Le consortium du Global Entrepreneurship Monitor (GEM) publie les premiers résultats pour le Québec de l’entrepreneuriat depuis la pandémie de la Covid-19. L’analyse effectuée par Étienne St-Jean et Marc Duhamel, professeurs à l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), révèle que les entrepreneurs québécois ont été nombreux à tirer leur épingle du jeu grâce à leur résilience et à leur vigilance entrepreneuriale pendant la pandémie, même si le taux d’entrepreneurs émergents au Québec est passé de 17,3% en 2019 pour se situer à 12,1% en 2020.
Dans leur huitième analyse consécutive, les professeurs St-Jean et Duhamel, tous deux chercheurs à l’Institut de recherche sur les PME (INRPME) de l’UQTR, montrent que l’activité entrepreneuriale québécoise s’est révélée relativement dynamique pendant la pandémie à l’échelle internationale. Bien que 66,8 % des entrepreneurs émergents affirment que le démarrage a été rendu difficile à cause de la pandémie selon l’enquête 2020 du GEM, le Québec se classe au 5e rang à l’échelle internationale avec 48,5% des entrepreneurs émergents qui ont su identifier de nouvelles opportunités et au 17e rang avec 33,8 % des entrepreneurs qui affirment que la croissance n’a été affectée négativement pendant la pandémie. Au solde, les programmes et aides financières mises en place par les gouvernements pour aider les entrepreneurs auront facilité la résilience et la vigilance entrepreneuriale des entrepreneurs émergents au Québec, puisque 63,3 % d’entre eux les ont jugés efficaces: ce qui place le Québec au 3e rang à l’échelle internationale.
De plus, les chercheurs montrent que la pandémie aura eu raison de l’augmentation constante de l’entrepreneuriat féminin au Québec depuis 2013. Alors que le taux d’entrepreneuriat émergent féminin est passé graduellement de 7,3% à 13,2% de 2013 à 2019, il atteint 12,1 % en 2020, en parité avec les hommes. Les chercheurs observent une baisse plus importante (5,2%) chez les hommes pendant la pandémie, où leur taux atteignait 21,4% en 2019. « Les femmes sont peut-être plus résilientes face aux contraintes contextuelles d’une pandémie », constate le professeur St-Jean.
Malgré les intentions d’entreprendre qui demeurent élevées, la peur de l’échec freine le passage à l’action pendant la pandémie
La pandémie a réduit modérément les intentions d’entreprendre des adultes au Québec. En effet, celle-ci atteint 18,2%, en 2020 alors qu’elle était à 21,1% en 2019, un déclin similaire à ce qui s’observe à l’échelle internationale et dans le reste du Canada. Le Québec se classe favorablement au 6e rang des économies comparables qui participent à l’étude à l’échelle internationale.
Par contre, la peur de l’échec continue de freiner les intentions d’entreprendre et prend de l’ampleur avec la pandémie, atteignant une proportion de 53,7% en 2020, le taux le plus élevé observé jusqu’à maintenant, un bond de 10,9% par rapport à l’an passé. « En considérant que 29,0% des adultes au Québec connaissent personnellement un entrepreneur qui a fermé suite à la pandémie de Covid-19, il est possible que cela ait pu générer une plus grande peur de l’échec. Les années subséquentes seront intéressantes afin de voir à quelle vitesse cette peur s’estompera dans le temps », de souligner le professeur Duhamel.
Les entrepreneurs établis plutôt résilients face à la pandémie
L’entrepreneuriat établit, soit les personnes qui ont versé 42 mois de salaires ou plus, est en déclin depuis 2013 et s’établit à 5,0% en 2020. Il s’agit toutefois d’une très légère diminution par rapport à 2019, où il se situait à 5,3%. Ces entrepreneurs établis ont vu leur croissance affectée par la pandémie dans une proportion de 45,7%, ce qui constitue l’une des plus faibles proportions parmi les territoires comparables participants (Qc : 16e rang).
En outre, 54,7% des établis ont pu saisir de nouvelles opportunités induites par la pandémie, ce qui situe le Québec au 2e rang des territoires comparables. Ces entrepreneurs jugent les réponses des gouvernements efficaces dans une proportion de 73,2% (Qc : 1e rang). « Somme toute, les entrepreneurs du Québec ont fait preuve de résilience et ont réussi à s’adapter aux mesures sanitaires et à l’incertitude qui entourent la pandémie de Covid-19. Pour certains, cela a même été très profitable et leur a permis de conquérir de nouveaux marchés », de résumer le professeur St-Jean.
Les sorties entrepreneuriales en baisse
Malgré la pire crise économique depuis la Grande Dépression, le taux de sorties entrepreneuriale a décliné au Québec en 2020, passant de 7,7% en 2019 pour se situer à 5,1% en 2020. Les chercheurs montrent que les entrepreneurs qui ont quitté l’entrepreneuriat à cause de la pandémie en 2020 ont réussi à maintenir l’activité de l’entreprise dans une plus grande proportion (30,0%) que ceux qui ont dû fermer leur entreprise définitivement (12,5%). On observe la situation inverse dans le reste du Canada, où la pandémie a généré davantage de fermeture définitive (24,3%) chez les sorties entrepreneuriales que de transfert visant la continuité de l’entreprise (12,1%). « Le Québec semble réussir davantage qu’ailleurs au pays à favoriser les transferts d’entreprises. À terme, cela devrait conduire à une pérennité et une croissance plus soutenues des entreprises au Québec. L’accompagnement aux transferts d’entreprise est mieux structuré au Québec que dans les autres provinces canadiennes. Cela devrait favoriser la croissance de prospérité de l’économie québécoise », observe le professeur Duhamel.
L’enquête du GEM
L’enquête du GEM constitue la plus grande étude comparative portant sur le dynamisme entrepreneurial dans le monde. Jusqu’à aujourd’hui, plus d’une centaine d’équipes nationales se sont investies à mesurer l’activité entrepreneuriale aux quatre coins du globe depuis 1999. Depuis 2013, le volet québécois de cette enquête est présenté par des chercheurs de l’INRPME à l’UQTR.
Le rapport sur la Situation de l’activité entrepreneuriale québécoise (2020) a pu être produit grâce à la collaboration de l’équipe canadienne du GEM et au soutien financier du ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI) du Québec et des partenaires financiers du Carrefour d’entrepreneuriat et d’innovation Desjardins de l’UQTR. Il est disponible à l’adresse http://www.gemconsortium.org.