Plus de 1 milliard de dollars. C’est l’estimation des coupes qui ont été faites dans les commissions scolaires du Québec entre 2010 et 2015, sur un budget total variant entre 11 et 12 milliards. Qu’on soit pour ou contre ce genre d’opération budgétaire, les gestionnaires des commissions scolaires ont dû faire avec. Non sans quelques grincements de dents, soit ils ont décidé d’accumuler des déficits et d’espérer un réinvestissement prochain, soit ils ont décidé de transformer leurs manières de faire les choses.
La grande majorité des gestionnaires ont choisi la seconde option. Cette décision leur a été généralement favorable, puisque ces réinvestissements ont effectivement été finalement faits, mais à un rythme moins élevé que celui des coupes. Encore aujourd’hui, certaines commissions scolaires sont encore en déficit, alors que d’autres ont désormais des surplus budgétaires.
Mais quels sont ces changements qui ont été apportés, considérant que plus de 80 % du budget est déjà promis en salaire d’enseignants, donc intouchable ?
Un gestionnaire d’une commission scolaire (ou toute organisation publique, en fait) qui fait face à une réduction de son budget a plusieurs choix qui s’offrent à lui.
Les mauvais choix
Pour éviter de payer grassement un consultant, je vous offre généreusement les choix qui reviennent toujours : diminuer la qualité des services offerts, diminuer l’offre de services, faire payer l’élève (le parent, en fait…) pour des services qui étaient gratuits auparavant, retarder des investissements à plus tard, geler ou réduire les salaires et sous-traiter des services internes.
Des exemples sont nombreux de ce qui a été fait dans les dernières années dans les commissions scolaires. Certains postes de direction adjointe ont été abolis ou supprimés. Des emplois ont été coupés dans les cafétérias d’école, de conciergeries et de soutien administratif. Certains ont réduit les services de transport scolaire alors que d’autres ont augmenté les frais des services de garde ou amputé les budgets des bibliothèques. Des postes de conseillers pédagogiques, de psychologues, d’enseignants, de techniciens en éducation spécialisée ou de psychoéducateurs ont été abolis. Finalement, des écoles ont été fermées, des élèves ont été déplacés et certains ont perdu l’accès aux services des classes adaptées. Ouf… et cette liste n’est pas exhaustive.
Ces solutions ont en commun qu’elles ne sont pas créatives et qu’elles n’aident pas du tout l’organisation à être meilleure, même en temps de restrictions budgétaires. En d’autres mots, elles n’aident pas à augmenter valeur de l’éducation offerte à l’élève. Elles n’améliorent pas la qualité des services, ne visent pas à faire réussir plus d’élèves ou à limiter le décrochage. Elles n’améliorent pas la satisfaction des élèves ou celle des employés. Elles n’incitent pas les employés à s’impliquer davantage pour leur école, ni ne les motiveront davantage à venir au travail le lundi matin avec un sourire.
La créativité par l’amélioration continue
D’autres commissions scolaires ont privilégié une toute autre approche, soit celle de l’amélioration continue (de type Lean) de leurs processus. Elles se sont dit : pourquoi ne pas profiter de cette situation difficile pour inviter les employés à s’impliquer dans l’amélioration de l’organisation ? Pourquoi ne pas utiliser les idées des employés pour être créatifs et réinventer les façons de faire ?
Bon, j’avoue que c’est plus difficile à faire que de choisir d’appliquer certains des moyens énumérés précédemment, sans compter que les retombées sont moins rapides. Mais il n’existe probablement pas de meilleur moment pour se réinventer que celui où l’organisation passe à travers une période difficile.
Au Québec, on compte quelques commissions scolaires qui ont pris cette avenue. Les commissions scolaires de Trois-Rivières et de la Région-de-Sherbrooke ont été les précurseures, en réalisant un certain nombre de projets d’amélioration ciblant des processus spécifiques. Ils ont entre autres ciblé les processus de paie, d’affection d’employés, de traitement des factures et d’archivage.
Pour chaque projet, une équipe d’employés a été formée, incluant du personnel de bureau, des directeurs d’école et des secrétaires. En misant sur les idées et la créativité des membres des équipes, ils ont travaillé à réinventer les processus, en visant particulièrement à améliorer la qualité du travail, à réduire l’effort investit et à augmenter la satisfaction des employés et des receveurs de services.
En suivant une démarche claire et en utilisant des outils de réflexion éprouvés, les participants sont amenés à mesurer la situation actuelle, analyser les résultats, imaginer une nouvelle façon de faire et assurer un suivi de des améliorations.
Depuis, d’autres commissions scolaires ont amorcé des démarches d’amélioration continue, dont celle de l’Énergie (Mauricie), de La Capitale (Capitale-Nationale), des Hauts-Cantons (Estrie), des Premières-Seigneuries (Capitale-Nationale), Riverside (Montérégie), des Appalaches (Chaudière-Appalaches) et des Navigateurs (Chaudière-Appalaches).
Maturité organisationnelle
Le lecteur attentif a certainement remarqué que les projets d’amélioration continue réalisés touchent jusqu’à maintenant essentiellement des processus périphériques à la mission première des commissions scolaires, soit « instruire, socialiser et qualifier »1 les élèves québécois.
Effectivement, à part quelques projets éparts, peu visent à améliorer la qualité du travail d’enseignement, réduire l’effort investi (pour les mêmes résultats) et augmenter la satisfaction des enseignants et des élèves, pour se limiter essentiellement aux centres administratifs des commissions scolaires.
Certains avanceront que c’est une question de maturité organisationnelle, opinion que je partage d’ailleurs. Il est effectivement plus facile de réaliser des projets périphériques dans un premier temps, où les enjeux sont peut-être moins grands et où l’on aborde peu la compétence professionnelle de l’enseignant.
Il reste que c’est un départ afin d’améliorer la qualité du travail dans les écoles et une fois celui-ci réalisé, des projets pourront être pensés pour les classes elles-mêmes. Parce que c’est justement là que se trouve l’élève : dans les classes et non pas dans les bureaux de la commission scolaire.
Référence
1Loi sur l’instruction publique (http://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/I-13.3)