Dans le présent contexte climatique marqué par d’importants changements dans les écosystèmes à l’échelle globale, l’Arctique est un des endroits où le réchauffement se produit le plus rapidement. Le réchauffement de l’Arctique n’est pas inconnu du grand public, alors qu’on aperçoit souvent les images chocs de la faune polaire en péril. Un changement qui passe cependant sous le radar de la population générale est le phénomène de l’expansion arbustive, ou shrubification en anglais, vers le nord.
Cet article – Courant d’idées – est rédigé par Vincent Houde, étudiant à la maîtrise en sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Grâce à la télédétection et les observations effectuées sur le terrain, on constate que les arbustes gagnent en taille ainsi qu’en latitude. Certains se demandent peut-être pour quelle raison l’augmentation de la quantité d’arbustes en Arctique est problématique ; pourquoi donc plus de végétation serait néfaste ?
L’augmentation de la végétation dans les écosystèmes est souvent vue comme étant positive par le grand public – un écosystème luxuriant est perçu comme en santé. L’expansion des arbustes dans l’Arctique peut cependant causer certains problèmes. Dans les régions arctiques où les précipitations solides sont faibles, les arbustes peuvent emprisonner la neige qui serait autrement dispersée par les vents, augmentant donc l’épaisseur du couvert neigeux. La neige, ayant une importante capacité d’isolation, protège le sol des températures froides en surface, ce qui signifie toutefois une température du sol plus élevée sous un milieu arbustif lors de la période hivernale.
Cette différence de température nous emmène donc vers la problématique principale liée à l’expansion arbustive : le dégel du pergélisol.
Le pergélisol, ce sol qui reste gelé à l’année, est rempli de gaz à effet de serre. Ces gaz restent emprisonnés tant que le pergélisol ne se dégrade pas et reste gelé. Les températures plus élevées en période hivernale sous les arbustes peuvent causer la dégradation du pergélisol, et donc le relâchement de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, pour ainsi provoquer une boucle de rétroaction positive, c’est-à-dire que plus l’Arctique se réchauffe, plus il y a d’arbustes, plus il y a de neige dans les zones arbustives, plus la température du sol se réchauffe en période hivernale, plus il y a d’activité microbienne, donc plus de nutriments disponibles pour la croissance d’arbustes et plus de gaz à effet de serre sont relâchés dans l’atmosphère ; ce qui nous ramène au début de la boucle, alors que les gaz à effet de serre provoquent un réchauffement du climat.
L’expansion arbustive peut sembler bénigne, mais pourrait potentiellement renforcer le réchauffement du climat dans l’Arctique, ce qui est une problématique importante. L’Arctique canadien deviendra une région d’enjeux de plus en plus importants d’ici la fin du siècle sur le plan économique, scientifique et socioculturel, et les changements climatiques affecteront toutes ces sphères.