L’expression «Il faut un village pour élever un enfant» exprime la réalité des besoins croissants des familles qui, trop souvent, ne savent plus où donner de la tête pour trouver le soutien nécessaire. Pourtant, les services à l’enfance sont de plus en plus nombreux au Québec.
Pour le professeur Carl Lacharité, chercheur au Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et de la famille de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), la multitude des services n’est pas la réponse aux nombreux besoins des parents. Selon lui, ces derniers ont intérêt à se faire confiance et à entretenir leurs liens avec d’autres parents afin d’apprendre à être de bons parents et à répondre aux besoins des enfants pour les aider à s’épanouir pleinement.
«Ce que nous dénonçons, c’est le déséquilibre qui prévaut actuellement. Plus on ajoute des services et des interventions d’experts, plus on enlève des occasions d’apprendre. Les parents ne remplaceront pas les médecins et autres spécialistes, mais nous devons trouver un moyen pour qu’ils se réapproprient certaines choses qui ont été cédées à des professionnels interventionnistes au cours des dernières années», explique le M. Lacharité.
Le professeur, accompagné de sa collègue et conjointe, Mme Marleen Baker, précise que ce ne sont pas que les familles vulnérables qui ont besoin de soutien. Citant la récente Enquête québécoise sur l’expérience des parents d’enfants de 0 à 5 ans, une vaste étude menée auprès de 15 000 parents par l’Institut de la statistique du Québec, M. Lacharité souligne que près d’un parent sur 5 ne se sent pas complètement compétent dans son rôle.
«Ça vient peut-être dû fait que nous avons trop de mesures et services imposés. Il faut que les initiatives émanent du milieu, à partir des besoins vécus par les parents. Il faut que les parents se mobilisent, de concert avec les intervenants, afin qu’il y ait plus d’accompagnement, d’échange, et d’éducation si nous voulons qu’ils gagnent en confiance et en compétence. Et tout cela est possible à bien des niveaux, que ce soit à l’école, à la garderie, dans les loisirs ou autres.»
Burnout parental
Avoir des enfants peut être une source de bonheur à bien des égards, mais il suffit d’avoir été parent soi-même ou d’observer les parents de son entourage pour comprendre que la progéniture peut également être cause de stress intense, de tensions et de sentiment de perte de contrôle pouvant mener au surmenage. On parle alors de burnout parental.
Le burnout parental est un syndrome de détresse intense lié à la parentalité et qui se manifeste de trois façons : un épuisement physique et émotionnel, un désengagement affectif et la perte du sentiment d’efficacité parentale.
«Les parents d’aujourd’hui vivent avec une pression sociale qui n’existait pas à l’époque de nos mères et nos grand-mères. Ils veulent la vie parfaite et sont beaucoup préoccupés par ce que les autres pensent de leurs enfants et de leurs compétences parentales. Ils sont également inondés d’informations sur le développement de l’enfance avec les conseils de divers professionnels, les nombreux blogues, forums de discussion et autres qui finissent souvent par se contredire et causer plus de stress et de confusion qu’autre chose. Faire le deuil du parent et de l’enfant parfait est probablement une bonne première étape vers un retour à l’équilibre et au sentiment de compétence», suggère M. Lacharité.
Expertise internationale à l’UQTR
L’enrichissement de l’expérience parentale, le soutien des compétences des parents et la prévention de la détresse parentale seront au cœur des discussions lors d’une rencontre de la Communauté internationale de pratiques et de savoirs sur le soutien aux familles qu’organise l’UQTR, en collaboration avec la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille et la Fondation Apprentis d’Auteuil en France, du 2 au 6 juillet. Les chercheurs Carl Lacharité, Jean-Pierre Gagnier et Marleen Baker et y seront afin de présenter le modèle québécois des Maisons des familles, une organisation qui favorise l’accompagnement, le partage d’expérience et l’éducation des parents plutôt que l’intervention systématique des professionnels.
«En France et ailleurs en Europe, il y a beaucoup d’intérêt pour le modèle québécois des maisons des familles. C’est difficile là-bas pour les parents de s’impliquer dans des organismes ou des associations s’ils ne sont pas des experts en éducation. C’est comme si l’expertise parentale était moins considérée alors que l’opinion ou le vécu des parents peut être très riche d’information pour les instances qui développent des programmes d’intervention, de formation et de sensibilisation», confie Mme Baker.
Preuve que la réputation de l’UQTR dans les domaines du développement de l’enfant et de l’exercice du rôle de parent n’est plus à faire, des participants d’une dizaine de pays ont confirmé leur présence à cette rencontre d’intervenants, de gestionnaires d’établissement et de chercheurs soucieux de se mettre au diapason de l’expérience des parents et des enfants.