Votre enfant présente un mal de dos ou un torticolis ? Si c’est le cas, sachez que de plus en plus de parents se tournent vers les chiropraticiens pour traiter ce genre de douleur. Dans ce contexte, les chercheuses Isabelle Pagé et Chantale Doucet du Département de chiropratique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), accompagnées par le professeur François Nougarou du Département de génie électrique et génie informatique, utilisent l’ingénierie afin d’aider les cliniciens à mieux adapter le traitement en fonction de la grandeur et de la maturité squelettique de l’enfant.
Le projet de recherche des deux professeures de chiropratique vise particulièrement les jeunes enfants de 5 ans et moins, incluant les nourrissons. Mais quels peuvent être les problèmes neuromusculosquelettiques à ces âges-là ?
La professeure Chantale Doucet précise : « Plus particulièrement le torticolis congénital musculaire est une condition prévalente auprès des 0 à 2 ans et, selon le degré de sévérité, le clinicien peut choisir le traitement approprié parce qu’on sait qu’à cet âge, on ne peut offrir de chirurgie ni de médication pour traiter cette condition. On peut aussi retrouver des conditions périnatales pouvant mettre en péril l’initiation ou la continuation de l’allaitement, par exemple une asymétrie du visage ou une dislocation de la mâchoire, qui méritent d’être détectées tôt et nécessitent une prise en charge clinique. »
Pour traiter les enfants, les chiropraticiens utilisent la mobilisation vertébrale, une technique qui peut facilement être adaptée en fonction du groupe d’âge. « Chez les patients enfants, le clinicien travaille davantage avec la respiration et une pression lente au niveau des articulations. Cette technique permet de mieux gérer la pression, de percevoir la réponse du corps et de s’y adapter », explique Isabelle Pagé.
Sa collègue Chantale Doucet renchérit : « Les enfants ont des limitations anatomiques et physiologiques liées à l’âge, et les points de contacts sont différents chez les nourrissons. Par exemple, le chiropraticien utilise un bout de doigt plutôt qu’une pression de la main, et l’impulsion s’effectue à partir du poignet plutôt que de l’épaule. »
À travers leur projet de recherche, les deux professeures de l’UQTR vont mieux comprendre la biomécanique de cette technique au sein de la population visée. En effet, le risque de blessure pendant la mobilisation vertébrale, même s’il est faible, peut dépendre non seulement des caractéristiques de l’enfant (ex. : l’âge, le poids) mais également des caractéristiques de la thérapie (ex. : la région de la colonne vertébrale, la taille de la zone de contact, la force et la vitesse appliquées).
L’ingénierie au service de la biomécanique
Pour avoir les données les plus précises possibles, les chercheuses recourent à l’ingénierie et à l’intelligence artificielle afin de mesurer les paramètres biomécaniques de la mobilisation vertébrale dans la population pédiatrique préscolaire. Elles utilisent un gant de la compagnie Tekscan, qui comporte 349 points de pression et qui leur permettra de mesurer des paramètres comme la pression, la vitesse de pression et la surface de contact utilisées par le clinicien. Ces données seront combinées à des variables comme l’âge, le poids et la grandeur de l’enfant, mais également la région traitée.
Il faut savoir qu’à la base, le gant Tekscan n’est pas conçu pour mener de telles recherches. C’est ici qu’Isabelle Pagé et Chantale Doucet se sont tournées vers le professeur François Nougarou, dont l’expertise est souvent mise à contribution dans le cadre de recherches en chiropratique. Celui-ci a donc développé un programme informatique permettant de prendre les informations générées par le gant et de les convertir en données utilisables pour leur projet. « C’était un gros challenge, mais nous avons maintenant une version du programme adaptée à nos besoins ! », affirme Isabelle Pagé.
Cinq cliniciennes vont recevoir dans leur clinique respective Marie Hélène Vallière, chiropraticienne et étudiante à la maîtrise en sciences biomédicales à l’UQTR, qui effectuera la prise de mesures directement sur place lors des traitements auprès des patients enfants.
« À long terme, de telles recherches permettront de proposer un traitement adapté en fonction de l’âge, de la grandeur et de la maturité squelettique de l’enfant. À court terme, les résultats permettront d’optimiser l’enseignement des étudiants, en leur apprenant à atteindre les forces et vitesses sécuritaires dans leurs interventions auprès de cette population dans l’exercice de leur future profession », soutient la professeure Pagé.
Chantale Doucet conclut : « Ce projet innovateur démontre les avantages d’une collaboration interdisciplinaire au sein de l’UQTR. Nous utilisons une nouvelle technologie qui va générer de nouvelles données qui bénéficieront à la profession chiropratique et à la population. »
Pour mener ce projet, le groupe de chercheurs a reçu du financement de MAO-Recherche UQTR pour l’achat du gant, en plus de 25 000 $ du Réseau québécois de recherche sur la douleur (RQRD) pour développer le programme informatique, ainsi que 13 000 $ de la Fondation canadienne pour la recherche en chiropratique (FCRC). Marie Hélène Vallière bénéficie d’une bourse de la Fondation Chiropratique du Québec (FCQ).