À l’automne 2020, l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) entreprenait la construction d’un nouveau pavillon à son campus de Drummondville. Les travaux en cours pour ériger ce second bâtiment, qui abritera le Centre national intégré du manufacturier intelligent (CNIMI), vont bon train. C’est donc dire que chaque jour qui passe, le chantier se rapproche un peu plus du lieu trépidant imaginé par son créateur, l’architecte Maxime Pion, concepteur principal et associé directeur de la firme NFOE architecture.
Lorsque son équipe a remporté l’offre de service lancée par l’Université, M. Pion a commencé à plancher sur les concepts du projet. En étant attentif au lieu, au programme et à la vision du CNIMI, l’architecte a finalement proposé un milieu inspirant, capable d’accueillir à la fois des étudiants, des chercheurs et des industriels. Il espère ainsi fournir à tout ce beau monde un environnement qui les poussera à créer un meilleur avenir pour le domaine du manufacturier.
« Dès le début du projet, c’était clair pour moi que le pavillon devait avoir un caractère spécial. Le CNIMI évolue dans une sphère très technique, dans laquelle on apprivoise la haute technologie. Or, dans l’univers cinématographique notamment, on associe souvent l’intelligence artificielle à une conception pessimiste du futur. Je voulais donc m’éloigner de ce genre de cadre de référence, et proposer une vision plus lumineuse et plus verte », indique-t-il.
Le concept développé par M. Pion est par ailleurs très axé sur le blanc contrasté de noir. L’intérieur sera couvert de surfaces blanches, mais pour les fenêtres et le mur-rideau, l’architecte a priorisé le noir pour éviter un contraste marqué avec la forêt qui entoure le pavillon.
« Après de nombreuses explorations sur la façon de matérialiser l’enveloppe d’un bâtiment de recherche dans une forêt, on a proposé à l’équipe de travailler l’extérieur avec un revêtement d’aluminium poli miroir. Ce matériau s’apparente au fini du chrome, mais la réflexion qu’il offre est un peu plus trouble. Bien que l’aluminium poli soit habituellement utilisé pour attirer les regards, on l’a plutôt utilisé pour faire le contraire, et faire disparaître le bâtiment dans la forêt. On aimait l’idée de refléter les arbres, et de contribuer à renforcer visuellement la densité du boisé qu’on allait inévitablement affaiblir par la construction du bâtiment », explique-t-il.
« Quant à l’intérieur du bâtiment, il a été conçu pour montrer l’extérieur le plus possible. En plus des fenêtres qui donnent sur la forêt, la façade au complet est transparente. Quand on réussit à faire entrer le paysage, le reste devient sobre parce que c’est la vue qui fait la différence. Pour compléter le projet, on a semé des éléments de bois un peu partout, que ce soit l’arche du vestibule d’entrée, ou les volumes flottants dans la double hauteur comme l’espace des techniciens, ou encore le hub créativité. Même si c’est un bâtiment scientifique, le bois offre aux gens une matérialité plus chaleureuse, un contact avec de vraies matières », complète M. Pion.
En raison de la nature du projet, le bâtiment élaboré par M. Pion a une forme carrée. L’architecte souligne que cette configuration est plus efficace en termes de superficie et de coûts. Elle a cependant le défaut d’amener peu de lumière en son centre. Pour remédier à cette situation, il a eu recours à une grande percée d’une façade à l’autre, qui fait pénétrer la lumière au cœur du pavillon, là où se trouvent la cafétéria et l’atelier de fabrication. Une décision judicieuse, qui n’est pas passée inaperçue.
« J’ai récemment fait la visite du chantier pour voir comment les travaux progressaient. Quand je suis monté pour voir l’espace en surplomb, j’ai pu constater à quel point la disposition des lieux donne de la hauteur à l’intérieur du bâtiment. Et comme tout donne sur l’extérieur, la beauté du paysage instaure une ambiance agréable, qui rehausse l’attrait du bâtiment », témoigne Gerry Gagnon, directeur du CNIMI.
Faire vivre le campus
L’implantation d’un second pavillon sur la propriété drummondvilloise de l’UQTR vient changer la dynamique du site en général. S’il est d’avis que les nouveaux rapports spatiaux renforcent la notion de « campus », l’architecte dit avoir travaillé à créer un espace public pour permettre à l’endroit de s’animer.
« Il y a une nouvelle relation qui s’établit avec le bâtiment existant quand on ajoute un deuxième bâtiment. Cela influence la façon dont la vie se déroule dans cet espace. Je devais donc m’assurer qu’une atmosphère de campus puisse se développer, car c’est comme ça que les universités prennent vie. J’ai eu l’idée de faire un geste en pliage dans la façade, à l’endroit où il y a l’entrée. Ce petit angle, qui évoque des bras ouverts, permet de dégager une place publique complètement dépourvue de végétaux. En opposition avec son environnement immédiat, cette place offre des surfaces dures et du mobilier pour permettre aux gens de s’approprier le lieu », remarque M. Pion.
Un autre défi rencontré par l’architecte était de développer un concept axé sur la technologie de pointe, mais qui pouvait s’insérer dans un contexte forestier.
« C’est possible de faire un projet de haute technologie tout en étant sensible à son environnement. Il y a quelque chose de vraiment inspirant à prendre un bâtiment qui parle du futur, et à le mettre en synergie avec la nature. On n’est pas obligé de faire de la science dans un sous-sol, entre quatre murs blancs ! Les ateliers de fabrication vont bénéficier d’un contact exceptionnel avec l’extérieur, ce qui permettra aux gens d’établir un rapport à la fois avec la science et avec la forêt. Ils pourront concevoir de la robotique, tout en observant le mouvement des branches et le changement de couleur des feuilles. Ils pourront aussi sentir la lumière naturelle changer au fil de la journée », affirme M. Pion.
Savoir inspirer
Grâce à l’apport de M. Pion et de son associée Geneviève Marsan, architecte et directrice du projet, le CNIMI deviendra au cours des prochains mois un lieu concret, où l’on pourra se rendre en personne. Attentif aux détails, l’architecte tenait à ce que le patrimoine bâti incarne l’ADN de l’organisation.
« J’essaie de proposer quelque chose qui est plus qu’un bâtiment utilitaire ; je veux créer un lieu qui participe à une dynamique de recherche et d’innovation. Tout le monde peut monter des murs, mais le projet devient beaucoup plus intéressant quand on comprend l’esprit dans lequel il a émergé et qu’on le développe autour d’un schéma qui porte une vision », lance-t-il.
« Maxime aurait pu considérer le nouveau pavillon comme un projet purement technique, mais il a su y intégrer une dimension inspirante. Et comme nous sommes un établissement d’enseignement supérieur, c’est important pour nous d’inspirer autant nos étudiants que leurs professeurs, pour les amener à promouvoir et développer une pensée innovante », renchérit M. Gagnon.
Somme toute, la compréhension de l’autre semble faire partie intégrante de la philosophie de l’architecte. Il note en effet qu’une approche de conception collaborative avec le client est essentielle, et que par la richesse de cet échange, il est plus en mesure de lui offrir un projet stimulant et adapté.
« Je pense que l’architecture, c’est pour tout le monde. Que je construise des écoles, des bureaux ou des manufactures, j’ai une responsabilité envers les gens qui vont habiter ces lieux. Je dois leur donner un maximum de chances de profiter d’une qualité de vie, et de mobiliser leur créativité. À cet égard, le projet du CNIMI recelait une foule d’opportunités. Il engendre un contexte où plusieurs cultures se rencontrent, alors il lui fallait un lieu qui favorise le développement de nouvelles idées », croit M. Pion.
« Dans ma conception des choses, le bâtiment est là pour magnifier le potentiel du CNIMI. Il fallait donc un projet qui puisse fédérer à la fois l’UQTR, le Cégep de Drummondville et l’entreprise privée. L’architecture vient en quelque sorte concrétiser la vision que nous avons de notre centre. Bien que le pavillon soit né de la main de Maxime, sa signature est en phase avec notre identité, et nous avons hâte de nous approprier ce lieu, qu’il a conçu spécialement pour nous », conclut M. Gagnon.