Depuis 1997, Suzanne Léveillée passe au peigne fin tous les dossiers d’homicides familiaux qui surviennent au Québec afin de mieux comprendre les causes et les contextes qui ont mené des individus à commettre l’irréparable auprès des membres de leur propre famille. Par ses recherches, elle espère trouver des informations qui permettront de mieux prévenir ces événements tragiques.
Si des termes comme homicide conjugal, filicide (homicide d’un ou de plusieurs de ses enfants), parricide (homicide de sa mère, son père ou les deux) ainsi que les images qui y sont rattachées donnent froid dans le dos, la chercheuse et professeure au Département de psychologie de l’UQTR insiste sur l’importance d’étudier les motivations qui pourraient pousser des individus à passer à l’acte. Rare spécialiste dans ce domaine au Québec, Mme Léveillée s’est d’ailleurs souvent fait demander ce qui l’avait menée à étudier ce sujet souvent associé à l’horreur et à la misère humaine, alors que les possibilités de spécialisation en psychologie sont si nombreuses et diversifiées.
« Dès mon début de carrière comme psychologue clinicienne et chercheuse, j’ai été témoin de beaucoup de souffrances et de détresse, autant chez les proches des victimes que chez les personnes violentes. Rapidement, j’ai voulu comprendre plutôt que juger. La violence intrafamiliale est difficile à prévenir car elle se passe dans l’intimité de la famille et souvent, les gens éprouvent des difficultés à en parler. Les stratégies de prévention doivent donc être diversifiées », explique Mme Léveillée.
La séparation comme élément déclencheur
Au cours des 20 dernières années, Mme Léveillée a constaté que la rupture amoureuse est souvent l’élément déclencheur d’épisodes de grande violence dans les couples et les familles. Des hommes, mais aussi des femmes, qui n’acceptent pas une séparation s’en prennent à leurs proches. Ainsi surviennent entre autres des cas de bébés secoués gravement, de conjoints ou d’enfants assassinés, et de suicides.
« On compte en moyenne 7 filicides au Québec tous les ans. À la surprise de plusieurs, c’est un problème qui touche presque autant les femmes que les hommes. La plus grande différence entre les hommes et les femmes dans des cas comme ceux-là, c’est que les hommes sont plus nombreux à s’enlever la vie après être passés à l’acte. La rupture amoureuse est, comme dans la plupart des crimes familiaux, l’élément déclencheur de cette violence surtout pour les hommes », précise la chercheuse.
Il n’y a pas que chez les gens connus pour leurs comportements violents que la rupture peut entraîner un cas de violence extrême. Parmi les cas étudiés par Mme Léveillée, des gestes graves, voire fatals, ont été commis par des hommes et des femmes qui n’avaient aucun antécédent connu.
« La rupture amène une perte de contrôle. Si la personne affectée par cette perte de contrôle montre déjà des signes de fragilité, il est possible qu’elle devienne violente verbalement, physiquement, sexuellement ou psychologiquement. Il n’y a pas de décès dans tous les cas, mais il y a certainement des victimes », ajoute Mme Léveillée.
Des ateliers pour hommes violents
Toujours dans le but de diminuer les risques de gestes violents par des hommes en situation de séparation, Mme Léveillée travaille actuellement en compagnie des organismes L’Accord Mauricie Inc. et le Centre d’aide pour hommes de Lanaudière (CAHo) afin de mettre sur pied des ateliers de sensibilisation et d’accompagnement. Ces ateliers permettront non seulement d’aider des hommes à gérer leurs émotions et à connaître l’éventail des ressources disponibles pour eux, mais ils permettront aussi à la chercheuse d’amasser des données importantes quant au profil des personnes violentes et aux situations dangereuses.
Une vingtaine d’individus participeront aux ateliers de Mme Léveillée. Le rapport final de ce projet sera publié en août 2019 et la chercheuse espère que les résultats permettront d’apporter des pistes de solution pour protéger les personnes à risque.