Plusieurs végétaux, comme le blé ou le soya, sont abondamment consommés par les humains. À l’instar des autres plantes, ces organismes végétaux ne sont pas à l’abri des maladies. Des récoltes entières peuvent se trouver décimées en raison d’épidémies, compromettant ainsi l’alimentation humaine. Mais comment rendre ces plantes plus résistantes aux infections? C’est à ce sujet complexe que se consacreront les travaux d’une nouvelle Chaire de recherche du Canada (CRC) en immunité végétale, octroyée récemment à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Dirigée par le professeur Hugo Germain, chercheur en génomique fonctionnelle, la Chaire s’intéressera à la fois aux mécanismes de défense des végétaux contre les maladies ainsi qu’à la façon dont les agents infectieux attaquent les plantes.
« Je travaille tout particulièrement sur une famille de champignons qui causent des maladies chez de nombreux végétaux : les rouilles. Ces pathogènes font d’importants ravages chez plusieurs plantes d’intérêt pour l’humain. Les rouilles, dont il existe des centaines de sortes différentes, comportent des facteurs de virulence qui suppriment la réponse immunitaire de la plante infectée », explique le professeur Germain.
Pourquoi la rouille?
Jusqu’à présent, peu de solutions ont été trouvées pour lutter contre les rouilles, d’où l’intérêt d’en apprendre davantage à leur sujet. De plus, peu de scientifiques dans le monde mènent des recherches sur ces champignons. « Les rouilles ne peuvent se développer que sur des plantes vivantes, ce qui complique leur étude en laboratoire et peut rebuter les chercheurs », note Hugo Germain.
Le titulaire de la nouvelle chaire a choisi d’étudier tout particulièrement la rouille du peuplier, parce qu’il s’agit de la première rouille dont tous les gènes ont été séquencés. Ce champignon, un peu comme les souris de laboratoire, sert d’organisme modèle pour ses recherches. Les connaissances acquises avec cette rouille pourront ensuite aider à établir des stratégies de lutte contre d’autres rouilles, attaquant des plantes telles que les céréales cultivées par l’humain.
Comprendre l’action des pathogènes
La rouille étudiée par le professeur Germain se développe sur un peuplier. Cet arbre n’est toutefois pas commode à cultiver en laboratoire. Pour ses travaux, le chercheur utilise donc plutôt une petite plante appelée Arabidopsis thaliana (arabette des dames), facilement cultivable et dont le matériel génétique est entièrement connu.
« Nous plaçons dans cette plante des gènes de la rouille, auxquels nous attachons un gène de la méduse. Ce dernier code pour une protéine fluorescente qui facilite l’observation au microscope. Grâce à cette fluorescence, nous pouvons voir l’endroit attaqué par le pathogène dans les cellules de la plante. Notre recherche se fait aussi à l’échelle de l’ADN, qui est parfois la cible précise de l’agent infectieux. Divers processus biologiques peuvent être perturbés », indique le professeur Germain.
Plusieurs étudiants de cycles supérieurs de l’UQTR, en provenance de pays variés (Brésil, France, Algérie, Liban, Bangladesh, Inde, Canada, etc.), œuvreront en collaboration avec le professeur Germain pour la réalisation du programme de recherche de la Chaire.
Un prestigieux octroi avoisinant le million de dollars
« Nous félicitons chaleureusement le professeur Hugo Germain, ainsi que les membres de son équipe, pour l’obtention de cette nouvelle Chaire de recherche du Canada. La qualité et l’avant-gardisme des travaux de ce chercheur lui valent aujourd’hui cet important octroi, dont les retombées seront fort positives pour l’amélioration de la sécurité végétale et alimentaire de notre planète. La réputation de l’UQTR dans les domaines de l’immunité végétale et des sciences biologiques s’en trouve aussi renforcée », de commenter Daniel McMahon, recteur de l’UQTR.
La CRC en immunité végétale – génomique fonctionnelle des phytopathosystèmes sera financée à hauteur de 500 000 $ (répartis sur cinq ans) par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada.
La Chaire obtient également un montant de 263 352 $ pour le financement de ses infrastructures, en provenance de la Fondation canadienne pour l’innovation (105 341 $), du gouvernement du Québec (105 341 $), d’entreprises privées (51 465 $) et de l’UQTR (1205 $). Ces fonds permettront notamment l’aménagement de chambres de croissance pour les plantes et l’acquisition d’équipements liés à la biologie moléculaire et à l’analyse d’images de microscopie.
Spécialiste de l’immunité des plantes
Titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire de l’Université de Montréal, le professeur Hugo Germain s’intéresse depuis une dizaine d’années à l’immunité végétale. Il utilise des approches génétiques et moléculaires novatrices, pour découvrir la fonction des gènes dans un contexte d’infection des plantes.
Il œuvre au Département de chimie, biochimie et physique de l’UQTR depuis 2012. Il dirige aussi le Groupe de recherche en biologie végétale de l’université trifluvienne. Membre du Centre SÈVE, un regroupement provincial de chercheurs en sciences du végétal, le professeur Germain multiplie également les collaborations à l’étranger, notamment en France, aux États-Unis, en Angleterre, en Corée du Sud, en Israël et en Italie.