Les inégalités sociales sont frappantes à bien des égards au sein de la population, et leurs effets sur la santé n’y échappent pas; l’inclusion des populations en situation de très grande vulnérabilité présente d’ailleurs un défi majeur pour les politiques de santé publique et les services sociaux, d’autant plus que les conditions de vie de ces personnes constituent un obstacle à l’accessibilité des services.
Afin de maximiser les services offerts à une population itinérante et marginalisée qui en a immensément besoin, mais qui consulte peu ou pas le système de santé conventionnel, la professeure au Département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) Lyne Douville et le doctorant Thomas Gottin (Université de Montréal) soutiennent actuellement la création d’une plateforme virtuelle en soins de proximité.
Selon les recherches, les personnes en situation de vulnérabilité sociosanitaire se heurtent à toutes sortes de difficultés lorsqu’elles doivent obtenir des soins : elles reçoivent moins de services et ceux-ci sont souvent de moindre qualité. Elles sont traitées différemment par les prestataires de soins ou encore elles reçoivent des traitements qui ne correspondent pas à leurs besoins.
Par ailleurs, les pratiques professionnelles des intervenants qui œuvrent auprès des populations itinérantes sont souvent limitées par le manque de coordination entre les acteurs et par la discontinuité des services : difficultés communicationnelles, pertes de dossiers, manque d’information sur les ressources existantes. Ces embûches entravent la mission de divers services et limitent la portée des interventions que l’on souhaiterait préventives et efficaces.
Puisque le principe d’un système de soins de santé universel a comme principal objectif de protéger toute une population, la mise en place d’actions concrètes est donc souhaitable – voire nécessaire – afin d’assurer une meilleure cohésion et une plus grande collaboration des services sociaux et de santé.
Inscrite dans un processus d’amélioration de l’accessibilité, de l’efficacité et de la coordination de l’ensemble des ressources en soins de proximité, et développée sous forme d’application iPhone et Androïd, la plateforme sur laquelle travaillent Lyne Douville et Thomas Gottin se veut une réponse à ces diverses problématiques. Appelée MC2, pour Ma communauté connectée, elle vise à améliorer la collaboration et la cohésion entre les principaux acteurs travaillant au mieux-être physique, psychologique et social des personnes vivant dans une situation de très grande vulnérabilité, en favorisant l’accessibilité aux soins de première ligne offerts par les milieux institutionnels et communautaires.
« La mise en place de MC2 constitue une réponse novatrice dans le champ appliqué de la santé sociale. Articulant le modèle théorique de l’inclusion sociale, la pratique clinique, l’innovation et les technologies de l’information (TIC), l’application répond à une perspective de collaboration intersectorielle en étant accessible à une diversité de profils : professionnels de la santé, gestionnaires, stagiaires », se réjouit Lyne Douville, qui est également chercheuse au Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille (CEIDEF) de l’UQTR.
De précieux collaborateurs
Le projet est possible grâce à l’obtention par la chercheuse d’une bourse Mitacs Accélération, un soutien généralement associé aux innovations industrielles; il s’agit d’un premier octroi dans le domaine social à l’UQTR. Thomas Gottin, doctorant en anthropologie à l’UdeM, est le stagiaire qui bénéficie de la bourse d’une valeur 30 000 $, dont la moitié provient de l’organisme communautaire partenaire du projet, Point de rue, qui œuvre dans les régions de la Mauricie et du Centre-du-Québec auprès des gens en situation de rupture sociale. Le projet s’actualise également grâce à un partenariat avec le Réseau de santé intégrative de la Mauricie et du Centre-du-Québec (RSIMCQ), dont le président et responsable des équipes en soins de proximité, Dr Samuel Blain, s’investit avec passion.
Ma communauté connectée
À terme, cet outil clinique constituera un répertoire interactif et dynamique de services communautaires et institutionnels divisés par secteurs (santé mentale, santé physique, santé publique, etc.). Il comprendra une fiche descriptive pour chaque organisme, de même que pour chaque professionnel qui travaille auprès des personnes très vulnérables.
« Les organismes, tout comme les professionnels, seront autonomes sur MC2. Ils pourront mettre à jour leurs coordonnées, leurs disponibilités et la description des collaborations offertes, et ils seront en mesure d’y rechercher (et d’y trouver!) des ressources utiles ou complémentaires à leurs propres interventions. En quelques clics, les utilisateurs comprendront qui fait quoi, auprès de qui, à quel moment… Bref, cela simplifiera le travail de plusieurs, en plus de soutenir une pratique qui se fait déjà, mais de façon implicite », explique Thomas Gottin.
L’application proposera également une bibliothèque virtuelle dans laquelle se retrouveront des offres de formation et des documents informationnels, tels des articles de recherche, des rapports interministériels et des référentiels de compétences.
Si les résultats sont concluants, les principaux partenaires du projet rêvent déjà d’étendre MC2 à d’autres régions du Québec, à d’autres provinces… et plus loin encore! D’ici là, l’application devrait être accessible en Mauricie au courant de l’année 2018.