D’une soirée de poker jusqu’au meurtre en série, en passant par le fétichisme sexuel, le loisir déviant ne laisse personne indifférent. Présent depuis des millénaires, ce n’est que récemment que les chercheurs ont commencé à se pencher sur ce sujet. Martin Hébert, étudiant à la maîtrise en loisir, culture et tourisme à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), est un de ces pionniers désirant approfondir l’étude de ces loisirs qui peuvent déranger.
Pour commencer, il faut bien évidemment définir ce qu’est un loisir déviant. Il s’agit d’un loisir qui, par principe, viole des normes morales et parfois des normes criminelles. Il peut même aller jusqu’à choquer et déranger une partie de la population. C’est une facette qui est souvent oubliée ou délaissée, car certains professionnels en loisir évitent la possibilité de la déviance dans leur domaine.
Selon certains modèles issus de la littérature scientifique, ces activités sont divisées en trois dimensions distinctes : la tolérance, la criminalité et l’intensité, comme le démontre le prochain tableau :
Pour définir un loisir déviant tolérable, il faut répondre positivement à ces trois questions :
- Est-ce que le bien-être de la communauté est préservé ?
- Est-ce que l’échelle de menace est faible ?
- Est-ce que seul le déviant subit les conséquences et celles-ci ne sont pas si graves ?
Alors qu’à l’opposé, le loisir déviant intolérable doit répondre positivement à ces trois critères :
- Il existe un consensus sociétal qui dit que c’est mal ;
- Une menace de l’ordre public est possible ;
- Il est accompagné de fortes réactions envers la communauté.
Il est important de noter qu’un loisir déviant intolérable et légitime est considéré comme une zone grise par les experts, car ce ne sont pas tous les chercheurs qui le considèrent comme réellement existant. Fait intéressant, le déviant ne se voit pas lui-même comme étant déviant. « Il aime les bas de nylon, les poupées gonflables ou faire l’amour à une femme qui fume. Ça dérange qui ? C’est exactement comme quelqu’un qui aime la mayonnaise sur sa pizza. Pour lui, rien de mal à ça, c’est tout à fait normal ! », mentionne l’étudiant à la maîtrise.
Un champ de recherche peu exploré
Pour Martin, la recherche sur cette facette des loisirs est extrêmement motivante. Il est poussé par une soif d’apprentissage et de compréhension du phénomène. Malgré la vingtaine d’années entre la fin de son baccalauréat et le début de sa maîtrise, Martin a toujours gardé le sujet en tête : « Je me suis toujours dit qu’il n’y a pas que du bon dans le loisir. »
Il a travaillé longtemps dans le milieu scolaire en gardant cette idée et, après plusieurs années, en recherche de défis, le récréologue s’est lancé à la maîtrise avec comme projet d’essai le loisir déviant. Denis Auger, professeur au Département d’études en loisir, culture et tourisme, a accepté de le superviser dans ce récent champ de recherche en lui disant qu’il deviendra le spécialiste dans le domaine, car peu de professionnels se sont penchés sur cet aspect du loisir. « Pour donner un exemple très simple, le terme meurtre en série n’existait pas avant les années 1970 au Québec ! », affirme Martin.
Loisir déviant et pandémie
Lorsqu’il a été question de la pandémie, M. Hébert ne pouvait qu’apporter ses propres théories en rapport avec le loisir déviant. En effet, puisque c’est une thématique de recherche relativement nouvelle et que la pandémie est une première pour tous, peu d’études étaient disponibles. Par contre, il a tendance à dire que la pratique de loisir déviant a augmenté avec le confinement, même si aucune recherche n’a été conduite encore. En se fiant au proverbe « L’oisiveté, mère de tous les vices », la quarantaine imposée a donc augmenté notre consommation d’internet, créé une absence de contact humain, a donné plus de temps seul à penser ; tous des facteurs influençant la création de déviance dans les activités de loisir.
Un sujet tabou ?
Même s’il s’agit d’un thème qui peut déranger, l’étudiant s’est lancé dans cette recherche afin d’informer et non de perturber les gens. Cependant, jamais il ne s’est senti jugé par son choix d’étude, et a même été agréablement surpris : « J’ai ressenti beaucoup d’encouragement de la part des personnes impliquées en loisir, et beaucoup de questionnement de la population générale, car même si c’est choquant, c’est un sujet très théorique avec beaucoup de facettes. »
Par ailleurs, ce qui a été le plus apprécié par Martin lors de sa maîtrise, c’est l’ouverture des chercheurs à partager leurs résultats, et ce, à travers le monde. Que ce soit une criminaliste en Californie ou un spécialiste du loisir en Australie, un simple courriel et ces experts sont prêts à faire avancer la recherche. « Ils sont devenus mes nouvelles rockstars ! », blague-t-il entre deux questions.
Martin indique qu’il serait intéressé à poursuivre ses études au 3e cycle, en approfondissant la catégorie du loisir déviant intolérable et légitime, et même pousser plus loin en utilisant une autre sous-catégorie d’intensité, soit celle du loisir par projet.
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// LE LOISIR DÉVIANT??Un loisir qui viole des normes morales et parfois criminelles. Un champ de recherche peu exploré…
Posted by UQTR – Université du Québec à Trois-Rivières on Tuesday, August 18, 2020