Au restaurant, le serveur apporte votre plat libérant des effluves d’épices, qui alimentent votre désir d’en prendre une bouchée. S’ensuit la première bouchée qui éveille une sensation de picotement due aux épices; vous êtes ravi, mais cela vous amène à prendre une gorgée de la boisson accompagnant votre repas. Une autre sensation, cette fois de rafraîchissement, vous envahit. En l’espace de quelques instants, vos sens chimiques, ceux reliés à la détection des odeurs, des saveurs et des substances chimiques de l’environnement, sont exaltés alors qu’une interaction se crée entre eux.
«À la différence des autres sens – vue, ouïe, toucher – qui répondent à des stimulations physiques, les sens chimiques sont stimulés par des molécules présentes, par exemple, dans la nourriture et les parfums», affirme Johannes A. Frasnelli, professeur au Département d’anatomie de l’UQTR depuis 2014. Titulaire de la Chaire de recherche UQTR en neuroanatomie chimiosensorielle, celui-ci étudie le fonctionnement, encore relativement incompris, des mécanismes menant à la perception des sensations chimiques.
Il faut savoir que trois sens dont dispose l’humain permettent la perception chimique: l’odorat, le goût et ce qu’on appelle «le système trigéminal». Ce dernier est un système sensoriel au sens propre du terme, empruntant également les voies buccales et nasales, qui est relié à la perception de sensations comme le piquant, le brûlant ou le rafraîchissant. «Comparativement aux autres systèmes sensoriels, nous avons une compréhension substantiellement réduite des mécanismes menant à la perception de ces sensations. De fait, des interactions complexes ont lieu, notamment lors de la perception des aliments qui est principalement due aux sensations chimiques», précise le professeur Frasnelli, dont l’expertise s’articule autour de la physiologie, de la psychologie et de la pathologie des sens chimiques. Ses recherches antérieures lui ont permis, entre autres, de décrire les circonstances exactes qui permettent à l’humain de localiser la source d’une odeur, ainsi que les processus ayant lieu pendant la perception de la nourriture.
Le chercheur, membre du groupe de recherche CogNAC de l’UQTR, désire maintenant mieux comprendre les caractéristiques anatomiques reliées à la perception chimique, les interactions entre les différents sens chimiques, ainsi que la faculté d’adaptation des régions du cerveau sollicitées par ceux-ci. «Pour y arriver, nous utilisons une méthode unique au monde, combinant des mesures d’électrophysiologie et de neuro-imagerie», précise-t-il.
En plus de permettre à l’UQTR de développer une expertise unique dans le domaine de la neuroanatomie structurelle et fonctionnelle des sens chimiques, les travaux de Johannes Frasnelli ouvriront la voie à d’autres projets de recherche en lien avec la nutrition, le vieillissement ou le dépistage précoce de maladies neurodégénératives.