Comprendre comment certaines plantes fabriquent des molécules pharmaceutiques, afin d’implanter ensuite la « recette » dans des microalgues pour une production de médicaments à grande échelle. Voilà le défi auquel s’attaquera la nouvelle Chaire de recherche du Canada sur le métabolisme spécialisé végétal, récemment octroyée à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
« Près de 60 % des médicaments actuellement utilisés dans le monde sont d’origine végétale. Pourtant, il reste encore beaucoup à faire pour découvrir de quelle façon les plantes médicinales synthétisent des molécules pharmaceutiques. Pour notre part, nous concentrons nos recherches sur les Amaryllidacées, une famille de plantes comprenant notamment les narcisses et les jonquilles », explique la professeure Isabel Desgagné-Penix, titulaire de la Chaire et experte mondiale du métabolisme des plantes.
Les différentes espèces d’Amaryllidacées produisent des alcaloïdes, une classe de molécules souvent utilisées comme médicaments anticholinergiques, analgésiques, anticancéreux ou autres. L’équipe de la Chaire travaillera à comprendre quels sont les acteurs (gènes, enzymes, etc.) et les mécanismes intervenant dans la fabrication de ces alcaloïdes. Les chercheurs s’intéresseront entre autres à la galanthamine, un alcaloïde servant notamment à traiter les symptômes de la maladie d’Alzheimer.
Bio-usine et développement durable
« Une fois que nous aurons trouvé le mode de fabrication d’un alcaloïde, nous l’implanterons dans des microalgues pour qu’elles puissent produire elles-mêmes cette molécule. Contrairement aux plantes, qui ne fabriquent que de très petites quantités d’alcaloïdes, les microalgues sont des bio-usines performantes. Leur biomasse double toutes les 48 heures », précise la professeure Desgagné-Penix.
Outre qu’elles sont des hôtes intéressants pour reproduire la synthèse d’une molécule d’origine végétale, les microalgues contribuent aussi à la réduction des gaz à effet de serre par la photosynthèse. De plus, une fois les alcaloïdes extraits de la biomasse algale, cette dernière peut servir à la production, entre autres, de biocarburants ou d’aliments.
« Le programme de recherche de la professeure Desgagné-Penix est novateur et unique au Canada. Il rendra possible la mise au point de médicaments moins coûteux et d’autres produits d’intérêt, à partir de ressources renouvelables. Il permettra aussi à notre université de se positionner comme chef de file en biologie synthétique, tout en préparant la prochaine génération de professionnels en biochimie des plantes. Félicitations à Isabel Desgagné-Penix pour l’obtention de cette nouvelle chaire, venant souligner le très haut calibre de ses réalisations », de commenter Daniel McMahon, recteur de l’UQTR.
Des subventions totalisant près de 1 M$
Le financement de la nouvelle Chaire de recherche du Canada sur le métabolisme spécialisé végétal, assuré par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada, s’élèvera à 600 000 $ (répartis sur 5 ans). Un montant de 375 001 $, en provenance de la Fondation canadienne pour l’innovation (40 %), du gouvernement du Québec (40 %) et de partenaires de l’industrie (20 %), a aussi été obtenu pour l’acquisition de divers équipements de recherche.
Chercheuse d’avant-garde
Depuis sa jeunesse, pendant laquelle elle passait ses étés à cueillir des petits fruits ainsi que des plantes médicinales et aromatiques en compagnie de sa mère et de sa grand-mère, Isabel Desgagné-Penix s’est toujours intéressée à la façon dont les plantes fabriquent des médicaments. Aujourd’hui titulaire d’un doctorat en biologie cellulaire et moléculaire de l’University of Texas – San Antonio, elle est devenue une pionnière mondiale dans le domaine de l’utilisation de technologies de pointe pour la recherche sur le métabolisme spécialisé des plantes.
Arrivée à l’UQTR en 2013, la professeure Desgagné-Penix œuvre à l’intérieur du Groupe de recherche en biologie végétale de l’établissement. Elle est aussi membre du Centre SÈVE, regroupant des chercheurs québécois en sciences du végétal. Elle a également développé plusieurs collaborations avec l’industrie ainsi qu’à l’international (Italie, Sénégal, Tunisie, Gabon, Iran). De plus, elle est fondatrice et directrice du Groupe Réseau Initiatives Autochtones de l’UQTR.
Fortement impliquée dans la promotion des femmes et des autochtones en sciences, Isabel Desgagné-Penix contribue, par ses travaux en biochimie végétale, à concevoir et construire de nouveaux systèmes biologiques à des fins utiles pour l’humanité.