Est-ce que les femmes sont plus sédentaires que les hommes ? Il semblerait que oui, et cela tiendrait au fait qu’en plus des barrières traditionnelles liées au manque de temps et de motivation, « l’offre d’activités ne représente pas suffisamment les femmes, celles-ci cherchant moins des événements compétitifs que les hommes. Se comparant à ceux-ci, elles perçoivent généralement un sentiment moins élevé de compétence dans la pratique d’activités physiques », soutient Paule Miquelon, professeure au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Cette perception pourrait être inversée grâce à des mouvements comme celui des Roses, une initiative sportive destinée aux femmes a priori sédentaires. C’est d’ailleurs ce que constatent la professeure Miquelon et ses collègues Marie-Claude Rivard du Département des sciences de l’activité physique et Lyne Cloutier du Département des sciences infirmières, après avoir mené une recherche visant à mesurer scientifiquement les impacts physiques, psychologiques et sociaux de cette initiative sportive, ainsi que le rôle joué par le soutien de l’équipe des Roses. Il s’agit d’une étude réalisée sur une période de 12 mois et ayant utilisé des questionnaires en ligne de même que des entrevues individuelles.
Le mouvement Les Roses, c’est quoi ?
Le but ultime est la réalisation d’un triathlon non compétitif (natation, vélo et course) exclusivement réservé aux femmes, où la participation est axée sur le plaisir et l’accomplissement de soi. L’initiative sportive, en place depuis 2011, est de plus en plus populaire si bien qu’elle regroupe depuis quelques années environ 200 participantes. Toutes s’engagent à suivre un programme de mise en forme de neuf mois supervisé par une équipe expérimentée en vue du triathlon annuel.
« Les fondatrices et organisatrices du mouvement Les Roses, Marie-Josée Gervais et Chantal Guimont, ont communiqué avec nous parce qu’elles observaient d’année en année des effets positifs chez les participantes et souhaitaient documenter scientifiquement les impacts de leur initiative », précise Marie-Claude Rivard. Les trois professeures de l’UQTR, membres du Groupe interdisciplinaire de recherche appliquée en santé (GIRAS), ont obtenu une subvention du CRSH-engagement partenarial (24 974$) pour mener l’étude d’impacts du mouvement Les Roses. L’équipe de chercheuses a été appuyée par deux étudiantes à la maîtrise, soit Juliette Morin qui a réalisé son mémoire sur le sujet et Claudine Gélinas.
Les impacts sur la santé des femmes
Impacts physiques
En lien avec la condition physique, les résultats de l’étude démontrent une évolution positive chez les participantes à travers les mois. « La fréquence de la pratique de l’activité physique a tendance à augmenter, ce qui concorde avec la mission des Roses de combattre la sédentarité », souligne Marie-Claude Rivard, avant de poursuivre : « Toutefois, une fois le défi terminé, on remarque une diminution de la pratique de l’activité physique. C’est sûr qu’après un défi comme cela, on a besoin d’une pause, mais après ce petit repos, il faut continuer à les motiver et trouver des leviers pour garder les femmes actives. »
Impacts psychologiques
L’impact des Roses se fait sentir notamment sur la motivation et l’estime de soi. La professeure Paule Miquelon constate que « les femmes sont motivées par le défi et par l’encadrement qui permettent de soutenir l’intérêt pour l’activité physique, notamment grâce à des entraînements mensuels. Ainsi, les deux principales sources de motivation des participantes sont le groupe et la réalisation du triathlon en soi. La source de motivation externe, soit l’appartenance à un groupe, se transforme en une source de motivation interne lorsque l’activité physique devient un choix personnel. À terme, on remarque un impact positif sur l’estime de soi, puisque les femmes développent d’elles-mêmes une image énergique et plus forte ».
Impacts sociaux
Les chercheuses remarquent également l’influence des Roses sur le sentiment d’appartenance. « D’une part, le fait de se sentir acceptée et motivée par les autres améliore l’estime personnelle et, d’autre part, il émerge un réseau de soutien entre les Roses qui crée un bel esprit d’équipe », ajoute Paule Miquelon. Par exemple, ce propos d’une Rose en témoigne :
Je ressens le sentiment d’appartenance aux Roses. Je me suis achetée beaucoup de vêtements au logo des Roses, j’aime ça porter mes maillots de vélo des Roses. Il y a une fierté de faire partie des Roses et de réaliser le défi de la fin!
« On voit même des anciennes Roses ayant fait le défi souhaiter revenir comme mentores pour les nouvelles recrues », poursuit Paule Miquelon.
Sa collègue Marie-Claude Rivard renchérit : « Les impacts sociaux rayonnent même sur l’environnement familial. Le fait que la femme bouge donne aussi le goût de bouger à un conjoint inactif et même à ses adolescents. Il y a donc un effet d’entrainement qui dépasse le cadre du mouvement et s’installe dans les foyers. »
Impacts de la COVID-19
La recherche réalisée en pleine pandémie a forcé les organisatrices à adapter la formule du triathlon pour l’édition 2021. Fait intéressant : les Roses y ont perçu soit une opportunité (ex. : le télétravail a engendré plus de temps pour l’entraînement) ou un obstacle (ex. : l’annulation des regroupements a affecté la motivation).
Pour activer et garder actives les femmes
À la suite de leur étude, l’équipe de chercheuses de l’UQTR a émis quelques recommandations et pensé à certaines solutions pour favoriser l’activité physique chez les femmes sédentaires. « Pour le mouvement Les Roses en tant tel, il s’agirait de relancer les participantes qui ont délaissé l’activité physique après avoir accompli le triathlon afin de bien comprendre ce processus de désengagement », précise Marie-Claude Rivard.
Également, le fait d’intégrer au mouvement plusieurs petits défis tout au long de l’année pour offrir des objectifs permettrait de garder la motivation. « Cette recommandation a d’ailleurs commencé à être appliquée. L’idée consiste à ne pas seulement miser sur le gros objectif du triathlon final, mais de répartir la progression en plusieurs sous-objectifs (ou défis saisonniers) pour y arriver », commente Paule Miquelon.
De manière plus globale, les chercheuses recommandent aux femmes sédentaires de se lancer dans l’activité physique avec une organisation comme Les Roses. « Savoir qu’on est accepté peu importe sa condition physique, ça donne un bon push pour se lancer. Les activités sportives non compétitives ont un effet positif sur la motivation et l’estime de soi pour les femmes », lance pour sa part la professeure Miquelon.
Les professionnels de la santé auraient aussi un rôle à jouer, par exemple en suggérant des défis sportifs, sachant que l’activité physique a des bienfaits sur le corps et l’esprit. « Il faut en parler, il faut diffuser ces initiatives », ajoute la professeure Rivard.
Et enfin, les chercheuses ont un message à lancer aux femmes : « N’hésitez pas, faites-vous confiance ! Commencez avec une organisation comme Les Roses qui offre un encadrement et vous verrez le plaisir à faire de l’activité physique. »