La popularité croissante des automobiles électriques entraîne un nouveau défi de gestion des matières résiduelles : que faire avec les nombreuses batteries usagées de ces véhicules ? Une équipe d’étudiants en génie de l’UQTR a trouvé une façon originale de revaloriser ces déchets. Leur projet, qui leur a valu récemment des honneurs lors de compétitions universitaires, vise à fournir de l’énergie à une résidence lors des pannes de courant ou quand les tarifs d’électricité sont plus élevés, grâce à ces batteries usagées.
« Lorsque les batteries au lithium ne sont plus assez puissantes pour un véhicule électrique, elles doivent être remplacées. Pourtant, ces batteries usagées possèdent encore entre 75 et 80 % de leur capacité. C’est cette fonctionnalité résiduelle qui nous intéresse et que nous voulons récupérer, grâce à notre projet d’alimentation auxiliaire électrique résidentielle. Notre équipe a développé ce système en lien avec notre participation aux Jeux de génie et à la Compétition québécoise d’ingénierie. Nous avons appelé notre produit Habithium : Habi pour habitation et thium pour lithium », explique Daynius Roy, étudiant au baccalauréat en génie électrique et chargé de projet à l’intérieur de l’équipe.
Un projet aux multiples avantages
Le système conçu par l’équipe de futurs ingénieurs est une unité de redistribution énergétique. Il comporte des modules de batteries usagées et un onduleur-chargeur. Cet appareillage permet de charger d’abord les batteries à partir du système électrique standard de la résidence. L’énergie ainsi emmagasinée peut ensuite être utilisée lors des pannes de courant.
« Habithium peut fournir jusqu’à six heures d’électricité de secours dans la maison, précise Daynius. Il comporte suffisamment d’énergie pour alimenter, par exemple, des lumières ou le réfrigérateur. Habithium est aussi adaptable et pourrait offrir plus de puissance au besoin, en augmentant le nombre de modules de batteries. »
Le système proposé permet également de faire baisser la facture d’électricité résidentielle. L’usager a la possibilité de charger les batteries lorsque les tarifs d’électricité sont au plus bas, en dehors des heures de pointe. L’énergie stockée dans les batteries peut ensuite être utilisée au moment où les tarifs du fournisseur d’électricité sont plus élevés. Habithium est également compatible avec d’autres sources d’énergie (solaire, éolienne), lesquelles pourront être employées pour le chargement des batteries.
« Notre unité de redistribution énergétique sera utilisable jusqu’à ce que le niveau de capacité des batteries usagées s’abaisse à environ 50 %. Suivant l’intensité et le type d’utilisation d’Habithium, ce dernier pourrait fonctionner pendant une période allant de 10 à 20 ans », prévoit Daynius Roy.
Un prototype fonctionnel
Pour sa participation aux compétitions universitaires, l’équipe d’étudiants a développé un prototype Habithium à des fins de démonstration. « Notre prototype est une version réduite du produit réel, car il comporte seulement trois modules de batteries. Nous utilisons aussi un onduleur-chargeur, placé dans un boîtier d’environ un mètre de haut, qui est très semblable à celui qui serait employé pour une maison de grandeur moyenne », décrit Daynius Roy.
La version réelle du produit Habithium comportera davantage de modules de batteries. « Dans une maison conventionnelle, nous avons évalué qu’il faut 30 modules pour obtenir environ 10 000 watts-heures d’énergie. L’ensemble de ces batteries tiendrait dans l’équivalent d’une commode de deux mètres de largeur », illustre l’étudiant.
Une équipe gagnante
Outre Daynius Roy, le projet Habithium regroupe près d’une dizaine d’étudiants en génie de l’UQTR : Gabriel Bernard (génie électrique), Ann-Sophie Caron (génie mécatronique), Marilou Dallaire (génie industriel), Alexandrine Ducharme (génie industriel), Clément Duplouy-Fournier (génie industriel), Britany Lévesque (génie industriel), Brandon Morales-Castro (génie électrique) et Julien Neirynck (génie électrique).
Cette grande équipe a présenté récemment le produit Habithium lors de deux compétitions universitaires. La qualité et l’originalité du projet ont permis aux représentants de l’UQTR de remporter la première place lors de la compétition entrepreneuriale des Jeux de génie. L’équipe a également accédé à la première marche du podium lors de l’épreuve de conception innovatrice de la Compétition québécoise d’ingénierie. Cette dernière victoire leur a fourni un laissez-passer pour la Compétition canadienne d’ingénierie qui aura lieu à la fin février.
De nombreux collaborateurs
Pour la concrétisation de leur projet et la préparation aux compétitions universitaires, pendant l’automne 2022, l’équipe Habithium a profité de la précieuse collaboration de plusieurs partenaires. Deux entreprises se sont associées aux efforts des étudiants. Ingenext a fourni l’équivalent de plusieurs milliers de dollars en matériel, alors que GOX Technologies et son directeur Maxime Charbonneau ont été d’une grande aide dans l’évolution du projet.
« L’étudiante en génie industriel Justine Tesser, qui a déjà remporté une première place à la Compétition canadienne d’ingénierie, nous a aussi donné un bon coup de main. De plus, nous avons profité des conseils de nos deux parrains, les ingénieurs Jérôme Carbonneau-Côté et Isabelle Dupont. Des membres de l’École d’ingénierie de l’UQTR, dont les professeurs Loïc Boulon et Kodjo Agbossou ainsi que le professionnel Simon Delisle, nous ont aussi aidés dans nos démarches. Maxime Montminy du Carrefour d’entrepreneuriat et d’innovation (CEI) Desjardins des Services aux étudiants de l’UQTR nous a également fourni un excellent accompagnement », souligne Daynius Roy.
Et la suite ?
L’équipe Habithium se prépare maintenant pour la Compétition canadienne d’ingénierie. Une fois cet événement passé, et le trimestre d’hiver terminé, les membres de l’équipe se pencheront sur la suite d’Habithium. « Il nous faudra décider si nous souhaitons nous embarquer dans un vrai projet d’entreprise et, si oui, nous devrons établir des ententes avec les participants pour la suite des activités. Notre produit lié à l’économie circulaire présente un potentiel intéressant non seulement pour le Québec, mais également pour de nombreux autres marchés à travers le monde », rapporte Daynius Roy.
À titre de chargé de projet dans l’équipe Habithium, l’étudiant dit avoir beaucoup apprécié son expérience : « J’ai vraiment trippé. J’ai eu à organiser les réunions, entretenir des relations avec les partenaires, aller chercher des collaborations. J’ai appris à gérer une équipe de A à Z, à négocier des compromis et à jongler avec les contraintes de chacun. J’ai vraiment aimé faire ce projet en équipe et réussir à réaliser tout ça en gang. Et je compte bien être encore là l’an prochain pour les compétitions universitaires en génie. »