Les dirigeants d’entreprises qui étaient sceptiques ou tardaient à s’adapter au concept de la Révolution 4.0 passent actuellement un mauvais quart d’heure. Dans de nombreux cas, ils croulent sous des stocks qui amputent négativement le fonds de roulement. Pourquoi ? « Ils n’avaient pas de stratégie de résilience pour faire face à l’imprévisible », lance Georges Abdul-Nour, professeur de génie industriel à l’École d’ingénierie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
En cette période de déconfinement, le professeur Abdul-Nour insiste sur l’importance pour les organisations de compléter une analyse de leurs forces et faiblesses. La pandémie de COVID-19 donne enfin raison à tous les spécialistes en génie industriel qui prêchaient jusqu’ici sur l’importance pour les entreprises manufacturières de miser sur l’agilité et de prendre le virage de l’Industrie intelligente, la Révolution 4.0.
Le concept d’industrie 4.0 ou industrie du futur correspond à une nouvelle façon d’organiser les moyens de production. Cette nouvelle industrie s’affirme comme la convergence du monde virtuel, de la conception numérique, de la gestion avec les produits et objets du monde réel. – Wikipédia
« Avant, on pouvait prévoir des réactions aux turbulences possibles en fonction des risques, grâce aux probabilités. Mais ça ne comprenait pas l’imprévisible, comme cette pandémie planétaire. Ceux qui s’en sortent bien ont déployé leur stratégie de résilience. Ils étaient prêts à réagir rapidement et à se sortir de cette situation. Par exemple, leurs pratiques manufacturières, axées notamment sur le juste à temps, leur ont permis d’éviter de se retrouver en manque de liquidités », illustre celui qui est titulaire de la Chaire de recherche Hydro-Québec en gestion des actifs.
Une entreprise connectée
Le professeur Abdul-Nour cite en exemple un de ses fils qui œuvre en génie industriel dans une entreprises drummondvilloise. Le travail virtuel est un élément clé. « Après trois jours à la maison, il était déjà opérationnel pour effectuer son boulot. L’entreprise avait une bonne capacité à réagir, notamment au chapitre de la connectivité, ce qui permet d’adapter le travail à distance grâce à l’accès aux données. C’est aussi le moment idéal pour concentrer les ressources sur des projets de recherche et d’amélioration qui, jusque-là, avaient été mis de côté faute de temps. C’est évidemment l’occasion de préparer et adapter les postes de travail en prévision de la reprise des activités durant le déconfinement et de faire avancer des projets de recherche », note le professeur qui, depuis 1992 avec la chaire BBD et 2004 avec le CNRC, a fait du transfert de connaissances dans près de 300 entreprises manufacturières au Québec.
Des entreprises agiles
Dans cette évaluation des forces et faiblesses, les gestionnaires d’entreprises doivent évaluer à quelle vitesse ils peuvent s’adapter à leur environnement. C’est à la base du concept de l’entreprise agile. « C’est payant pour une organisation d’être agile. Le temps de réaction est plus rapide, le temps machine, la manutention, etc. Quand le produit fini sort plus vite, il peut y avoir d’autres commandes qui rentrent et l’entreprise est prête à continuer les opérations. Après trois ans de travail de cartographie de la chaîne de valeur (taux de disponibilité, efficacité et qualité), certaines entreprises où nous sommes intervenus avec nos étudiants boursiers du fond de recherche Mitacs, ont pu tripler leur chiffre d’affaires », mentionne le professeur Abdul-Nour.
Une nouvelle réalité
Pour bien illustrer le concept, certaines entreprises agiles ont aujourd’hui besoin de seulement 48 heures à une semaine pour réagir, alors qu’auparavant cela demandait un mois. « Avec les changements climatiques qui font augmenter les probabilités d’événements déstabilisants comme des tempêtes de verglas, de forts vents et des inondations, il est clair que les entreprises devront avoir une stratégie de résilience pour les aider à composer avec l’imprévisible. C’est plus que jamais le temps de le faire », martèle ce spécialiste du génie industriel appliqué aux petites et moyennes entreprises.
Les entreprises qui réalisent maintenant que le travail à distance est possible, développeront un mode de travail hybride, alternant entre présentiel et distance. « Cette nouvelle réalité aura un effet bénéfique pour l’environnement. On pense ici notamment à la diminution de la circulation automobile et au partage de bureaux qui va engendrer une diminution de l’espace nécessaire au travail », illustre le chercheur affilié à l’Institut de recherche sur les PME de l’UQTR.
Face à la faillite ?
Les entreprises qui feront face aux problèmes de fonds de roulement et à la disponibilité de liquidités, doivent vite prioriser leurs projets en misant sur des entrées rapides d’argent. « Il faut qu’ils s’ajustent à la perturbation de leur chaîne logistique et évaluent les opportunités qui se créeront après le coronavirus et ainsi adapter leur offre. »
Au final, le professeur Abdul-Nour estime que les deux ordres de gouvernement devront intervenir pour appuyer les entreprises manufacturières qui sont aux prises avec des problèmes de fonds de roulement. « On constate que l’État réagit déjà et met certains moyens en place. C’est urgent, car malheureusement pour certaines entreprises cela signifiera peut-être la faillite », a-t-il conclu.
Pour approfondir le sujet
Planification et implantation du 1, 2, 3 et 4.0
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Le CNIMI offre une nouvelle formation aux manufacturiers
Comment réussir la transition vers l’industrie 4.0? CEFRIO