Une nouvelle chaire de recherche en partenariat a récemment vu le jour à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Elle sera dédiée au développement de microalgues génétiquement modifiées qui pourront produire, à des fins commerciales, des molécules thérapeutiques telles que les cannabinoïdes.
Financée par l’industrie, Mitacs et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, la Chaire de recherche sur l’ingénierie métabolique des microalgues (IMMA) sera dirigée par la professeure Isabel Desgagné-Penix, une experte mondiale du métabolisme des plantes.
« Utiliser des microorganismes pour produire des molécules intéressantes n’est pas nouveau, explique la chercheuse. Les microbiologistes se servent notamment de bactéries, de levures ou de champignons génétiquement modifiés pour obtenir certains produits. Cependant, ces microorganismes ne sont pas en mesure de fabriquer des molécules très complexes. En nous tournant vers les microalgues, structurellement plus proches des cellules végétales, nous espérons avoir de meilleures chances de produire des molécules thérapeutiques habituellement issues des plantes. »
Programmer les microalgues
Pour arriver à ses fins, l’équipe de la professeure Desgagné-Penix devra d’abord prélever certains gènes sur des plantes produisant les molécules thérapeutiques recherchées. Elle insérera ensuite ces gènes à l’intérieur des microalgues afin que ces dernières puissent fabriquer les molécules souhaitées en grande quantité.
« Nous avions déjà entamé les premières phases de ce projet et les résultats se sont avérés prometteurs. La création de la Chaire IMMA nous permet de poursuivre nos recherches et de finaliser l’ajout des gènes manquants, en vue d’obtenir des souches de microalgues entièrement fonctionnelles », rapporte Isabel Desgagné-Penix, qui œuvre au sein du Groupe de recherche en biologie végétale et du Département de chimie, biochimie et physique de l’UQTR.
Les travaux de la Chaire se concentreront d’abord sur la production de deux sortes de molécules issues des plantes de cannabis : le cannabidiol (CBD) et le tétrahydrocannabinol (THC). Une fois la faisabilité de ce premier projet démontrée, il sera possible de changer la programmation des microalgues pour produire d’autres types de molécules thérapeutiques.
Ouvrir de nouvelles voies
« Il n’existe encore que peu d’outils pour travailler génétiquement avec les microalgues. La recherche actuelle tend surtout vers la production de biocarburants ou de pigments par les microalgues. Cependant, il ne s’agit pas de microalgues génétiquement modifiées. Nous n’en sommes qu’au commencement en ce qui concerne les modifications métaboliques et une percée en ce domaine constituerait une importante découverte », souligne la titulaire de la Chaire IMMA.
Les microalgues présentent plusieurs avantages. Elles peuvent être cultivées dans des eaux usées, servant ainsi d’agents de décontamination. Elles contribuent aussi à la réduction des gaz à effet de serre. De plus, une fois les molécules thérapeutiques extraites de leur bouillon de culture, les microalgues pourront encore servir à produire, entre autres, des biocarburants.
« Les travaux de la professeure Isabel Desgagné-Penix, menés en partenariat avec l’industrie, contribueront à la construction de nouveaux systèmes biologiques à des fins utiles pour l’humanité. Ils permettront aussi à l’UQTR de se positionner à titre de leader en biologie synthétique microalgale, un domaine d’expertise en pleine expansion, mais encore peu développé au Québec et au Canada », de commenter Daniel McMahon, recteur de l’UQTR.
Financement et partenaires
La Chaire IMMA bénéficiera de fonds totalisant plus de deux millions de dollars. Un partenaire industriel, spécialisé dans le développement de plateformes pour la croissance des algues, investira 963 006 $ dans ce projet. Pour sa part, l’organisme Mitacs versera un montant de 535 333 $ en subventions Accélération. Il s’agit du plus important financement de ce type jamais attribué à l’UQTR. Une subvention de recherche et développement coopérative (RDC) de 525 000 $, octroyée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada, complètera le montage financier de la Chaire.
Les fonds obtenus serviront principalement au paiement des bourses et salaires des membres de l’équipe de recherche de la professeure Desgagné-Penix. Outre une professionnelle et une technicienne, le groupe comptera une vingtaine d’étudiants de tous les cycles ainsi que six stagiaires postdoctoraux. Une partie des fonds sera également allouée à l’achat d’équipements de laboratoire.
L’équipe de la Chaire IMMA réalisera ses travaux dans les laboratoires de l’UQTR, à petite échelle. « Lorsque viendra le temps des tests à grande échelle, nous ferons appel à la collaboration du Centre national en électrochimie et en technologies environnementales du Collège Shawinigan ainsi que de l’Université Dalhousie, située en Nouvelle-Écosse. Ces deux partenaires possèdent les appareils nécessaires pour vérifier si nos souches de microalgues génétiquement modifiées produisent effectivement les molécules thérapeutiques recherchées », d’ajouter la professeure Desgagné-Penix.