Lorsque revient le courant électrique dans une résidence après une panne hivernale d’assez longue durée, les appareils de chauffage fonctionnent souvent à pleine puissance, au maximum de leur capacité, afin de ramener la température ambiante au niveau souhaité. Cette pointe très élevée de consommation, pouvant s’étendre à de nombreuses habitations, cause une pression énorme sur le réseau de distribution électrique. Pour remédier à cette situation et trouver des façons de mieux gérer la reprise de la consommation résidentielle après une panne, deux étudiants au doctorat en génie électrique de l’UQTR mènent des travaux en collaboration avec des chercheurs d’Hydro-Québec.
« Pour équiper et dimensionner son réseau, Hydro-Québec se base sur la plus forte demande en électricité enregistrée auprès de sa clientèle. Après une panne prolongée, la demande de courant est tellement élevée qu’elle surpasse les plus hauts pics de consommation habituellement rencontrés. Cette forte hausse oblige Hydro-Québec à faire des investissements supplémentaires pour accroître la capacité de ses installations. En gérant mieux la demande de courant après une panne, particulièrement pour le chauffage, nous visons à limiter les besoins en équipements d’Hydro-Québec et à accroître la fiabilité de son réseau, et ce, tout en veillant à ne pas compromettre le confort des occupants résidentiels », d’expliquer le doctorant Moussa Ibrahim Moumouni, qui travaille sur ce projet en compagnie de son collègue étudiant Sameer Sabir.
Développer des solutions virtuelles applicables dans la réalité
Pour trouver la meilleure stratégie de gestion « après panne », permettant à la fois de contenir la demande en électricité tout en garantissant le confort des usagers, l’équipe de recherche vise trois objectifs. Le premier consiste à créer des modèles informatiques du comportement des appareils de chauffage résidentiel, en période normale et lors d’une reprise après une panne. Ces modèles permettent notamment de caractériser le déficit énergétique accumulé qui doit être récupéré après une interruption de courant.
« Notre deuxième objectif cible la définition de stratégies de contrôle, à partir de nos modèles, signale Moussa Ibrahim Moumouni. Il faut trouver des moyens de limiter la consommation en puissance des appareils de chauffage, mais toujours en prenant en compte le bien-être des occupants. Grâce à la programmation informatique, nous développons des algorithmes permettant de simuler le comportement de ces appareils. Nous testons ensuite différents scénarios, toujours grâce aux algorithmes, pour simuler diverses stratégies de contrôle et vérifier comment les appareils se comportent. Nous faisons ensuite des recommandations, ce qui constitue le dernier objectif de notre projet. »
Dans leur recherche de solutions, les deux doctorants doivent relever un important défi : celui de la faisabilité et de la simplicité. « Il faut que les moyens que nous proposons pour gérer la demande résidentielle après une panne puissent être facilement implantés dans les maisons et accessibles aux usagers. Nous devons tenir compte des technologies actuellement employées dans les résidences, qui ne nous permettent pas d’utiliser des programmes informatiques trop lourds ou compliqués pour contrôler les appareils. Les solutions les plus simples sont les meilleures », rapporte Moussa Ibrahim Moumouni.
À l’intérieur de ce projet, Moussa Ibrahim concentre particulièrement ses efforts sur les plinthes électriques, fort utilisées au Québec pour le chauffage résidentiel. De son côté, Sameer travaille sur les accumulateurs thermiques, une technologie émergente appelée à être davantage employée dans les maisons. Ce type d’appareil utilise l’électricité pour emmagasiner de la chaleur qu’il peut ensuite diffuser dans son environnement, à l’occasion des périodes de pointes de consommation électrique.
Commencés en janvier dernier, les travaux des deux doctorants se termineront en mai prochain. « Nous en sommes déjà à la proposition et à l’amélioration des recommandations. Nous avons pu avancer rapidement dans nos recherches, car Sameer et moi avions déjà développé une expertise dans le domaine de la gestion de la demande résidentielle en électricité, en lien avec nos projets de thèses de doctorat », souligne Moussa Ibrahim Moumouni.
Un partenariat enrichissant
Tout au long du projet, les deux étudiants œuvrent en étroite collaboration avec les chercheurs du Laboratoire des technologies de l’énergie (LTE) d’Hydro-Québec, situé à Shawinigan. « Nous discutons et échangeons régulièrement avec eux. Nos recherches avancent bien et notre travail semble être apprécié. Les gens d’Hydro-Québec sont très à l’écoute et c’est vraiment stimulant et agréable de travailler avec ces personnes expérimentées. Ce projet m’a permis de découvrir beaucoup de choses et de développer de nouvelles capacités. Et ça me fait plaisir de participer à des travaux qui vont solutionner un problème vraiment important pour le Québec », commente Moussa Ibrahim Moumouni, qui est arrivé du Niger il y a deux ans, pour ses études doctorales à l’UQTR.
De son côté, Sameer Sabir dit également apprécier sa collaboration avec l’équipe de recherche d’Hydro-Québec. « C’est une très bonne expérience qui nous offre la possibilité de découvrir l’expertise des gens d’Hydro-Québec. Ceux-ci nous donnent beaucoup de soutien pour améliorer notre travail. Grâce à eux, nous pouvons analyser des données réelles de consommation d’électricité, ce qui est très intéressant pour un chercheur de notre domaine. Si nous arrivons à limiter la surconsommation après les pannes électriques, nous aurons contribué à abaisser les coûts de modernisation du réseau d’Hydro-Québec et à garder les tarifs d’énergie abordables pour tous », souligne l’étudiant pakistanais, qui fréquente l’UQTR depuis janvier 2021.
Le projet mené par les deux doctorants est financé par le programme Stage de stratégie d’entreprise Mitacs qui a octroyé 30 000 $ pour la réalisation des travaux de recherche, dirigés par le professeur Kodjo Agbossou (génie électrique et génie informatique, UQTR). Ce dernier assure également la direction des projets doctoraux des deux étudiants-chercheurs. Pendant son parcours au doctorat, Moussa Ibrahim Moumouni est aussi codirigé par le professeur en génie Roland P. Malhamé (Polytechnique Montréal). Pour sa part, Sameer Sabir bénéficie de la codirection du professeur Sousso Kelouwani (génie mécanique, UQTR).