Contrairement à ce que pense la majorité des gens, « la composante la plus importante du sommeil pour préserver sa santé au fil des ans n’est pas sa durée, mais son efficacité », lance d’emblée la professeure Sophie Desjardins du Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Ce constat est d’autant plus pertinent qu’une efficacité de sommeil inférieure à 80 % double le risque de décès, sur une période de 13 ans, chez les personnes âgées de 65 ans et plus. Une faible efficacité de sommeil est également liée à un risque accru de déclin cognitif.
Une nouvelle étude conduite par la professeure Desjardins remet en cause certains facteurs que l’on aurait pu croire, à tort, prédictifs d’une faible efficacité de sommeil. Menée en collaboration avec les professeurs Sylvie Lapierre (UQTR), Carol Hudon (Université Laval) et Alain Desgagné (Université du Québec à Montréal), la recherche visait, parmi un très grand ensemble de facteurs, à identifier les éléments les plus associés à une faible efficacité de sommeil chez les aînés et à vérifier s’ils variaient en fonction de l’âge et du sexe.
Pour arriver aux résultats, des entrevues ont été menées auprès de quelque 2 500 personnes âgées de 65 ans et plus représentatives de la population québécoise. Les chercheurs ont découvert que plus de 28 % des aînés ont une efficacité de sommeil inférieure à 80 % et que plus de 15 % d’entre eux en ont une inférieure à 70 %. « C’est très préoccupant », affirme Mme Desjardins. Les résultats sont publiés dans la prestigieuse revue scientifique Sleep.
Qu’est-ce que l’efficacité du sommeil ?
L’efficacité du sommeil se détermine par le temps total de sommeil sur le temps passé au lit. Par exemple : vous vous couchez à 22 h et vous levez à 8 h, ce qui donne 10 heures au lit; toutefois, cela vous prend 30 minutes pour vous endormir, vous vous réveillez à deux reprises pendant 15 minutes durant la nuit et, finalement, vous ne pouvez plus vous rendormir à 7 h malgré les efforts consentis pour y arriver.
Avec une nuit comme celle-là, vous aurez donc atteint une efficacité de sommeil de 80 %, soit 8 heures de sommeil sur les 10 passées au lit. Une efficacité de sommeil de 100 % serait obtenue par une personne qui s’endormirait dès qu’elle se met au lit, qui n’aurait aucun réveil en cours de nuit et qui se lèverait dès le réveil matinal.
Des facteurs qui sont associés, ou non, à une faible efficacité de sommeil
Alors que l’on aurait pu penser que l’âge, les maladies, les troubles anxieux ou dépressifs sont ce qui prédit le mieux une faible efficacité de sommeil chez les personnes âgées, les résultats publiés dans Sleep ont révélé que ce n’est pas du tout le cas.
Les trois facteurs les plus fortement associés à une faible efficacité de sommeil sont en fait la douleur, la nycturie (se lever la nuit pour aller uriner) et la consommation de médicaments pour dormir. Chacun de ces éléments double le risque de présenter une efficacité de sommeil inférieure à 80 %. « La douleur est un enjeu important chez les personnes âgées. On sait qu’il existe une relation bidirectionnelle entre la douleur et le sommeil. La douleur prédira un mauvais sommeil et un mauvais sommeil prédira un niveau de douleur accru », explique la professeure Desjardins.
Selon elle, la nycturie est un problème dont l’importance est grandement sous-estimée : « Après la douleur, c’est le fait de se lever la nuit pour aller uriner qui est le plus associé à une faible efficacité de sommeil. Il est essentiel de déterminer ce qui vient en premier. Si le besoin d’uriner se manifeste à la suite de réveils en cours de nuit, une thérapie d’approche cognitivo-comportementale sera toute indiquée. Si c’est plutôt l’urgence d’aller uriner qui provoque les réveils, des exercices de contrôle de la vessie ou la prise d’une médication seront à privilégier », précise-t-elle.
Autre aspect surprenant que suggère la recherche : les médicaments pour dormir seraient au mieux inutiles et au pire nuisibles à l’efficacité du sommeil.
La recherche révèle également que certains facteurs que l’on aurait pu croire associés à une faible efficacité de sommeil ne le sont pas. Par exemple, il est généralement recommandé de ne pas faire d’activité physique 2 heures avant le coucher, de ne pas consommer de produits avec de la caféine après 18 h, ou encore d’éviter de faire une sieste dans la journée. « À travers notre étude, nous n’avons vu aucune association à faire entre ces comportements et une faible efficacité de sommeil chez les aînés », affirme la chercheuse. Il en va de même, notamment, pour la dépression et les maladies en général.
Pour un sommeil efficace
Même si l’étude porte sur le sommeil chez les personnes âgées, certaines bonnes habitudes peuvent déjà être implantées chez les adultes. Sophie Desjardins nous en mentionne quelques-unes : « Attendre d’être somnolent avant d’aller au lit, se lever toujours à la même heure pour régulariser son horloge biologique et, surtout, faire de l’activité physique. »
Consultez l’article publié dans Sleep et intitulé Factors involved in sleep efficiency: a population-based study of community-dwelling elderly persons.