Tant les jeunes adultes que les personnes plus âgées qui ont été adoptés sont préoccupés par la quête de leurs origines. Le fait d’avoir été adopté au Québec ou à l’international n’y change d’ailleurs rien ; ces personnes partagent le même désir de connaître les informations concernant leur famille biologique, et par le fait même, leurs antécédents médicaux. Elles ont aussi un autre point commun ; elles rencontrent fréquemment des difficultés et des tabous liés au fait qu’elles sont adoptées.
Le projet de recherche de la professeure en sciences infirmières à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et chercheuse au Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille (CEIDEF), Patricia Germain, vise à initier un rapprochement entre les différentes générations de personnes adoptées. Financé à hauteur de 100 000 $ par le Secrétariat général à la jeunesse, Dialogue adoption a pour objectif premier de construire des solidarités intergénérationnelles autour de divers enjeux individuels, familiaux et sociaux.
Le projet arrive à point puisque la Loi 113, entrée en vigueur au Québec en juin 2018, permet sous certaines conditions aux personnes adoptées de connaître l’identité de leurs parents biologiques. « Il s’agit là d’une belle avancée pour les gens à la recherche de leurs origines», explique la professeure Germain, qui a remporté le prix Promotion de la santé de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) dans le cadre de la 17e édition de la Soirée Florence, le 3 mai dernier. Elle poursuit : « Il faut également s’attendre à ce que cette loi ait des répercussions sur les diverses générations de personnes adoptées ; par exemple, cette démarche risque de raviver certaines souffrances chez ceux qui ont été confrontées à des situations particulièrement difficiles sur leur parcours. »
Le rapprochement intergénérationnel entre personnes adoptées vise justement à créer un pont afin que la génération plus âgée puisse partager ses expériences vécues, permettant du coup aux plus jeunes d’en tirer profit. Ceux-ci, en présentant leurs rêves, intérêts et projets identitaires bien actuels aux plus âgés, pourront ainsi contribuer à proposer de nouvelles avenues, voire à résoudre les blessures de leurs aînés.
Pour mener ce projet de recherche, Patricia Germain peut compter sur l’expertise de Carl Lacharité comme co-chercheur et sur celle de Marleen Baker à titre de coordonnatrice ; l’équipe est complétée par plusieurs étudiants qui œuvrent comme assistants de recherche.
Une recherche-action collaborative
Les participants aux quatre rencontres prévues pour le projet seront de deux générations bien distinctes ; les jeunes adultes seront âgés de 18 à 29 ans, alors que leurs aînés auront entre 50 et 65 ans. Le projet se tiendra dans trois villes du Québec : Montréal, Trois-Rivières et Québec. Dans chacune de ces villes, un groupe intergénérationnel d’une dizaine de personnes sera formé, avec un nombre paritaire de personnes de chaque génération.
La démarche proposée est inspirée de celle utilisée dans le cadre d’un projet mené en 2017 par des chercheurs du CEIDEF, en collaboration avec la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille (FQOCF), dans le cadre du projet Optique Familles. Elle s’appuie sur Photovoice, une méthode de recherche-action collaborative qui offre la possibilité à des groupes minoritaires d’exprimer leur expérience ou leurs besoins afin de sensibiliser d’autres groupes de leur société à leur réalité particulière.
Ainsi, chaque participant au projet devra photographier des instants de sa vie quotidienne et rédiger quelques mots pour accompagner les clichés. Ils seront ensuite invités à partager les résultats de leurs réalisations, puis à analyser des convergences qui se dégagent de leurs expériences individuelles. Enfin, ils verront à établir un plan de communication afin que le fruit de leur travail puisse être présenté au public. Cette dernière étape se traduira notamment par la mise sur pied d’expositions et par la publication d’un livre qui témoignera de leurs expériences personnelles et collectives, deux réalisations permettant non seulement la création d’une solidarité intergénérationnelle, mais également de sensibiliser certains publics au vécu des personnes adoptées.
Des retombées importantes
Les personnes adoptées qui participeront au projet pourront se forger un nouveau réseau de soutien intergénérationnel qui facilitera la compréhension des enjeux qui les touchent directement. D’ailleurs, un guide de préparation, d’organisation et d’animation de rencontres sera réalisé à l’issue de la démarche afin qu’elle puisse être reproduite à plus grande échelle.
Mais plus encore, le projet contribuera à développer les connaissances autour de la quête des origines des personnes adoptées au Québec, dont le contexte a considérablement changé depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle législation sur l’adoption. C’est là une excellente nouvelle, d’autant plus que les services gouvernementaux mis en place pour répondre aux demandes des personnes adoptées sont submergés…
Pour participer au projet
Si vous êtes une personne adoptée au Québec et que vous aimeriez faire partie du projet Dialogue adoption à titre de participant, vous pouvez joindre Marleen Baker, coordonnatrice du projet : Marleen.Baker@uqtr.ca ou 819 376-5011, poste 3507.