Le personnel non soignant œuvrant dans les hôpitaux est appelé à utiliser différentes machines, qu’il s’agisse d’outils servant à la maintenance des bâtiments, de trancheurs à viande dans les cuisines ou de sécheuses industrielles dans les buanderies. Mais les mesures de sécurité entourant l’usage de ces machines sont-elles adéquates? Une étude exploratoire auprès d’hôpitaux du Québec, menée à l’École d’ingénierie de l’UQTR, révèle que ces mesures laisseraient à désirer et que les pratiques de gestion des risques pourraient être bonifiées.
Cette étude, dont les résultats ont été publiés récemment dans le journal Safety Science, a été réalisée par Jean-Claude Tremblay, pour son projet de maîtrise en génie industriel (concentration en sécurité et hygiène industrielles). M. Tremblay – aujourd’hui diplômé – a mené ses travaux sous la direction du professeur en génie industriel François Gauthier.
« Dans le secteur manufacturier, les pratiques de gestion des risques liés à l’utilisation des machines sont bien implantées et documentées, explique le professeur Gauthier. Du côté du secteur hospitalier, les études existantes s’intéressent surtout aux risques encourus par le personnel soignant. Cependant, peu de recherches ont été effectuées sur la sécurité des machines utilisées par le personnel non soignant, d’où l’intérêt de l’étude menée par Jean-Claude.»
Cueillette d’information
Sur les 25 hôpitaux québécois sollicités pour participer à cette étude exploratoire, 5 établissements ont ouvert leurs portes à Jean-Claude Tremblay. Ce dernier a pu ainsi rencontrer des responsables en santé et sécurité du travail ainsi que des gestionnaires et employés œuvrant dans des secteurs où sont utilisées différentes machines. Il a recueilli les commentaires de ces personnes sur la gestion des risques liés à l’usage de ces machines, à l’aide de questionnaires spécifiques et d’opinion qu’il a lui-même rédigés.
Le chercheur a aussi effectué des visites d’observation dans les hôpitaux participants, répertoriant les machines en place et prenant des photographies des lieux. Il a également fait la cueillette de la documentation disponible dans chaque établissement, au sujet de la santé et la sécurité des travailleurs.
Secteurs où le personnel non soignant est exposé aux dangers liés aux machines
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Présence de risques
« J’ai pu constater que les risques liés aux machines sont bien réels dans le secteur étudié, et que les mesures de sécurité des machines sont souvent déficientes. Pendant mes visites, j’ai observé plus d’une centaine de situations potentiellement dangereuses ou non conformes concernant les machines utilisées par le personnel non soignant », rapporte le diplômé.
Parmi ces situations dangereuses, mentionnons un trancheur à légumes sans protecteur pour les mains, une courroie de moteur de pompe non sécurisée, une meule sans protecteur pour les projectiles ou des compacteurs à déchets dont les parties mobiles ne sont pas protégées.
« Malgré les nombreux dangers existant sur leurs lieux de travail, les gestionnaires et employés ont déclaré qu’ils considéraient leur environnement comme sécuritaire. Les risques ne semblaient donc pas avoir été suffisamment évalués », commente Jean-Claude Tremblay.
Des pratiques à améliorer
L’étude a permis de constater qu’aucun hôpital participant ne possédait de procédure d’évaluation des risques liés aux machines utilisées par le personnel non soignant, ni de document spécifique sur les règles de sécurité. De plus, les établissements visités n’avaient pas de programme de cadenassage, c’est-à-dire un ensemble de mesures permettant d’éviter toute mise en marche accidentelle d’une machine, pendant des travaux.
« Les gestionnaires et employés rencontrés s’accordaient pour dire que ces pratiques de gestion des risques sont pertinentes, mais qu’elles sont mal connues et peu utilisées dans leur établissement. Nos résultats indiquent également que l’inspection des machines n’est pas une pratique commune dans le secteur hospitalier. Les travailleurs considèrent aussi qu’ils ne reçoivent pas suffisamment de formation au sujet de la sécurité des machines », souligne le chercheur.
Bien qu’exploratoire, l’étude réalisée par M. Tremblay montre l’importance d’améliorer les pratiques de gestion des risques liés aux machines dans le secteur hospitalier, ainsi que le besoin d’élaborer un plan d’action à ce sujet. Elle met aussi en lumière la nécessité d’informer davantage les travailleurs et de les impliquer dans l’instauration des mesures de sécurité.
Un diplômé persévérant
Cette étude une fois complétée, Jean-Claude Tremblay a obtenu son diplôme de maîtrise en génie industriel, spécialisée en sécurité et hygiène industrielles. Pour arriver à cet accomplissement, il a dû travailler avec ténacité et détermination, car il souffre de difficultés d’apprentissage.
« À la mi-parcours de ma maîtrise, j’ai été diagnostiqué d’un trouble du déficit de l’attention et d’une dyslexie-dysorthographie mixte. Ces handicaps perturbent ma lecture, ma mémoire à court terme et ma notion du temps. Heureusement, je sais maintenant que ces problèmes sont dus à des troubles d’apprentissage, et non à un manque d’intelligence! On m’a dit d’ailleurs qu’il est exceptionnel pour quelqu’un comme moi d’avoir pu me rendre aussi loin dans mon parcours étudiant », explique le diplômé. Ce dernier souhaite maintenant obtenir un emploi en santé et sécurité du travail, un secteur qui le passionne depuis longtemps.