« Il n’y a personne de parfait, mais en équipe on peut atteindre un bon niveau de perfection. » Ces paroles ne sont pas d’un grand philosophe, mais bien celles de deux jeunes femmes dynamiques qui aiment le travail de terrain. Élaine Brosseau et Caroline Gingras, deux diplômées en psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), démontrent bien cette pensée en faisant équipe au Centre d’évaluations multidisciplinaires et d’interventions spécialisées (CEMIS). L’initiative, qui connaît un franc succès, est née de leur vision commune de l’intervention et prend forme grâce à leurs compétences complémentaires en gestion. Quand on dit que les deux font la paire…
« Élaine est fonceuse, elle frappe aux portes, c’est une développeuse », lance Caroline Gingras, qui s’occupe surtout des aspects financiers et légaux liés au CEMIS. Élaine Brosseau, sa partenaire d’affaires qui prend sous son aile la gestion des ressources humaines et des partenariats, enchaîne : « Caroline est plus tempérée et réservée, elle aime prendre du recul sur les idées. » Complémentaires, vous dites?
À la base, elles partagent le même rêve : gérer une clinique où œuvre une équipe multidisciplinaire de professionnels, afin que le client ait accès à un ensemble de services sous un même toit. Ce rêve se matérialise le 22 novembre 2011, lorsque Caroline et Élaine coupent le ruban rouge, geste symbolique qui marque l’ouverture officielle du CEMIS, situé à Victoriaville.
La mission du Centre consiste à offrir une prise en charge rapide en lien avec des problématiques physiques, psychologiques, académiques, professionnelles et sociales vécues par des personnes de tout âge, de l’enfance à la vieillesse. « Le CEMIS vient appuyer le réseau public en allégeant les listes d’attente. Notre objectif premier consiste à devenir un partenaire du système public », précisent les deux associées. Initiative louable, issue d’une rencontre fortuite…
La rencontre
Caroline est originaire de Québec; Élaine est née à Montréal. C’est à mi-chemin entre leur ville natale respective qu’elles se rencontrent, à Trois-Rivières, plus spécifiquement dans les locaux du Laboratoire de recherche en neuropsychologie de l’université trifluvienne. « C’est l’orientation clinique, centrée sur la personne, qui nous a poussées à étudier à l’UQTR. Cette perspective humaine de la neuropsychologie, transmise par les professeurs, nous montre à approcher le patient dans sa complexité, à parfois mettre de côté les tests pour mieux saisir la personne devant nous », précisent les deux diplômées à la maîtrise en psychologie, qui ont par la suite poursuivi leur cheminement au doctorat. Caroline vient d’ailleurs tout juste de le terminer, alors que sa collègue Élaine en est à ses derniers milles.
À force de se côtoyer dans cet environnement scientifique, les deux jeunes femmes constatent rapidement leurs affinités : « On discutait d’un cas clinique et on se rendait compte qu’on avait la même vision, tout en étant capable de se challenger mutuellement et de se remettre en question. »
La vision
Et quelle est cette vision? « De voir la personne dans sa globalité et de s’assurer qu’elle reçoive toute l’aide dont elle a besoin. En bref, nous essayons le plus possible de maximiser le service que nous donnons au patient. Par exemple, nous voulons éviter d’évaluer un patient en neuropsychologie, d’émettre des recommandations et qu’ensuite, il retombe dans le réseau public, sur une liste d’attente », explique Caroline Gingras, en précisant que la majorité des services offerts au CEMIS sont couverts par les assureurs ou déductibles des impôts.
Également, certains programmes mis sur pied au Centre permettent de réduire les délais d’attente, par exemple celui de dépistage et de diagnostic du trouble du spectre autistique. « Dans ce cas, nous faisons l’évaluation de l’enfant, mais les parents doivent ensuite le remettre sur les listes dans le système public. Néanmoins, ils auront sauvé un bon 12 à 18 mois d’attente, ce qui n’est pas rien! », poursuit Élaine Brosseau.
Il n’est donc pas surprenant que plusieurs intervenants de Victoriaville, et plus globalement du Centre-du-Québec, affirment qu’il était temps qu’une telle initiative voit le jour dans la région. Les multiples partenariats tissés depuis l’ouverture du CEMIS, tant avec les milieux scolaires que de la santé et des services sociaux, démontrent sa nécessité; en trois ans, la petite équipe de professionnels a répondu à plus de 1000 demandes. « Tout en contribuant à alléger les listes d’attente, nous aidons sur le plan des interventions car nous traçons un profil beaucoup plus précis du client », soutiennent les deux diplômées de l’UQTR.
Une croissance fulgurante
Est-ce nécessaire de le rappeler : le système de la santé et des services sociaux québécois déborde de demandes et les listes d’attente s’allongent. Implanté dans une région qui ne disposait pas encore d’une telle initiative, le CEMIS était destiné à connaître une croissance fulgurante. « On s’attendait à ce que ça fonctionne bien, mais aussi rapidement… », avouent Élaine et Caroline. De fait, trois mois après l’ouverture, le Centre a déjà atteint les objectifs qu’elles s’étaient fixés sur un horizon de trois ans. « Et après deux ans d’opération, nous avions atteint notre objectif de dix ans! Nous avons peut-être été un peu conservatrices dans notre plan d’affaires, mais d’un autre côté, cela démontre bien l’ampleur des besoins », estiment celles qui ont remporté le premier prix dans la catégorie Service aux individus, Centre-du-Québec, lors du 14e Concours québécois en entrepreneuriat, ainsi que le prix Coup-de-cœur du concours Gagnez votre entreprise de Femmessor.
Au noyau de 9 professionnels œuvrant lors de l’ouverture du CEMIS en 2011 se sont greffés, au fil des mois, plusieurs autres intervenants. Aujourd’hui, le Centre compte sur l’expertise de 25 professionnels de la santé – dont plusieurs diplômés de l’UQTR – qui se côtoient dans un environnement favorisant les échanges cliniques et la multidisciplinarité. Ceux-ci sont issus d’une dizaine de disciplines, notamment en neuropsychologie, psychoéducation, orthophonie, orthopédagogie, ergothérapie et en travail social. Éventuellement, les deux gestionnaires aimeraient intégrer un médecin à l’équipe, qui pourrait poser certains diagnostics et offrir un accès aux personnes en attente sur les listes de médecine familiale.
Le futur
Mais avant de voir plus grand, il leur faudra trouver un autre espace que la modeste maison qui héberge actuellement le CEMIS sur le boulevard des Bois-Francs-Nord de Victoriaville. « À moyen terme, nous souhaitons également ouvrir d’autres points de service dans la région du Centre-du-Québec. Mais pour cela, il faudra pallier le manque d’effectifs, explique Élaine Brosseau. Nous avons d’ailleurs entamé les démarches afin de devenir un milieu de stage pour les étudiants de l’UQTR. »
Sa collègue Caroline Gingras renchérit : « Au départ, on s’est dit qu’on ne voulait pas précipiter les choses. On se concentre, pour l’instant, à offrir un service impeccable à notre échelle, à bâtir notre réputation. Une fois que tout cela sera bien établi, on pourra grandir. » Ces deux jeunes femmes, qui forment une équipe du tonnerre, pourront très certainement aller au bout de leur rêve.