D’athlète d’élite en natation artistique à étudiante au doctorat de premier cycle en médecine podiatrique à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) : on pourrait penser que le rêve de sa vie est déjà accompli, ayant été deux fois aux Jeux olympiques, à Rio en 2016 et à Tokyo en 2021, ainsi que 67 fois médaillée des séries mondiales. Mais Jacqueline Simoneau caresse maintenant un autre rêve : que les podiatres joignent les rangs des équipes de soins multidisplinaires des athlètes olympiques. Et elle sait que le chemin pour y arriver ne sera pas nécessairement facile.
« Si j’ai appris quelque chose à travers mon parcours d’athlète de haut niveau, c’est qu’atteindre un objectif, un rêve, ce n’est pas un chemin linéaire. On anticipe souvent l’endroit où l’on veut arriver, on sait ce qu’on doit faire pour l’atteindre, et lorsqu’on regarde en avant, qu’on planifie les étapes, c’est comme si l’on traçait une ligne droite. Et puis, il arrive un accident, une blessure, et tout d’un coup la ligne droite devient sinueuse », observe la jeune femme de 25 ans avec le recul.
C’est une tendinite sur la surface du pied droit, survenue lors d’entraînements en vue des Jeux panaméricains de 2015, étape obligatoire sur le chemin des Jeux olympiques de Rio 2016, qui déclenche une série d’événements rompant cette ligne droite vers l’objectif ultime. « Le médecin d’équipe m’a prescrit du Naproxen, ce qui a généré un ulcère d’estomac. Un matin, je me suis évanouie en allant à mon entrainement parce que j’avais des saignements internes abondants. »
« À quelques mois des Jeux panaméricains, les médecins me disaient que c’était impensable que je compétitionne avec des niveaux d’hémoglobines aussi bas. Et en natation artistique, pour se qualifier aux Jeux olympiques, il faut absolument gagner une médaille d’or aux Jeux panaméricains », relate Jacqueline en ajoutant rapidement : « Mais je suis aussi têtue : j’avais un objectif et je voulais l’atteindre. »
Quand elle sort de l’hôpital, Jacqueline envoie un courriel à tous les experts médicaux qu’elle connaît pour revoir le plan d’entraînement en fonction de son état. « Je pouvais à peine me lever du lit sans m’évanouir et je voulais compétitionner aux Jeux panaméricains dans quelques mois. Mais on a fait un plan de match », se souvient-elle.
Encore une fois, l’athlète d’élite canadienne se retrouve à l’hôpital lors d’un camp d’entrainement au Brésil. « J’avais perdu beaucoup de sang dans mes intestins, j’étais très faible et on m’a renvoyé au Canada. La question se posait encore : est-ce que j’arrête? Mais on a décidé d’essayer un autre plan de match, avec un retour progressif à l’entraînement et une diète pour augmenter mes taux d’hémoglobines. Cette fois, la stratégie a fonctionné : j’ai finalement gagné deux médailles d’or aux Jeux panaméricains et qualifié le Canada pour qu’un un an plus tard, je puisse compétitionner à Rio », raconte-t-elle.
L’intérêt pour la médecine podiatrique
C’est à travers ces événements que naît son intérêt pour la podiatrie : « Tout cela a commencé à cause de ma tendinite au pied. Dans l’équipe canadienne et au centre d’entraînement à Montréal, il y a beaucoup de spécialistes, des médecins sportifs, des physiothérapeutes, des neurologues, des kinésiologues, etc., mais pas de podiatres. C’est pour cela que je me suis intéressée à la podiatrie, pour espérer retourner un jour dans le milieu du sport de haut niveau comme podiatre afin de traiter et prévenir les blessures aux pieds. »
Après les Jeux de Tokyo, Jacqueline décide de prendre une retraite temporaire pour se concentrer sur ses études à l’UQTR. « Je vais voir si je vise Paris 2024, mais pour l’instant je savoure la vie de campus. C’est la première fois que je suis à l’école à temps plein et en présentiel. J’ai fait mes études souvent à distance pour les concilier avec les compétitions et les entraînements, alors d’avoir l’opportunité d’être sur un campus, à l’UQTR, c’est vraiment génial. J’adore mes classes, j’adore mes professeurs et, en plus, le fait qu’il y ait un centre sportif avec une piscine de dimension olympique sur le campus, c’est le rêve », avoue-t-elle.
L’étudiante de l’UQTR trouve maintenant une façon de lier sa passion pour le sport avec son intérêt grandissant pour la podiatrie : « Par exemple, beaucoup de collègues en natation artistique se retrouvent à l’urgence pour des fasciites plantaires alors que les podiatres pourraient traiter ce genre de blessures aux pieds. Je crois que tous gagneraient à ce qu’ils joignent les équipes de soins. Et comme je siège encore au Comité olympique canadien, je peux jouer un rôle pour générer ce type de changement. »
De faire reconnaître les podiatres dans ce contexte est donc son prochain objectif, mais Jacqueline sait très bien que pour y arriver, le chemin risque de ne pas être linaire.