourtant, les algues ont en elles des propriétés surprenantes, qui laissent entrevoir des jours meilleurs pour la Terre. À cet égard, l’enthousiasme de Marguerite Cinq-Mars, étudiante à la maîtrise en sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), a quelque chose de convaincant.
« Les microalgues constituent une solution à plusieurs problématiques environnementales, à commencer par les réchauffements climatiques. Au fond, elles font la même chose que les plantes : elles captent le CO2 par photosynthèse, et le transforment en oxygène. Cela réduit la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ; et comme les algues sont présentes sur toute la superficie des océans, leur impact est plus grand que celui de la forêt amazonienne », explique-t-elle.
Marguerite précise également que ce phénomène est applicable à petite échelle, notamment avec le CO2 émis par les industries. Ainsi, les entreprises qui cultiveraient des microalgues pourraient capter le CO2 qui se dégage de leurs activités, contribuant ainsi à réduire leur impact sur les changements climatiques.
Si cette avenue promet une meilleure qualité de l’air, l’étudiante affirme que les algues peuvent aussi avoir des effets positifs sur la qualité de l’eau.
« Les réglementations en matière de déversement des eaux usées ne sont généralement pas très sévères. Cela fait en sorte que des polluants comme le phosphore ou l’azote peuvent se retrouver dans les cours d’eau. Or, dans les lacs par exemple, cela permet aux microalgues de proliférer, ce qui provoque un phénomène d’eutrophisation. C’est très mauvais pour les activités récréotouristiques et la santé des lacs en général ! La bonne nouvelle, c’est que l’on peut utiliser ces mêmes microalgues pour épurer les eaux usées à la source. Comme elles se nourrissent des polluants, ceux-ci se retrouvent en moins grande quantité dans l’environnement », souligne-t-elle.
« Il y a des endroits dans le monde où les infrastructures nécessaires au traitement des eaux sont inexistantes. Dans le cas de ces régions moins développées, l’instauration d’une culture de microalgues serait une solution facilement accessible, puisque l’implantation ne nécessite pas de technologies complexes. Bien sûr, un bassin d’algues ne peut pas assurer un traitement complet (on ne peut pas tirer la chasse, nourrir les algues et puiser de l’eau potable), mais c’est quand même une méthode qui permet de finaliser le traitement de l’eau sans avoir recours à des produits chimiques », ajoute-t-elle.
Des produits innovants
Outre leur contribution environnementale, les microalgues jouent aussi un rôle important dans la fabrication d’une foule de bioproduits. Marguerite a d’ailleurs plusieurs exemples à partager.
« Les biocarburants représentent une part importante de la recherche sur les microalgues. Le but est de récupérer et de transformer la biomasse des algues pour faire fonctionner les véhicules, ou même faire voler les avions. Pour le moment, ce n’est pas un procédé qui est rentable ; par contre, c’est possible de coupler la production de biocarburant avec celle d’autres produits à valeur ajoutée pour atteindre la rentabilité. Ainsi, lorsqu’on fabrique en même temps des emballages, des bioplastiques, des compléments alimentaires ou des colorants, le processus devient avantageux », indique-t-elle.
Au sujet des compléments alimentaires, l’étudiante rappelle que la population mondiale ne cesse d’augmenter. Comme cette croissance s’accompagne de besoins accrus en protéines, elle croit que les algues pourraient devenir l’aliment du futur.
« Les algues sont riches en protéines, ainsi qu’en plusieurs autres nutriments, comme les oméga-3. L’humain va souvent chercher ces acides gras en consommant du poisson, mais avec la surpêche, nous sommes en train de vider les océans de certaines espèces. Aller chercher ses oméga-3 dans les algues représente donc une solution viable. De plus, un tel complément alimentaire pourrait nous permettre de remplacer les protéines animales dans nos assiettes, puisque l’élevage est une pratique très polluante », rappelle Marguerite.
Sur le plan moléculaire, la biomasse d’algues présente une autre richesse cachée. Grâce à une analyse approfondie de sa composition, les chercheurs se sont mis en quête des molécules d’intérêt, qui auraient des applications pratiques dans la vie de tous les jours. Dans le cadre de son projet de maîtrise, l’étudiante essaie donc de trouver des molécules vedettes ; elle donne l’exemple des antimicrobiens, qui peuvent servir à fabriquer du savon ou des produits nettoyants.
Convertir nos pratiques
Avec le déclin mondial de la consommation de papier, les industries trifluviennes qui évoluent dans ce domaine devront tôt ou tard se réinventer. Malgré un avenir incertain, Marguerite pense pouvoir leur apporter une lueur d’espoir.
En tant que membre de l’Institut d’Innovations en Écomatériaux, Écoproduits et Écoénergies (I2E3), elle est témoin d’une foule de projets innovants sur la valorisation de la biomasse. Cette capacité de changement est renforcée par une collaboration avec Innofibre (le centre de recherche du Cégep de Trois-Rivières), qui possède plusieurs équipements pilotes en pâtes et papier, rendant possibles plusieurs expériences originales.
« Notre laboratoire a mis au point un procédé innovant, dans lequel nous utilisons les machines à papier pour faire des feuilles d’algues. Nous pouvons ensuite utiliser cette feuille pour faire du biocarburant, ou pour extraire des molécules d’intérêt. Nous pouvons aussi la thermoformer pour faire des emballages, dont la texture ressemble à celle du carton », révèle-t-elle.
Le sens du devoir
Considérant l’éventail de possibilités qu’offrent les algues pour améliorer le sort de la planète, l’étudiante est fière de participer à leur essor.
« J’ai choisi d’étudier en environnement parce que je voulais apporter ma contribution. La surconsommation, la pollution et l’exploitation animale posent des défis importants à l’humanité, et je voulais me sentir utile en participant activement au changement », conclut Marguerite.