Conseil au lecteur : trouve le fauteuil le plus confortable de ton domicile et réserve-le. Ouvre un Bordeaux ou un Bourgogne. Prends un morceau de Camembert ou de fromage Oka. Porte ton plus beau jeans et installe-toi ! Tu es prêt ? Alors, on y a.
Que tu aies choisi un morceau de Brie, de Camembert, de Roquefort ou d’Oka, pour ne citer que ceux-là, ces fromages dont la renommée n’est plus à faire tiennent leur nom d’une ville ou d’une région (la Brie est une région agricole et naturelle, située à l’est de Paris). Plus encore, ils sont le fruit d’un processus de fabrication bien spécifique. Si le fromage Brie et le Camembert se ressemblent (ils sont tous deux plats, ronds, à croûte fleurie, pleins de champignons en fait), le Camembert est plus petit et sent un peu plus le champignon, alors que le Brie, de diamètre plus important (dont on n’achète qu’une « pointe »), est plus fin au goût.
Le Roquefort, quant à lui, est né au XVe siècle (et ce n’est pas ce qui explique le nombre de moisissures) ; ce roi des fromages est considéré comme le fromage des rois[1]. Fabriqué à partir de lait de brebis dans la ville de Roquefort (centre-sud de la France), il se développe en cave où la moisissure Penicillium Roqueforti se développe à merveille pour donner son goût et ce persillage vert.
Quant au Oka, un fromage bien québécois, il doit son nom à la petite localité située au bord du lac des Deux Montagnes, dans la région des Laurentides. Un moine provenant de l’abbaye de Port-du-Salut en France, le même qui a créé le célèbre fromage Port-Salut[2], est à l’origine du développement de ce fromage, dont il partage la couleur de la croûte, mais pas le goût, ni la texture[3]. L’Oka était né.
Enfin, la Suisse a aussi ses fromages, dont le célèbre Gruyère (sans trou) de la ville éponyme, près de Fribourg. Fabriqué de lait de vache et produit sous forme de meules qui atteignent une trentaine de kilos, il est parfois confondu avec l’Emmental, lui aussi originaire d’une autre région suisse[4] et qui comporte des trous[5]. Non, ce n’est pas une création marketing, mais bien la résultante d’un processus chimique, dont le mystère aura tenu en haleine des scientifiques (au fait, quelle est l’haleine des scientifiques qui travaillent avec des fromages ?) près de 100 ans[6]. La confusion, parfois volontaire pour les producteurs d’Emmental, est une action marketing qui leur profite bien.
Après la bouchée de fromage, la gorgée de vin
Alors, maintenant que tu as bien mangé, lecteur, passons aux choses sérieuses : les vins.
De nombreuses régions (et quelques villes comme pour les fromages) donnent leurs noms à des vins. Un Bordeaux, un Bourgogne, un Champagne, par exemple, sont connus dans le monde entier.
Et pour celles et ceux qui ne distingueraient pas ces vins par leur couleur ou leur goût, la « forme des bouteilles est associée à une origine territoriale. La majorité de ces formes porte des noms de territoire : la bordelaise et la bourguignonne, pour citer les formes les plus connues, mais aussi la champenoise […][7] ».
Quant aux vins de Porto (Portugal) ou de Xérès (venant de Jerez en Espagne, mais dont la prononciation varie), de Chianti ou d’Asti[8] en Italie, ils représentent des villes ou des régions également, d’une notoriété tout aussi importante car datant de plusieurs siècles ou parce qu’associés à des entreprises viticoles qui ont rendu célèbre le produit. C’est le cas de Martini qui a propulsé le vin d’Asti sur la scène mondiale[9].
Voilà qui conclut un vin et fromages. Par contre, on n’a pas parlé des vêtements. Et tu as vu, lecteur, comment tu es habillé ? Tu portes un « vulgaire jeans ». Dis-toi que cette toile qui est à l’origine du tissu a un passé extraordinaire.
Une soirée chic avec ton jeans
Historiquement, mais c’est sans doute une des explications et pas la seule, la toile vendue aux ouvriers des mines du sud de la France est le sergé de laine et de soie, dite la serge de Nîmes, plus tard appelée parfois les toiles de Nîmes[10]. L’appellation DENIM sur des pantalons bleus (car la couleur est similaire encore aujourd’hui) est un raccourci et une anglicisation du nom.
On explique aussi que ce type de tissu est assez populaire en Europe dès le Moyen Âge et qu’une grande partie de la production, après avoir été teinte en bleu (avec de l’indigo venant d’Inde), est exportée par voie maritime via le port de Gênes en Italie. Gênes, genoa (en italien), devient « jean » pour les anglo-saxons.
Plus tard, Levi Strauss, immigrant allemand aux États-Unis, utilise cette toile, qu’elle soit de Nîmes, de Gênes ou d’ailleurs qu’importe, pourvu que les gens portent un Levi’s. Et la légende était née. Malheureusement, contrairement aux vins et aux fromages, l’origine de ce vêtement a été oubliée.
Mais bon, il n’y a pas de quoi en faire tout un plat !
Références
[1] https://www.fromages-aop.com/fromage/roquefort/
[2] https://www.portdusalut.fr/et-le-fromage/
[3] https://www.fromageoka.ca/fr/propos
[4] Littéralement vallée de l’Emme, en allemand « Tal » signifie vallée.
[5] https://www.lapresse.ca/vivre/gourmand/cuisine/en-vrac/201008/18/01-4307614-gruyere-francais-suisse-emmental-ce-qui-les-differencie.php
[6] https://www.lefigaro.fr/sciences/2015/05/28/01008-20150528ARTFIG00266-le-mystere-des-trous-dans-le-fromage-perce-apres-un-siecle-de-recherches.php
[7] Pinto, M. P., Moutat, A., & Tsala-Effa, D. (2014). Le vin en bouteille : de l’emballage au packaging. Lecture sémiotique et marketing. Journées d’études Figures et images dans le discours sur le vin en Europe, Sept 2010, DIJON, France. Accès : https://hal-unilim. archives-ouvertes. fr/hal-00927314. Consulté le, 15, 03-15.
[8] À ne pas utiliser avec ce jeu de mot douteux « Asti qu’il fait chaud » si on en boit l’été.
[9] https://www.martini.com/products/martini-asti/
[10] https://www.universalis.fr/encyclopedie/jeans/2-la-legende-du-denim/