Et si les eaux usées d’une municipalité pouvaient aider à lutter contre le trafic des drogues illicites? C’est ce que pense Laurence Paradis-Tanguay, étudiante à la maîtrise en chimie à l’UQTR, dont la recherche sur la purification des eaux usées à l’aide de nanofibres électrofilées pourrait avoir des applications en criminalistique.
À la base, Laurence souhaite trouver une solution pour capter et retirer les composés pharmaceutiques qui se retrouvent dans les effluents municipaux et qui passent à travers le « filtre » de l’usine d’épuration. Il faut savoir que l’individu élimine une partie des produits pharmaceutiques consommés dans son urine ou ses selles; ces contaminants se retrouvent ensuite dans les effluents municipaux, « sans toutefois être complètement retirés par les méthodes traditionnelles utilisées par les stations d’épuration », précise la jeune chercheuse supervisée par les professeurs André Lajeunesse du Département de chimie, biochimie et physique, et Bruno Chabot du Département de génie chimique de l’UQTR. D’où l’intérêt de mettre au point un matériau adsorbant, qui prend la forme d’un filtre composé de nanofibres assemblées grâce au procédé d’électrofilage (voir encadré), en vue de retirer des effluents municipaux des composés pharmaceutiques comme l’ibuprofène, la carbamazépine et la venlafaxine.
Le même principe s’applique dans une approche criminalistique : les filtres électrofilés sont alors utilisés comme capteurs pour la détection de drogues illicites dans les eaux usées. De fait, le consommateur de stupéfiants laisse, à travers son urine et ses selles, des traces de drogues qui se retrouvent dans les eaux usées, sous leur forme initiale ou biotransformées par le corps humain en de nouvelles molécules appelées métabolites.
Capter ces traces dans les eaux usées grâce au filtre à base de nanofibres procurerait, par exemple, de l’information utile au profilage des stupéfiants. Laurence renchérit sur l’idée : « Dans une stratégie de lutte contre les laboratoires clandestins, nous pourrions placer des filtres à des endroits ciblés de la ville, dans les tuyaux d’eau non traitée, afin de retracer une activité illicite particulière reliée aux stupéfiants et, ainsi, faciliter pour les policiers l’obtention d’un mandat de perquisition. »
Explication du montage d’électrofilage
Le montage d’électrofilage utilisé par Laurence Paradis-Tanguay est composé d’une seringue, dans laquelle se trouve une solution issue du mélange de deux polymères : le chitosane, un composé présent dans la biomasse des crustacés choisi dans la perspective d’une chimie verte, qui ne s’électrofile toutefois pas seul; et le poly(oxyéthylène), un composé synthétique utilisé pour faciliter l’électrofilage. La seringue (solution) est chargée positivement, alors que le collecteur (métal) est chargé négativement. La solution de polymères est projetée sous la forme d’un jet très fin et, au passage à travers le collecteur, celle-ci façonne de fines fibres (nanofibres) grâce aux charges qui permettent de les fixer. Le filtre ainsi créé, qui agit comme un matériau adsorbant, est placé dans les effluents, et les composés pharmaceutiques ou traces de drogues viennent s’y fixer.