La statistique est alarmante : la violence sexuelle chez les jeunes affecte aujourd’hui en moyenne 18 % des filles et 7 % des garçons au Canada, et ce, malgré les sommes investies dans la prévention et l’éducation. « Il nous manque des données pour avoir un portrait encore plus complet du phénomène, tant chez les adolescents et jeunes adultes que chez certaines populations plus vulnérables comme les enfants autochtones ou présentant un handicap », affirme Jacinthe Dion, professeure au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et titulaire de la nouvelle Chaire de recherche du Canada sur la violence sexuelle chez les jeunes vulnérables, surnommée Aquarelle.
Financée à hauteur de 1,4 M$ à raison de 200 000 $ par année sur 7 ans, la Chaire de recherche du Canada attribuée à la professeure Dion vise à mieux comprendre les facteurs et répercussions associés à la violence sexuelle (VS), ainsi qu’à développer et évaluer de nouveaux programmes de prévention ciblés pour les jeunes et leurs parents plus vulnérables. Une attention particulière sera portée aux jeunes en situation de handicap, aux peuples autochtones et à la transition de vie, un moment charnière chez les adolescents et les adultes émergents.
Aquarelle
Jacinthe Dion, qui est membre du Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille (CEIDEF) de l’UQTR, explique que le nom Aquarelle donné à la Chaire de recherche du Canada sur la violence sexuelle chez les jeunes vulnérables représente la palette de couleurs variées de la jeunesse : « Chaque coup de pinceau dans une aquarelle apporte une nuance unique, tout comme chaque expérience positive ou négative dans la jeunesse ajoute une profondeur et une complexité à l’histoire de chaque individu. Le terme Aquarelle sera utilisé pour parler de la Chaire de recherche du Canada afin d’apporter un peu de douceur et d’espoir sur un sujet délicat, et de montrer que nos travaux s’orientent vers un processus de résilience et de guérison. »
La violence sexuelle
Définie comme tout acte sexuel non désiré et inapproprié perpétré contre un mineur par un membre de la famille (intrafamilial) ou en dehors de la famille (extrafamilial), la VS entrave les parcours développementaux des jeunes et génère des répercussions à long terme qui affectent l’adaptation ainsi que le fonctionnement social à l’âge adulte.
« Le programme novateur d’Aquarelle adopte une perspective interdisciplinaire mettant l’accent sur les questions d’équité, de diversité et d’inclusion en s’intéressant aux populations marginalisées et minorisées, de l’enfance jusqu’à la transition à l’âge adulte », explique la titulaire qui possède une expertise reconnue internationalement dans le domaine.
À travers ses travaux, la chercheuse adopte une perspective qui considère les influences des événements adverses sur le développement à long terme. « La violence sexuelle est associée à une importante détresse psychologique, à des difficultés émotionnelles et à des problèmes accrus de dépendances. Le stress toxique causé par les événements de vie adverses pendant l’enfance – incluant la VS et autres formes de maltraitance – influence les trajectoires de développement, entraînant des réactions et des comportements inadaptés pouvant persister tout au long de la vie. Ces répercussions sont aussi influencées par l’interaction complexe de différents facteurs individuels, familiaux, communautaires et sociétaux dans l’environnement de l’enfant », ajoute Jacinthe Dion.
Des populations vulnérables
Plus spécifiquement, la chercheuse de l’UQTR et son équipe souhaitent mieux comprendre la VS parmi les jeunes plus vulnérables, notamment afin d’établir pourquoi et comment ils sont plus à risque.
Les enfants en situation de handicap présentent un risque élevé de subir de la violence sexuelle ; ils sont entre 2 et 3 fois plus à risque en comparaison de leurs pairs sans incapacités. « Ce sont souvent des personnes en figure d’autorité qui profitent de la situation. Ces enfants doivent rencontrer plusieurs intervenants à travers leur parcours, et certains peuvent profiter de leur autorité pour perpétrer des abus de diverses natures. De plus, ils ont souvent des difficultés à communiquer, ce qui les rend davantage vulnérables », soutient la professeure Dion.
Autre population à risque, les autochtones subiraient presque trois fois plus la VS que les allochtones. Jacinthe Dion précise : « Nos travaux ont révélé que 25 % à 50 % des Autochtones auraient été victimes de violence sexuelle avant l’âge de 18 ans. Il est primordial, dans le cadre d’interventions ciblant les milieux autochtones, de comprendre les difficultés vécues par ces communautés en lien avec les nombreux traumatismes subis au cours de leur histoire afin d’adapter les interventions et la guérison à leur contexte culturel et ancestral. »
Enfin, les adolescents et les jeunes adultes (14-21 ans) sont particulièrement vulnérables aux effets de la VS puisqu’ils doivent franchir plusieurs étapes charnières, incluant l’établissement des premières relations amoureuses et le développement de la sexualité. Les enjeux qui découlent de la VS durant cette période développementale critique sont moins étudiés à ce jour.
Améliorer la prévention et l’intervention
Mieux comprendre les enjeux de la VS chez les populations de jeunes plus vulnérables contribuera à cerner les facteurs de protection pouvant en atténuer les répercussions à moyen et long termes. Les recherches menées par la professeure Dion permettront de développer et évaluer des programmes novateurs de prévention ciblés pour les jeunes et leurs parents plus vulnérables, tout en considérant les défis en matière d’inclusion et de diversité auxquels sont confrontées les familles de ces victimes.
« Au-delà de proposer des améliorations aux programmes de prévention et d’intervention existants ainsi qu’en lien avec l’éducation à la sexualité, nous voulons investiguer de nouvelles façons d’intervenir en travaillant sur la guérison et la résilience. Par exemple, mettre l’accent sur un traitement axé sur le trauma, l’éducation psychologique sur les symptômes, le rétablissement, le sentiment de culpabilité et le bien-être sexuel. Nous voulons aussi explorer différentes avenues thérapeutiques adaptées à chaque personne, par exemple à travers le sport ou l’art », avance Jacinthe Dion.
Les travaux de Jacinthe Dion et son équipe seront réalisés en partenariat avec les milieux de pratique et les communautés. Les résultats obtenus offriront aux intervenants et aux décideurs de nouveaux outils pour mieux soutenir les jeunes vulnérables.
Renseignements et coordination d’entrevues
Jean-François Hinse – Conseiller en communication
Responsable des relations avec les médias
Service des communications et des relations avec les diplômés – UQTR
Cell. : 819 244-4119
Courriel : jean-francois.hinse@uqtr.ca