Malgré plusieurs initiatives gouvernementales, l’entrepreneuriat scientifique peine à prendre son envol et à s’établir de façon durable, tant au Québec qu’en Tunisie. Pourtant, le fait de lancer sur le marché une innovation issue de la recherche publique est un puissant outil de développement, qui en plus favorise la diversité économique. Professeur au Département de management de l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Étienne St-Jean a donc mis sur pied un projet de recherches entre les deux territoires afin de dresser un portrait de l’entrepreneuriat scientifique, et comprendre les particularités et les défis qui touchent ce secteur.
Le groupe de chercheurs qu’il dirige s’est ainsi vu octroyer un financement de 375 000 $ par les Fonds de recherche du Québec (FRQ) et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS) de la Tunisie afin de mener un projet collaboratif entre les deux territoires. Cet octroi fait suite à la signature d’un accord-cadre de coopération conclu lors du 18e Sommet de la Francophonie à Djerba, en Tunisie, il y a moins d’un an. Composé de huit chercheurs québécois et tunisiens, ce projet échelonné sur une période de trois ans sera ponctué de séjours de part et d’autre. L’objectif est bien sûr de mousser ce secteur afin d’aider les entreprises à démarrer, mais également à demeurer prospères dans un écosystème hautement compétitif.
Une équipe forte
Les chercheurs mobilisés possèdent des liens très forts entre eux. Les membres du groupe québécois ont déjà collaboré au sein de l’INRPME, tandis que l’équipe tunisienne gravite autour du LARIME de l’Université de Tunis. De plus, des contacts existaient déjà entre certains chercheurs des deux pays. Deux chercheuses du Québec sont originaires de la Tunisie, et la chercheuse principale de l’Université de Tunis connaît très bien le Québec, puisqu’elle a réalisé sa thèse à l’Université Laval.
« Nous avons la chance d’avoir un groupe pluridisciplinaire avec des expertises et des méthodes variées qui permettront de mobiliser les connaissances efficacement », explique Étienne St-Jean.
Les avantages d’une collaboration internationale
Procéder à une analyse entre ces deux territoires aussi éloignés sera bénéfique au plan théorique, selon le chercheur.
« Comparer le Québec et la Tunisie nous permettra d’avoir un regard croisé, susceptible d’enrichir nos perspectives mutuelles », explique le professeur St-Jean.
Structurée autour de six projets, cette étude documentera les initiatives d’entrepreneuriat scientifiques avec des retombées significatives, en plus de comparer le soutien institutionnel de ces deux sociétés à l’égard du secteur. Le but est d’identifier les approches les plus efficaces pour favoriser l’essor de l’entrepreneuriat scientifique, et de partager des histoires à succès. À cet égard, autant les différences que les similarités d’un territoire à l’autre permettent de tirer des conclusions importantes pour l’avancement des connaissances.
L’entrepreneuriat scientifique
Ce n’est pas la première fois que le professeur St-Jean se penche sur ce phénomène. En compagnie de Sophie Veilleux, professeure titulaire de l’Université Laval, qui participe également au projet collaboratif avec la Tunisie, il a produit tout récemment une étude mandatée par la firme Axelys qui dresse un portrait de l’entrepreneuriat scientifique au Québec. L’étude comparative avec la Tunisie constitue le prolongement de ce travail. Le gouvernement, de son côté, souhaite doubler le nombre d’entreprises scientifiques d’ici les cinq prochaines années en stimulant ce secteur. Celui-ci constitue un débouché plus qu’intéressant à de nombreux projets scientifiques qui se font entre les murs des universités, malgré les défis de rentabilité et de durée que cela comporte, selon le chercheur. Il demeure toutefois convaincu que l’entrepreneuriat scientifique mérite toute notre attention. D’autant plus que la mise en application des résultats de ces études pourrait mener à des collaborations avec des partenaires industriels et, qui sait, à une éventuelle commercialisation de produits. Que ce soit dans le domaine des sciences de la vie et de la santé, de la nutrition et des aliments fonctionnels, de l’ingénierie, ou encore de l’agriculture et de la foresterie, les connaissances scientifiques peuvent mener à la création d’une entreprise.
« Mettre sur le marché une innovation scientifique ou technologique peut devenir un projet de carrière qui change la vie d’un chercheur, mais ça peut aussi rendre de précieux services à la société et répondre aux enjeux auxquels nous faisons face aujourd’hui », conclut le professeur St-Jean.