Maintenant qu’Air Canada est le nouveau propriétaire d’Air Transat, le paysage aérien du Québec pourrait passablement changer. Si cet achat promet une expansion intéressante pour la compagnie canadienne, on peut se demander pourquoi Air Transat tenait tant à vendre ses actifs. Marc Duhamel, professeur au Département de finance et économique de l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), examine cette question.
« En s’intéressant à la concurrence, on peut analyser l’impact de la fusion entre Air Transat et Air Canada. On sait que Transat est un voyagiste qui vend des forfaits-vacances, mais qui offre également des vols sur les lignes internationales. Ce marché est très concurrentiel, parce que de nombreuses compagnies offrent les mêmes trajets. Or, si les transporteurs veulent dégager des marges de profits en évoluant dans un tel environnement, la seule façon de le faire est de réduire les frais d’exploitation », remarque M. Duhamel.
Or, dans le cas d’Air Transat, le professeur estime qu’il n’y avait pas beaucoup de gras à couper.
« Les avions de la compagnie avaient déjà des coefficients de remplissage relativement élevés, et la structure organisationnelle n’était pas reconnue pour être très lourde. À partir de là, Air Transat avait deux choix. Sa première option était de faire des investissements, par exemple en achetant des appareils qui consomment moins de carburant, ou en adoptant des pratiques commerciales liées au nombre de places. Son autre option était de s’organiser pour bénéficier d’économies d’échelle. En ce sens, le fusionnement était une bonne façon d’aller chercher une valeur ajoutée. C’est d’ailleurs cette option que les patrons d’Air Transat ont décidé de privilégier », affirme-t-il.
Sous cet angle, la vente d’Air Transat à Air Canada apparaît donc comme un choix logique. Cela expliquerait aussi pourquoi l’offre du Groupe MACH a été rejetée, même si elle était plus généreuse. Il faut dire que la proposition de MACH, qui évolue dans l’immobilier, reposait vraisemblablement sur d’autres motifs.
« Le Groupe MACH voyait probablement dans les actifs d’Air Transat des complémentarités avec ses propres actifs. Par exemple, si MACH possède ou prévoit acquérir des complexes hôteliers un peu partout dans le monde, une intégration verticale aurait pu l’intéresser. Il aurait pu utiliser le côté voyagiste d’Air Transat pour mieux aligner ses intérêts, de façon à maximiser la valeur de ses actifs immobiliers à travers une meilleure gestion des besoins en transport de sa clientèle. Sinon, ça aurait aussi pu s’inscrire dans le cadre d’une stratégie de diversification. Si MACH voulait investir dans le secteur du transport aérien, c’est peut-être parce qu’il s’est rendu compte qu’il y avait plusieurs voyagistes et transporteurs aériens qu’il pouvait consolider dans le but d’en dégager des économies d’échelle », avance M. Duhamel.
Impacts pour le consommateur
Les premiers touchés par la vente d’Air Transat seront bien évidemment les consommateurs. Selon le professeur, la concrétisation de la vente s’accompagnera de deux effets.
« Lorsqu’une firme comme Air Transat réussit à réduire ses coûts, elle va avoir tendance à passer une partie de cette économie à ses consommateurs. Donc, si les économies d’échelle encourues sont suffisamment importantes, le rapport qualité/prix devient plus avantageux pour les consommateurs. Par contre, dans le cas actuel, la réduction des coûts va de pair avec une réduction de la concurrence. Étant donné qu’Air Canada dessert certaines destinations aussi desservies par Air Transat, les deux compagnies vont vraisemblablement cesser de se faire concurrence sur ces trajets. La concentration aura donc certains effets : on pourrait s’attendre à une hausse des tarifs, à une baisse de la qualité des services, ou encore à une baisse de la fréquence des vols pour ces destinations », explique M. Duhamel.
Un fleuron préservé, mais…
À l’échelle provinciale, une transaction de l’ampleur d’Air Transat n’est pas sans soulever certaines craintes.
« La question demeure toujours : pourquoi fallait-il que ce soit Air Canada qui achète Air Transat, et non pas plutôt Air Transat qui achète un autre transporteur ? Transat aurait pu par exemple acheter un petit transporteur américain ou européen, ce qui lui aurait permis de réaliser des économies d’échelle. Lorsque de grandes entreprises achètent des compagnies québécoises, ça amène des enjeux politiques et économiques importants. Et dans ce cas-ci, c’est encore plus problématique parce qu’il s’agit de l’ancienne entreprise du premier ministre du Québec », conclut M. Duhamel.