Depuis 2018, plus d’une centaine de chercheurs, d’étudiants et de professionnels provenant de trois universités québécoises – UQTR, Laval et McGill – ont participé aux recherches menées à l’intérieur du Pôle d’expertise multidisciplinaire en gestion durable du littoral du lac Saint-Pierre. Lors d’un événement public tenu aujourd’hui, ces chercheuses et chercheurs ont livré leurs constats et recommandations, en vue de la mise en place d’une agriculture respectueuse de l’écosystème du lac Saint-Pierre et de la restauration des milieux prioritaires du littoral.
Rebâtir un écosystème fonctionnel
De façon globale, le Pôle souligne la nécessité de protéger et de réhabiliter les milieux naturels du littoral du lac Saint-Pierre. Près de 3 800 hectares d’habitats fauniques y ont été modifiés depuis 1950, principalement au profit de l’agriculture. « Il est primordial d’étendre les efforts de conservation afin de mieux protéger les milieux naturels existants contre toute nouvelle pression, de réhabiliter les milieux dégradés et d’accroître la connectivité de ces milieux avec le fleuve », souligne Stéphane Campeau, chercheur de l’axe « environnement et faune » du Pôle et professeur au Département des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Les milieux les plus propices au rétablissement des fonctions écosystémiques du littoral seraient les environnements naturels, les vieilles prairies et les bandes de végétation pérenne. Une mosaïque de ces différents milieux aiderait à maximiser la biodiversité faunique. Les sols à nu ou avec peu de résidus de culture, néfastes pour l’écosystème, devraient être évités. Dans les zones basses du littoral, plus fréquemment inondées, le Pôle recommande une couverture de végétation permanente offrant un meilleur habitat de frai aux poissons, au printemps.
En ce qui concerne la qualité de l’eau du littoral du lac Saint-Pierre, elle est affectée par l’érosion des sols agricoles et le ravinement. Les 2/3 des charges en sédiments aboutissant dans le littoral proviennent des terres agricoles en amont. Il serait donc nécessaire de protéger adéquatement les sols et les berges contre l’érosion non seulement dans le littoral, mais également dans plus d’une centaine de bassins versants de petits cours d’eau se déversant directement dans le littoral du lac Saint-Pierre. Le respect des bandes riveraines, la revégétalisation ainsi que la conservation de milieux naturels et de corridors boisés sont autant de solutions possibles.
Revoir les pratiques agricoles
Les travaux du Pôle ont permis de constater que les zones basses du littoral du lac Saint-Pierre sont les moins productives d’un point de vue agronomique, surtout lors des années de moyennes et fortes crues. De plus, les cultures annuelles qui y sont menées ont des impacts négatifs sur les écosystèmes, même en utilisant une agriculture en régie améliorée visant de meilleurs bénéfices environnementaux. Dans les zones basses du littoral, il serait donc préférable d’opter pour des formes de culture permettant le maintien d’une végétation permanente d’une hauteur et d’une densité suffisante à l’automne.
« Dans les zones plus hautes du littoral, moins souvent inondées, la régie des cultures annuelles doit aussi être adaptée. Les pratiques agroenvironnementales à privilégier incluraient le travail du sol au printemps après la crue plutôt qu’à l’automne, l’implantation de cultures de couverture en intercalaire dans le maïs et le soya, ainsi que l’établissement de bandes de végétation pérenne en bordure des cours d’eau et fossés longeant les champs cultivés. Ces mesures favoriseraient la création d’une variété d’habitats favorables à la biodiversité », mentionne Caroline Halde, chercheuse de l’axe « agriculture » du Pôle et professeure à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval.
Accompagner les agriculteurs et fédérer les efforts du milieu
Suivant les résultats du Pôle, il apparaît que pour la population québécoise, une intervention gouvernementale en faveur de la réhabilitation du littoral serait considérée comme légitime. De plus, indépendamment de l’adoption de pratiques améliorées, plusieurs producteurs agricoles ont évoqué le rachat de leurs terres dans le littoral comme une solution possible.
Bien qu’un régime transitoire, instauré en 2022, autorise la pratique de l’agriculture dans le littoral du lac Saint-Pierre sous certaines conditions, celui-ci complexifie la réhabilitation environnementale. Des difficultés de dialogue entre les différents acteurs du milieu et des problèmes de gouvernance se manifestent. L’absence d’une vision globale et à long terme empêche la création d’une dynamique d’engagement collectif envers la préservation de l’écosystème du lac Saint-Pierre.
« Nous avons pu constater que les producteurs agricoles sont peu soutenus, en matière d’aide financière et de conseil agricole, dans les premières étapes les menant vers l’adoption de pratiques améliorées et durables dans le littoral du lac Saint-Pierre. De plus, meilleures sont les pratiques des producteurs agricoles d’un point de vue environnemental, plus grandes sont leurs pertes économiques et leurs défis sociotechniques », rapporte Julie Ruiz, chercheuse de l’axe « socio-économie » du Pôle et professeure au Département des sciences de l’environnement de l’UQTR.
Des pistes d’action
Le rapport final du Pôle inclut plusieurs propositions visant à faciliter la restauration de l’écosystème du lac Saint-Pierre et l’instauration d’une agriculture durable. Une approche de gestion progressive est suggérée, incluant plusieurs objectifs modestes et concrets susceptibles de maintenir l’engagement des acteurs et d’assurer une transition entre aujourd’hui et demain.
Les membres du Pôle proposent également de reconstruire le dialogue entre le gouvernement provincial et les divers acteurs du lac Saint-Pierre. La gouvernance territoriale doit être améliorée pour faciliter les communications et la coordination. La présence d’une organisation rassembleuse, solide, légitime et dotée des ressources nécessaires apparaît importante. Cette dernière comporterait notamment un comité interministériel, une table de concertation régionale, un réseau de comités locaux et un comité scientifique indépendant.
Le Pôle suggère de miser sur un ensemble de solutions flexibles et adaptées aux conditions écologiques et aux réalités socioéconomiques des producteurs agricoles. À ces derniers, différentes solutions devraient être proposées : rachat de leurs terres sur une base volontaire, aide financière, groupes de pairs portant sur les pratiques agricoles, conseil agricole expert dans l’intégration de pratiques agricoles durables, etc.
Pour en apprendre davantage sur les constats et recommandations du Pôle, il est possible de consulter le site Web suivant : www.uqtr.ca/polelsp.
Le Pôle et le lac Saint-Pierre
Rappelons que le Pôle d’expertise multidisciplinaire en gestion durable du littoral du lac Saint-Pierre a été créé en juillet 2018 par le gouvernement du Québec, avec l’octroi d’une enveloppe budgétaire de 4,66 M$ aux trois établissements universitaires participant au projet. La programmation de recherche du Pôle comporte trois axes permettant de répondre aux enjeux agricoles, écologiques et socioéconomiques du lac Saint-Pierre. Depuis la création du Pôle, l’équipe de recherche a notamment collecté et analysé de nombreux échantillons (eau, sol, animaux, végétaux) et des données économiques. Elle a aussi réalisé des essais agronomiques et rencontré des producteurs agricoles, pour mieux comprendre l’agroécosystème du lac Saint-Pierre.
S’étendant sur près de 30 km de long et 13 km de large, le lac Saint-Pierre constitue le dernier bassin d’eau douce du fleuve Saint-Laurent en amont de l’estuaire fluvial. Il se distingue par sa topographie très plane, ce qui en fait la plus importante plaine inondable en eau douce du Québec. Son littoral, soit la zone inondée en moyenne tous les deux ans, est un haut lieu de biodiversité faisant partie des réserves de biosphère désignées par l’UNESCO. Composé de milieux humides et de terres cultivées, le littoral du lac Saint-Pierre accueille près de 300 espèces d’oiseaux résidents et migrateurs, 79 espèces de poissons et 40 espèces de mammifères. Il représente un milieu exceptionnel de reproduction, d’alimentation et de nidification pour bon nombre de ces espèces.
Renseignements et coordination d’entrevues
Jean-François Hinse – Conseiller en communication
Responsable des relations avec les médias
Service des communications et des relations avec les diplômés – UQTR
Cell. : 819 244-4119
Courriel : jean-francois.hinse@uqtr.ca