Pour Ariane Desjardins, étudiante au baccalauréat en loisir, culture et tourisme à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), l’idée de mettre sur pied l’Association des étudiant.es des premiers peuples est venue d’un besoin de se reconnecter avec sa culture : « Nous voulons créer une communauté pour les citoyens issus des premiers peuples, un lieu de repère et de rencontre pour la communauté étudiante autochtone. » C’est donc avec sa collègue Gloria Malek qu’elle fonde cette association étudiante à l’hiver 2021, appuyée par Anthony Caron des Services aux étudiants de l’UQTR.
La démarche d’Ariane s’inscrit d’abord dans un cheminement personnel initié par une réflexion sur ses origines. Issue de Wolastoqiyik Wahsipekuk, une nation autochtone dont le berceau québécois se trouve dans la région de Cacouna, la jeune femme constate un certain manque de cohésion, une perte de repères culturels et de la langue maternelle du fait que les membres sont dispersés un peu partout sur le territoire, sans connexion réelle avec leur passé.
« La nation Wolastoqiyik Wahsipekuk du Québec rencontre vraiment un enjeu de conservation culturelle, de reconnexion avec ses racines. Alors une de mes motivations en créant l’Association des étudiant.es des premiers peuples fut de pouvoir rencontrer des personnes autochtones qui embrassent leur culture et qui luttent pour la conserver. En côtoyant des étudiants de différentes nations, qui ont également des réalités différentes, on apprend beaucoup, on s’enrichit et on grandit à travers ces échanges », explique Ariane.
Au-delà de cette motivation personnelle s’élève l’idée de collectivité, de soutien au sein d’une communauté qui vit une réalité propre. « Pour les étudiants autochtones, il y a une certaine difficulté d’adaptation, du passage de la communauté à la ville, de se refaire un cercle d’amis. Mais il y a aussi de belles réussites, comme de mener ses études avec une famille et des enfants à charge, et on veut les souligner pour inspirer d’autres personnes à entamer des études universitaires! », affirme-t-elle.
Outre l’organisation de 5 à 7 dédiés aux étudiantes et étudiants des premières nations, la jeune association a déjà un premier gros événement à son actif, Nakickotatowok qui signifie en langue atikamekw « se réunir, interagir, se rencontrer ». En collaboration avec Wapikoni, un organisme de médiation, d’intervention, de formation et de création audiovisuelles qui s’adresse aux jeunes des premières nations, l’événement tenu en avril 2022 à l’UQTR a permis aux membres de la communauté universitaire de visionner des courts-métrages de réalisateurs autochtones de Trois-Rivières et de participer un échange culturel enrichissant.
Décoloniser les pratiques d’ÉDI
Ariane tient à préciser que le but de l’Association des étudiant.es des premiers peuples de l’UQTR n’est pas de faire de l’éducation. Et cette orientation vise justement à contrer une pratique, trop fréquente dans les classes universitaires, de mettre l’étudiant autochtone sous les projecteurs, par exemple en lui demandant de parler de sa réalité devant tous. « Cela ne part pas d’une mauvaise intention de l’enseignant, mais il faut comprendre que cette pratique peut être très malaisante pour l’étudiant en question. On assume qu’il veut répondre, mais ce n’est pas son rôle de faire de l’éducation », soutient Ariane.
Ce genre de situation arrive quand les organisations se sentent forcées d’implanter des mesures d’équité-diversité-inclusion (ÉDI) sans avoir de ligne directrice claire ou même en ignorant clairement les réalités dont il est question. « Au final, on ne sait pas trop quoi faire, on improvise, il y a peu d’initiatives propres. On le voit par exemple avec les personnes qui veulent se faire du capital politique lors de la Journée nationale pour la vérité et la réconciliation, sans réellement se connecter au quotidien avec la réalité autochtone », constate la jeune femme.
Celle qui est ambassadrice pour Mikana, un organisme de sensibilisation à la réalité autochtone, ajoute : « Un premier geste simple pour les gestionnaires serait de s’abonner, sur les médias sociaux, à des comptes d’influenceurs des premiers peuples, des créateurs de contenus issus de communautés autochtones, pour être exposés à ces réalités dans leur fil d’actualités et que ça devienne partie de leur quotidien. » Bref, que l’instauration des pratiques ÉDI en lien avec le contexte autochtone ne soit pas seulement une case à cocher sur un formulaire gouvernemental pour obtenir une subvention, mais plutôt une opportunité réelle de connecter avec la réalité des premiers peuples.
Les membres du CX 2022-2023 de l’Association des étudiant.es des premiers peuples de l’UQTR
Gloria Malek : présidente
Rachelle Chachai : vice-présidente
Anthony Quitich-Dubé : trésorier