Les piles à combustible permettent de produire de l’énergie propre à partir de carburants comme l’hydrogène. Mais parmi les matériaux composant ces piles se trouve du carbone issu d’une source coûteuse et polluante : le pétrole. Serait-il possible d’utiliser plutôt du carbone d’origine verte, tout en améliorant la performance des piles à combustible? C’est le projet qu’entend réaliser la professeure Samaneh Shahgaldi de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). La chercheuse a obtenu une Chaire de recherche du Canada dont les travaux seront consacrés au développement de nanofibres de carbone à partir de la lignine – un sous-produit de l’industrie des pâtes et papiers – pour en arriver à la mise au point de piles à combustible plus durables, abordables et respectueuses de l’environnement.
« La lignine est une composante des végétaux à partir de laquelle sont déjà produites des nanofibres de carbone. Mais ce qui fait l’originalité de notre programme de recherche, c’est que nous voulons modifier ces nanofibres pour qu’elles puissent être utilisées dans les piles à combustible et qu’elles en accroissent l’efficacité. Les matériaux de carbone à base de lignine démontrent un potentiel élevé pour remplacer le carbone conventionnel. De plus, la lignine constitue une source de carbone renouvelable, accessible et peu coûteuse. Elle permet aussi d’utiliser des processus de fabrication entièrement verts, sans émanations nuisibles », d’expliquer la professeure Shahgaldi, dont les travaux seront financés à hauteur de 600 000 $ (répartis sur cinq ans) par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada.
Après trois décennies de recherches menées par les scientifiques, les piles à combustible ont atteint le stade précoce de la commercialisation. Mais des défis persistent pour en diminuer les coûts de production et en améliorer la durabilité et la performance. « Notre nouvelle chaire trouve donc ici toute sa pertinence, ajoute la chercheuse. De plus, les piles à combustible peuvent être très utiles dans un secteur comme celui des transports, particulièrement polluant. En développant de meilleures piles grâce à la lignine, nous pourrons utiliser davantage l’hydrogène comme carburant de transport et mieux protéger l’environnement. »
Des avantages pour l’industrie
Samaneh Shahgaldi obtiendra la matière première nécessaire à ses recherches – la lignine – auprès de papetières québécoises. Ces dernières profiteront grandement des avancées de la Chaire de recherche du Canada (CRC) sur les piles à combustible à base de lignine, puisqu’elles y trouveront un débouché intéressant pour leurs résidus industriels.
L’équipe de la professeure Shahgaldi mènera également ses travaux en collaboration avec des entreprises liées aux piles à combustible, ce qui permettra d’arrimer la recherche aux exigences du marché. Les fibres de carbone présentant un large éventail d’applications, les résultats obtenus par la Chaire seront aussi utiles à d’autres industries comme celles de l’aérospatiale, de l’automobile ou des équipements sportifs.
Former une main-d’œuvre qualifiée
La nouvelle Chaire de recherche du Canada octroyée à l’UQTR permettra la formation de nombreux étudiants dans des domaines allant de la chimie aux nanomatériaux, en passant par l’ingénierie. En travaillant en lien avec l’industrie, notamment pour des tests de validation, ces étudiants acquerront également une expérience pratique précieuse.
« Avec le lancement récent de la Stratégie canadienne de l’hydrogène, nous anticipons des développements rapides dans ce secteur d’ici quelques années, de même que dans celui des piles à combustible, constate Samaneh Shahgaldi. Les besoins en main-d’œuvre spécialisée iront grandissants dans ces industries. Il nous faut donc former dès maintenant des étudiants pour répondre à cette demande et notre Chaire de recherche du Canada y contribuera d’importante façon. »
Allier les disciplines pour ouvrir de nouvelles voies
En raison de la nature de ses travaux, la CRC sur les piles à combustible à base de lignine fera partie intégrante de l’Institut d’innovations en écomatériaux, écoproduits et écoénergies (I2E3) à base de biomasse de l’UQTR. Elle participera également aux activités de l’Institut de recherche sur l’hydrogène (IRH) de l’UQTR. « Le caractère multidisciplinaire de nos recherches servira de trait d’union entre ces deux instituts », précise la chercheuse.
« Nous félicitons chaleureusement la professeure Shahgaldi pour l’obtention de cette prestigieuse Chaire de recherche du Canada, de commenter Christian Blanchette, recteur de l’UQTR. Cet octroi s’inscrit parfaitement dans l’une des orientations de recherche privilégiées par notre établissement, soit celle liée à l’environnement et à la transition énergétique. Cette nouvelle chaire favorisera aussi la collaboration entre des chercheurs de disciplines variées, une autre priorité de notre université. Elle contribuera à affermir la position de l’UQTR jusque sur la scène internationale dans les domaines des produits à base de biomasse et des énergies vertes. Elle permettra également un transfert technologique extrêmement profitable vers l’industrie, tout en fournissant à cette dernière une main-d’œuvre de grande qualité. De façon encore plus globale, les travaux réalisés par l’équipe de la professeure Shahgaldi seront bénéfiques à l’ensemble de notre planète, en offrant des solutions concrètes au réchauffement climatique et à la dégradation de notre environnement. »
Une chercheuse d’exception
Originaire d’Iran, Samaneh Shahgaldi est titulaire d’un doctorat en génie chimique obtenu à l’Institut des piles à combustible de l’Université nationale de Malaisie. Elle cumule une dizaine d’années d’expérience en recherche sur les catalyseurs et les nanomatériaux, particulièrement dans les domaines du stockage de l’hydrogène et des piles à combustible.
Dotée d’une expertise interdisciplinaire unique, elle a déjà apporté des contributions fondamentales aux secteurs du génie chimique et du génie mécanique, particulièrement pour l’utilisation des matériaux lignocellulosiques dans les piles à combustible. Participant au développement des nouvelles générations de piles à combustible, plus robustes et performantes, elle a produit de nombreuses publications scientifiques. Elle a également développé des partenariats féconds avec d’autres chercheurs et l’industrie.
Embauchée récemment à titre de professeure au Département de chimie, biochimie et physique de l’UQTR, Samaneh Shahgaldi a œuvré auparavant au Centre de recherche sur l’énergie de l’Université de Waterloo (Ontario) ainsi qu’au sein de l’entreprise Hydrogenics. Elle a aussi réalisé un stage postdoctoral à l’Institut de recherche sur l’hydrogène de l’UQTR, au cours duquel elle a obtenu à deux reprises un prix Hydro-Québec pour la qualité de ses travaux.