Samuel de Champlain, lors ses explorations en Nouvelle-France, préférait, plutôt que les affronter, de parlementer et de négocier avec les Sauvages. Il sert de préciser ici que ce dernier nom n’était ni proscrit, ni péjoratif à cette époque; fidèle en cela à son étymologie puisqu’il est formé à partir de salvage, du latin sylva qui désigne « forêt ». Donc, par définition, ces dits Sauvages étaient simplement des hommes des bois.
Mais Champlain devait se faire comprendre lors de ses entretiens avec les Autochtones, donc il avait recours à des truchements, mot formé à partir de drugemement (XIIe), emprunté à l’arabe targuman, soit « traducteur ».
Au temps de Champlain, truchement signifiait « interprète », sens disparu au profit d’« intermédiaire » – sens actuel de ce mot surtout usité dans l’expression par le truchement de qqch., qqn., signifiant « par l’intermédiaire de… ». On peut donc dire que Champlain discutait avec les tribus autochtones par le truchement des truchements…
Pour leur formation, il envoya d’abord ces futurs interprètes vivre parmi les nations indiennes (Algonquins, Hurons, Népissnigues, etc.) pour apprendre leurs langues respectives. Ces nations sont donc nos premières écoles d’immersion linguistique!
Bon nombre de ces truchements se fixèrent plus tard à Trois-Rivières[i]. D’ailleurs, des odonymes (noms de rues) de cette ville les rappellent à notre mémoire : Jean-Nicollet – le plus célèbre –, François-Marguerie, Jacques-Hertel-de-Lafrenière (rue Hertel) et Nicolas-Marsolet. Notons que beaucoup de ces personnages étaient à la fois des explorateurs, des négociants, des traiteurs, etc.
Bref, des faits historiques qui suscitent d’intéressantes observations linguistiques. Pour conclure, nous empruntons cette phrase à D. H. Fischer : « Tel était le monde nouveau qui trouva son propre foyer aux Trois-Rivières. »
Référence
[i] David Hackett Fischer (2011), Le rêve de Champlain, Montréal, Les Éditions du Boréal, p. 585.