La genèse de ce projet remonte à l’année 2022-2023. À l’époque, le professeur Dany Lussier-Desrochers, directeur du comité de programme de premier cycle en psychoéducation, propose une initiative intitulée Démarche participative et consultative visant le développement d’un programme de psychoéducation culturellement sécuritaire pour les étudiants issus de communautés autochtones, dans le cadre de l’appel à projets du Plan stratégique 2020-2025 de l’UQTR. Sa proposition est acceptée et financée par l’Université.
La démarche de sécurisation culturelle des programmes de psychoéducation et travail social vise alors à rendre le processus d’admission plus équitable et inclusif envers les étudiantes et étudiants autochtones. Elle prévoit également d’ajuster la formation, pour être en accord avec les réalités des Premiers Peuples. Le déploiement d’un réseau de soutien est aussi envisagé, afin de favoriser la réussite et la diplomation des apprenants autochtones.
Répertorier les meilleures pratiques et lancer un portage
Dans une première étape du projet, le professeur Dany Lussier-Desrochers embauche l’étudiante en psychoéducation Gloria Malek, Innue de la communauté de Uashat mak Mani-Utenam. Cette dernière travaille avec lui à recenser les bonnes pratiques collégiales et universitaires en matière de sécurisation culturelle de programmes d’études.

La professeure Julie Rock. (Photo: Isabelle Cardinal, UQTR)
« C’est à cette phase du projet que je me suis jointe à l’équipe de Dany et Gloria. Nous avons alors œuvré à la formation d’un comité consultatif impliquant, entre autres, des partenaires des Premières Nations. Pour le fonctionnement de ce comité, nous avons choisi l’approche du pakatakan, qui signifie portage en langue innue. Dans un portage, chaque personne a son bagage et le travail se fait en collaboration. Nous avons prévu trois campements (points d’arrêt) dans ce portage, pour permettre aux membres du comité de se rencontrer et de travailler ensemble sur le projet de sécurisation culturelle », explique Julie Rock, Innue originaire de Uashat mak Mani-Utenam, membre de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh et katshishkutamatshesht (professeure) au Département de psychoéducation et travail social de l’UQTR.
Premier campement
La rencontre initiale du comité consultatif du projet de sécurisation culturelle a lieu en février 2023, dans un lieu neutre situé à l’extérieur des murs de l’UQTR. Elle réunit une quinzaine de participantes et participants issus de communautés et organismes autochtones, de ministères et des milieux collégiaux et universitaires. Ce premier campement se veut une occasion d’échanger, de tisser des liens, de présenter le projet de sécurisation culturelle et d’impliquer des membres des Premiers Peuples en tant que parties prenantes centrales de la démarche.
Deuxième campement
En août 2023, une trentaine de personnes autochtones et allochtones se rencontrent pendant deux jours à l’UQTR, pour discuter des actions concrètes à réaliser pour soutenir la sécurisation culturelle des programmes de psychoéducation et travail social.
Plusieurs thèmes sont abordés : processus d’admission, réalités des communautés autochtones, soutien de la persévérance et de la réussite étudiante, préparation au travail en communauté, accueil et rétention des stagiaires et diplômés en communauté, pratiques d’évaluation des stages, adaptation de la formation universitaire, flexibilité des ordres professionnels, embauche de professeurs et experts des Premières Nations, etc. Une présentation des services sociaux atikamekw est également au programme.
Troisième campement
Début juin 2025 : une vingtaine de personnes prennent part à la troisième rencontre du projet de sécurisation culturelle des programmes de psychoéducation et travail social de l’UQTR. Le groupe est chaleureusement accueilli par les Services sociaux Atikamekw Onikam et se rend à Wemotaci – pour une visite de la communauté et une immersion en territoire atikamekw – et à La Tuque.
Cette activité permet de présenter un bilan des plus récentes discussions, d’identifier les retombées concrètes anticipées du projet et d’établir un plan d’action. Les participants ont aussi le privilège de rencontrer des Aînés atikamekw, de visiter un camp accueillant des familles atikamekw et de créer des liens lors d’un repas traditionnel dans le Notcimik (forêt).
Voyez ici quelques images captées à l’occasion du troisième campement :
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À la suite de l’activité, les personnes présentes (professeurs, intervenants, partenaires) s’engagent personnellement à de nombreuses actions : sortir de l’immobilisme, apprendre des mots des langues autochtones, faire rayonner les savoirs autochtones, intégrer du contenu autochtone dans les cours, aider à répondre aux besoins en main-d’œuvre dans les communautés autochtones, créer des liens solides avec les Premières Nations, éviter les situations d’exclusion et de discrimination envers les Premiers Peuples, offrir des possibilités d’apprentissage en territoire, et plus encore…

Émilie Hébert-Houle, spécialiste en sciences de l’éducation. (Photo: Isabelle Cardinal, UQTR)
« Ce campement a été un point culminant pour amener les participants à réfléchir aux perspectives autochtones et à la sécurisation culturelle. Les personnes présentes ont vraiment laissé place à leur vulnérabilité et à de véritables prises de conscience sur la nécessité de faire les choses autrement et de réaliser des changements organisationnels majeurs », commente Émilie Hébert-Houle, participante au troisième campement et spécialiste en sciences de l’éducation au Bureau des relations et à l’engagement auprès des Premiers Peuples de l’UQTR.
« Grâce à ce campement, les participants ont pu vivre une expérience en territoire atikamekw et mieux comprendre comment nous vivons en communauté et quels sont les défis que doivent surmonter les étudiants des Premières Nations pour se rendre jusqu’à une salle de classe universitaire », ajoute Julie Rock.
Le comité atusseshtakanit
Au Département de psychoéducation et travail social de l’UQTR, la réalisation des trois campements a ouvert la porte à la création d’un comité réunissant les personnes intéressées à réaliser concrètement le projet de sécurisation culturelle (professeurs, chargés de cours, agents de recherche). Sous la responsabilité de la professeure Julie Rock, ce comité œuvre sous le nom de atusseshtakanit, signifiant « les travaux » en langue innue.
Au fil des ans, le projet de sécurisation culturelle a aussi bénéficié des travaux de recherche de Dave Cleary, étudiant au certificat en intervention psychoéducative à l’UQTR et Atikamekw de la communauté d’Opitciwan.
Prendre le temps et créer des liens : des conditions essentielles
À l’heure d’un premier bilan du projet de sécurisation culturelle des programmes de psychoéducation et travail social, la professeure Julie Rock partage ses réflexions : « Tout au long des trois campements, réunissant des personnes autochtones et allochtones, je me disais : comment allons-nous faire pour travailler ensemble? Allons-nous y arriver? Est-ce que les gens vont rester ancrés dans leur vision personnelle? Je me posais des questions. »
De son côté, Émilie Hébert-Houle tire plusieurs enseignements du portage et des trois campements. « Cette approche, mentionne-t-elle, c’est ce qui permet d’avoir du temps, de voir et réfléchir, de ressentir et d’intégrer. Maintenant, nous voulons amener les réflexions plus loin. Notre défi, c’est de concrétiser les changements souhaités dans les programmes et les classes. Nous voulons nous inspirer de la démarche en psychoéducation et travail social pour accompagner d’autres départements volontaires de l’UQTR dans une approche de sécurisation culturelle. Et pour arriver à mobiliser les personnes, nous réalisons que ça prend du temps, des années. »
« Ce portage alimente aussi notre réflexion sur la nécessité de respecter les façons de faire et les valeurs des communautés autochtones. Pour ces dernières, la création de relations authentiques est une condition préalable indispensable pour travailler ensemble. Il faut que les membres des Premières Nations sentent que notre engagement est sincère et qu’ils soient confortables et en confiance, tout au long du processus », d’ajouter Émilie Hébert-Houle.
« Ce que je constate, poursuit Julie Rock, c’est qu’il est essentiel de créer d’abord des liens, une relation, parce que c’est le point de départ pour travailler dans une perspective de réconciliation. Et avec les trois campements, nous avons cheminé ensemble. La relation s’est créée de façon graduelle. Le processus a été long et a pris du temps. Mais c’était nécessaire. Et ce qui m’a plu, c’est qu’à la fin, toutes les personnes participantes se sont mobilisées et je voyais qu’elles étaient prêtes à travailler avec nous, à s’engager, qu’elles ont été touchées. Et devant ce constat, je peux dire : mission accomplie. »

Émilie Hébert-Houle (à gauche), spécialiste en sciences de l’éducation au Bureau des relations et à l’engagement auprès des Premiers Peuples, en compagnie de Julie Rock, katshishkutamatshesht (professeure) au Département de psychoéducation et travail social. (Photo: Isabelle Cardinal, UQTR)
Notons que le projet de sécurisation culturelle des programmes de psychoéducation et travail social de l’UQTR s’inscrit dans la vision du Plan stratégique autochtone 2025-2027 de l’Université du Québec à Trois-Rivières intitulé Tisser des liens durables avec les Premiers Peuples.



