Non, lecteur, tu ne t’es pas trompé de rubrique, ni moi d’ailleurs. Nous allons traiter de la fidélité et de l’infidélité sous l’angle du marketing et du rapport, parfois réconfortant et parfois ambigu, que le consommateur entretient avec une entreprise.
Vous avez sans doute déjà remarqué ces offres « alléchantes » prônant la gratuité sur un service ou des produits. Les entreprises de télécommunication ou les câblodistributeurs sont assez forts pour utiliser ces outils du marketing (à portée temporelle limitée) : « Téléphone à 0$ avec le forfait Y», « 90$ par mois pendant 12 mois pour Internet illimité et forfait télé X », « Obtenez un rabais de 50$ en achetant en ligne », « Invitez un ami et recevez 50$ »[1].
C’est intéressant pour un nouveau client qui n’a jamais eu de téléphone cellulaire (en 2018, au Canada, on estimait que 86% des adultes possédaient un téléphone cellulaire et 76% un téléphone intelligent)[2] ou qui n’a pas le câble et qui souhaite changer de compagnie et devenir un « nouveau client ». Mais souvent, une fois l’offre promotionnelle passée, le client tombe dans l’oubli et les rabais disparaissent.
Pour certains clients, il s’agit d’un réveil douloureux qui se manifeste par un appel téléphonique au service à la clientèle – nous pourrons revenir dans une autre chronique sur l’accueil téléphonique qui nous est souvent réservé : « Votre appel est important pour nous, veuillez ne pas quitter pour conserver votre priorité » et les excuses lacrymales de certaines compagnies pour expliquer les longueurs d’attentes.
Si l’on menace ensuite d’abandonner le service, plusieurs situations se présentent :
- L’entreprise vous dit poliment « au revoir ».
- L’entreprise s’acharne à vous conserver comme client, en multipliant les relances téléphoniques et les lettres personnalisées pour vous rendre coupable d’avoir laissé tomber un si bon prestataire de services.
- L’entreprise vous oriente vers le moins connu « service de la rétention client », avec lequel vous pouvez tenter de négocier un rabais de quelques dollars par mois, bien entendu inférieur au rabais consenti aux nouveaux clients.
Premier constat : la fidélité ne semble pas vraiment payante
Certains se résignent; d’autres, comme moi, coupent le câble et s’en portent mieux intellectuellement, socialement, et financièrement. Une étude datée de décembre 2018, publiée par le Huffington Post, révélait que près de 18% des Canadiens n’avaient pas ou plus le câble; une proportion qui montait à près de 45% chez les moins de 30 ans[3].
Quant aux autres commerces, vous avez peut-être vos habitudes et magasinez dans ceux qui offrent de la valeur : un sourire, un emballeur sympathique, une caissière dynamique, des points de fidélité ou un privilège d’être membre (avec une belle carte en plastique en plus).
Avec près de dix cartes de fidélité en moyenne par Canadien, cela déforme les portefeuilles, mais surtout nous permet de nous questionner sur cette tendance. Les études publiées par le journal Les Affaires ou la revue Protégez-vous montrent que si vous êtes belles, buvez du café, aller au cinéma et faites l’épicerie, alors vous êtes fidèles. En clair, les programmes de Starbucks, Séphora, PC ou Métro sont rentables[4].
Par contre, pour d’autres programmes, il faut dépenser 25 000 $ pour recevoir (se faire) un cadeau de… 100$[5].
Et boire du vin, me direz-vous, est-ce que cela nous donne des avantages ? Sur le plan cardiovasculaire, ce n’est pas mal. Sur le plan social, in vino veritas ! Et sur le plan marketing, cela s’améliore, à condition de consommer avec modération.
Deuxième constat donc : la fidélité n’est pas toujours payante
Doit-on alors rester fidèles ? Si vous voulez recevoir des offres exclusives à votre nom et qui vous procurent une joie incommensurable lorsque vous ouvrez les messages, oui.
Mais dites-vous que cela vous incite aussi à retourner plus souvent magasiner, consommer davantage, dépenser plus et utiliser une autre carte en plastique, plus difficile à abandonner.
Dans le cas contraire, je vous laisse méditer cette pensée de Charles Baudelaire : « La fidélité est un vice de pauvre. »
Références
[1] Ces slogans promotionnels sont inspirés d’offres émanant des entreprises de télécommunication et des câblodistributeurs.
[2] Voir les détails dans cette étude : https://www.kabane.ca/chiffres-numeriques-canada-2018
[3] Voir https://www.huffingtonpost.ca/2019/01/04/cord-cutting-study-canada_a_23633665/
[4] Voir : https://www.lesaffaires.com/dossier/fidelisation-2018/programmes-de-fidelisation–au-dela-des-points/605080
[5] Voir l’étude de Protégez-vous : https://www.protegez-vous.ca/argent/carte-de-fidelite