L’acquisition d’une voiture répond à différents désirs qui dépassent la simple nécessité de se mouvoir. En effet, la possession d’une voiture est un symbole de statut social. Le positionnement associé aux différentes marques de voitures a été construit avec d’importants budgets publicitaires.
Cet article – Courant d’idées – est rédigé par le professeur Léo Trespeuch du Département de marketing et système d’information de l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Lors de l’achat d’une voiture neuve, on estime les frais publicitaires à 2 000 CAD du prix de vente[1]. Le marketing automobile « a réussi le tour de force de solidifier une image viriliste de cet objet technique, tout en suivant le processus d’accès des femmes à l’autonomie[2] ».
Actuellement, moins d’une voiture neuve sur 10 vendue au Canada est électrique[3]. Cette proportion devrait cependant grimper en raison des nouvelles législations à venir.
De grosses voitures énergivores
La voiture est ainsi un outil clé pour la construction de l’identité. Durant des décennies de campagnes publicitaires, les véhicules thermiques vrombissants et leurs caractéristiques ont été parés de nombreuses vertus.
La taille du véhicule, la puissance du moteur, le nombre de cylindres et le bruit symbolisent encore aujourd’hui la puissance et la virilité[4]. Ce contexte, jumelé à des prix de l’essence assez bas, fait en sorte que les Canadiens ont les voitures les plus grosses et les plus énergivores du monde[5].
Si la propriétaire typique d’un VUS est une femme qui vit en banlieue[6] (la fameuse « soccer mom »), les camions de type pick-up sont achetés en très grande majorité par des hommes[7].
Cette confrontation entre hommes par le biais de leur voiture passe aussi par leur capacité à piloter. Le sport automobile est un monde principalement masculin ; il n’y a aucune femme qui évolue présentement en Formule 1.
Protéger l’environnement
Selon différentes études, dont le travail précurseur des chercheuses américaines Ona Egbue et Suzanna Long[8], basé sur 500 répondants, la première raison d’adopter un véhicule électrique est liée au désir de protéger l’environnement. On retrouve ici à nouveau l’association avec les femmes, qui ont une plus grande conscience environnementale[9].
L’aspect écologique de cette solution a cependant été mis à mal par certains médias et arguments : « la création des batteries pollue, les batteries ne sont pas recyclables[10], la production d’électricité pollue et n’est pas suffisante, les batteries perdent de l’énergie sans être utilisées, etc. » En outre, deux autres aspects qui poussent à ne pas adopter la voiture électrique sont la peur de tomber en panne à cause de l’autonomie limitée des batteries, ainsi que les green premiums. Cet anglicisme représente le surcoût pour un produit écologique vis-à-vis de son équivalent traditionnel.
Pour résumer, une imposante voiture équipée d’un moteur V12 reste aujourd’hui encore un symbole de réussite sociale et de pouvoir de séduction. À l’inverse, l’image et le coût de la voiture électrique, de même que les risques inhérents à l’adoption d’innovations, représentent d’importants freins.
La voiture électrique
Or, il est important de noter que 24 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde sont liées au transport, et cette proportion dépasse les 40 % dans certains pays développés[11] (comme le Canada). Il est donc nécessaire de réduire les déplacements, ou de trouver de nouvelles solutions pour se mouvoir. Concernant les nouvelles solutions, l’étude réalisée par l’Environemental Protection Agency[12], tout comme celle de Carbone 4[13], a mis en lumière que l’empreinte carbone d’un véhicule électrique, en incluant sa fabrication, son usage et sa fin de vie, est largement inférieure à l’empreinte carbone du cycle de vie d’un véhicule thermique.
Les véhicules électriques font donc bien partie de la solution pour réduire les gaz à effet de serre. Sur le plan de la virilité, l’adoption d’innovation demande du courage. En effet, les adopteurs précoces d’une innovation prennent le risque que l’innovation ne tienne pas ses promesses, ou rencontre certains dysfonctionnements. Heureusement, de plus en plus d’individus, dont une majorité d’hommes, prennent le risque d’adopter des véhicules électriques. Les chiffres montrent ainsi que la part des hommes parmi les acheteurs de voitures électriques est de 72 %[14].
Aussi, avec l’adoption des véhicules électriques, un nouveau point de comparaison sur le pilotage est apparu : il concerne la distance maximale parcourue sur une charge. Sur ce point, les véhicules électriques actuellement sur le marché peuvent parcourir plusieurs centaines de kilomètres, alors que la moyenne de kilomètres parcourus chaque jour est d’environ 30 km[15].
Concernant l’image des véhicules électriques, ils sont de plus en plus présents en compétitions, que ce soit en Formule E ou en Extreme E. Comme le dit Alain Prost, quadruple champion du monde de Formule 1 : « Les évolutions technologiques de l’industrie ont toujours été validées par le sport automobile : les pneus, la ceinture de sécurité, les freins à disque… La compétition est aussi la mieux placée pour faire évoluer les mentalités. Le fait que les plus grands pilotes du monde en conduisent rendra les voitures électriques plus sexy pour le consommateur[16]. »
Dans cet esprit, l’entreprise québécoise Theron participera prochainement au Rallye Dakar avec un véhicule électrique développé en partenariat avec l’UQTR. Cette start-up québécoise co-fondée par deux anciens étudiants de l’UQTR (Bastien Theron et Philippe Lafontaine) s’est donné pour mission d’électrifier la mobilité hors route. Une importante mission si l’on souhaite continuer de préserver les espaces naturels au Canada et dans le monde.
Pour conclure, les héros d’aujourd’hui, moteurs du changement, sont les individus qui prennent le risque d’adopter un véhicule électrique, et acceptent les éventuels surcoûts associés.
Notre équipe de recherche du Département de marketing et de système d’information de l’École de gestion de l’UQTR (Léo Trespeuch, William Menvielle et Saïd Zouiten), en collaboration avec la professeure Zeng Tian de l’UQAR, plusieurs professeurs de l’Institut de recherche sur l’hydrogène (IRH) et la start-up Theron, travaille sur plusieurs projets en lien avec la mobilité électrique et les défis qui l’attendent. Ces projets s’inscrivent dans la Vallée de la transition énergétique, dont fait partie l’UQTR. |
Références
[1] https://www.science-et-vie.com/article-magazine/vers-une-refonte-complete-de-notre-mobilite
[2] https://theconversation.com/lautomobile-est-toujours-la-et-encore-pour-longtemps-169211
[3] https://www.lapresse.ca/auto/voitures-electriques/2022-12-21/un-vehicule-neuf-vendu-sur-cinq-devra-etre-electrique-a-partir-de-2026-au-pays.php
[4] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S095937801830030X?via%3Dihub
[5] https://theconversation.com/les-canadiens-ont-les-voitures-les-plus-grosses-et-les-plus-energivores-au-monde-116862
[6] https://portail-assurance.ca/article/le-proprietaire-typique-dun-vus-est-une-femme-qui-vit-en-banlieue/
[7] https://hedgescompany.com/blog/2019/01/new-car-buyer-demographics-2019/
[8] Egbue, O., & Long, S. (2012). Barriers to widespread adoption of electric vehicles: An analysis of consumer attitudes and perceptions. Energy Policy,48(1), 717-729. https://doi.org/10.1016/j.enpol.2012.06.009
[9] Anfinsen, M., Lagesen, V.A. & Ryghaug, M. (2019). Green and gendered? Cultural perspectives on the road towards electric vehicles in Norway. Transportation Research Part D: Transport and Environment, 71(1), 37-46. https://doi.org/10.1016/j.trd.2018.12.003
[10] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1137184/voiture-electrique-pollution-empreinte-environnement-batterie-production-fabrication
[11] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221462962200411X?casa_token=FYIjOenQmy4AAAAA:PDaLKe3BW2yeusUZsIFrJjFogVcxVSooEbrcXuT2HBJk6lcGJ9rX27mGUcviHO_YjEalg-RjqiM
[12] https://www.epa.gov/greenvehicles/electric-vehicle-myths
[13] https://www.carbone4.com/analyse-faq-voiture-electrique
[14] https://cdn.ihsmarkit.com/www/pdf/0622/EN_Automotive-Divisional-Overview_PPT_SPGM_APAC_1April2022.pdf?utm_medium=cpc&utm_source=google&utm_campaign=Brand_S&gclid=CjwKCAjw9-KTBhBcEiwAr19ig5tuWBqTlXuF2_mpm-WB280jL0QUQrm15SsshKvpZ5U4LUNutbAjIBoC3dIQAvD_BwE
[15] https://roulezelectrique.com/les-distances-moyennes-de-deplacement-au-canada-etonnamment-courtes/
[16] https://www.usinenouvelle.com/article/le-trophee-andros-met-le-sport-auto-a-l-heure-de-la-voiture-electrique.N30823