Comment prétendre enseigner l’innovation si on n’est pas créatif dans nos méthodes pédagogiques ? La question semble aller de soi, mais innover dans un cadre scolaire demeure un défi. C’est tout de même cette direction audacieuse qu’a voulu emprunter la chargée de cours à l’École de gestion de l’UQTR, madame Tinasoa Razafindrazaka dans le cadre du cours GAE1002 — De la créativité à l’innovation, offert par le Département de management à l’hiver dernier.
Que ce soit pour des études de cas, des séminaires de créativité et l’apprentissage du développement de nouveaux produits, la chargée de cours Tinasoa Razafindrazaka a multiplié les innovations afin de permettre à ses étudiants d’être en contact avec le milieu professionnel au cours du premier cycle universitaire. Le but était évidemment de rendre le cours vivant, mais aussi de familiariser les étudiants le plus tôt possible avec ce qui les attend une fois diplômés.
La créativité, ça s’apprend !
Faisant partie du cheminement Innovation, Entrepreneuriat et Développement des affaires, ce cours du baccalauréat en administration des affaires vise le développement de la créativité et de l’innovation au sein des entreprises et des organisations. Il n’y a donc pas que les artistes qui doivent apprendre comment stimuler leur créativité, les gestionnaires aussi !
La créativité est même devenue une compétence recherchée depuis la pandémie. Nous assistons présentement à une transition vers une créativité entrepreneuriale basée sur la capacité à se projeter en avant, et à se positionner sur de grands idéaux et enjeux sociétaux. En effet, l’innovation n’est pas seulement technologique, elle peut être organisationnelle et même sociale. C’est donc avec cette vision globale de l’innovation et de la créativité que Tinasoa Razafindrazaka a abordé ce cours et conceptualisé ses innovations pédagogiques.
Trois innovations pédagogiques
Dans un premier temps, madame Razafindrazaka a organisé un séminaire de créativité dans les locaux de Halo Trois-Rivières — District entrepreneurial innovant. L’activité était animée par Mme Mélanie Bibeau, mobilisatrice de projets collectifs au Pôle d’économie sociale de la Mauricie, et portait sur l’innovation sociale. Le lieu choisi était donc parfaitement adapté aux situations professionnelles. De plus, la méthode SISMIC (pratique innovante et collective de créativité en innovation sociale) a également été utilisée en guise de technique de créativité.
Dans un deuxième temps, la chargée de cours a invité tour à tour deux entrepreneurs pour discuter en classe de leur processus de créativité et d’innovation au sein de leur organisation respective. Plutôt que de présenter des études de cas fictifs, Tinasoa Razafindrazaka a encore une fois privilégié l’approche in vivo, afin de rendre compte de la complexité du réel. Les étudiants ont donc eu la chance de rencontrer Phil Dallaire, fondateur de l’application Eezly.com, ainsi que Gabriel Landry, fondateur de l’entreprise SLM Distribution. Les deux entrepreneurs ont parlé de la reconnaissance des opportunités à saisir, et des façons dont celles-ci peuvent inspirer la création d’innovations.
Dans un troisième temps, Joanie Cusson, conseillère principale chez Desjardins, est venue présenter les différentes étapes de développement associées à un nouveau produit. Le but était de faire une mise en pratique du processus de développement de nouveaux produits : du design thinking jusqu’au lancement du produit sur le marché.
Réduire la frontière entre le monde académique et professionnel
Au terme du cours, madame Razafindrazaka s’est dite très satisfaite de l’expérience. Des résultats positifs de cette incursion dans le monde professionnel sont apparus au terme des diverses évaluations. Les étudiants utilisaient des exemples réels en guise d’illustrations et ne se gênaient pas pour citer les paroles des intervenants dans les travaux.
« Nous avons vu en classe les concepts et les théories, puisque nous sommes tout de même dans un cadre universitaire, mais le but était de réduire la frontière entre le monde scolaire et professionnel autant que possible. Les étudiants étaient considérés comme des futurs collègues avant tout », explique la chargée de cours.
Une demande des étudiants
Loin de prendre tout le crédit, Tinasoa Razafindrazaka mentionne que cette approche pédagogique était également une demande des étudiants.
« Ce n’était pas des innovations imposées, mais bien partagées et que j’ai adaptées en cours de route », explique-t-elle.
« Ce cours nous a démontré que l’erreur n’est pas une fatalité, mais une opportunité. Cette leçon est bien plus enrichissante qu’une simple leçon de cours, c’est une leçon de vie, car finalement sans l’erreur on ne peut s’améliorer, on ne peut évoluer », explique de son côté Mathilde Levain, étudiante du cours.
« Ces ateliers nous ont permis de voir les façons de penser des autres en fonction du projet. Nous avons ainsi vu qu’il y a différentes façons d’arriver à un but commun sur un chemin qui n’est pas toujours tracé d’avance », relate Thomas Blackburn au terme de l’évaluation des innovations pédagogiques.
« Moi j’ai été impressionné de voir comment on peut partir de rien pour arriver à des innovations », ajoute Jean-Yves Leta.
Faire appel à la pratique
Avec l’ouverture prochaine de la salle des marchés, l’École de gestion de l’UQTR cherche à s’arrimer davantage avec le marché du travail. L’offre de cours professionnalisant en marketing et en relations de travail est déjà bien présente au premier et deuxième cycle. C’est aussi l’objectif des différents concours [inter]universitaire que chapeaute l’École.
« Ayant plusieurs contacts dans la communauté, Mme Razafindrazaka a pu créer des ponts entre le milieu et les élèves de l’École. Sa grande utilisation d’études de cas réels est impressionnante et, j’imagine, fort stimulante pour ses étudiants. Les cours professionnalisants ont avantage à sortir du cadre académique autant que possible. Mme Razafindrazaka est un exemple à suivre et une source d’inspiration », relate Diane Gagné, la directrice sortante de l’École de gestion de l’UQTR.
« Je suis convaincue que le fait d’avoir donné le séminaire de créativité dans un véritable incubateur d’innovation a donné lieu à des idées qui n’auraient pas émergé dans une salle de classe. J’avais vraiment l’impression que les étudiants étaient dans une situation professionnelle. Nous n’étions plus à l’université, nous étions dans un contexte de pratique si je peux m’exprimer ainsi », a conclu Tinasoa Razafindrazaka.